Price Plante Stubbs

MONTRÉAL- Michel Plante est passé bien près de rencontrer le gardien des Canadiens de Montréal Carey Price lors du Match des étoiles 2017 de la LNH à Los Angeles, espérant alors pouvoir lui faire signer son chandail du Tricolore. Mais dans un Staples Center plein à craquer, ça ne s'est finalement pas produit.

Samedi au Centre Bell, presque 26 mois plus tard, le moment est enfin survenu.
Plante a rencontré Price au centre de la patinoire avant le revers de 2-0 des Canadiens contre les Blackhawks de Chicago lors d'une cérémonie pour souligner la 315e victoire de Price. Ce gain, au compte de 3-1 contre les Red Wings de Detroit au Centre Bell le 12 mars, a permis à Price de dépasser Jacques Plante, le défunt père de Michel, au premier rang au chapitre des victoires pour un gardien dans l'histoire de la concession.
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À la suite de la diffusion d'une vidéo hommage sur l'écran géant et d'une ovation monstre de la foule, Price a été rejoint au centre de la patinoire par son épouse, Angela, ses deux jeunes filles, Liv et Millie, ses parents, Jerry et Lynda, et sa sœur, Kayla. Le capitaine des Canadiens Shea Weber et les adjoints Brendan Gallagher et Paul Byron ont ensuite remis au gardien un chandail portant le numéro 315 autographié par tous les joueurs de l'équipe.
Le propriétaire des Canadiens Geoff Molson a ensuite été rejoint par Michel Plante et sa fille, Audrey, ainsi que sa petite-fille, Zoé - trois générations de Plante sous la bannière du légendaire numéro 1 accrochée au plafond - pour la présentation d'un bâton en or sur lequel était gravé le no 315 et les noms de plusieurs gardiens que Price a dépassés en route vers le record.

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Plus tard, 40 minutes après la sirène de fin de match, Price et Plante étaient seuls dans le vestiaire des Canadiens, presque directement sous le portrait de Jacques Plante avec le logo du CH à leurs pieds sur le tapis rouge.
« C'est évidemment un moment spécial dans ma vie », a affirmé Price, qui tenait dans ses mains une petite figurine de Plante. « Je suis très heureux que ma famille ait été en mesure de venir ce soir et que Michel ait pu rencontrer tout le monde. Durant l'ovation, j'étais un peu seul debout. C'est un drôle de sentiment. D'une part, tu es sensible à l'ovation, mais tu ne veux pas que ça s'étire pendant cinq minutes. »
Michel Plante n'aurait pas pu choisir une meilleure personne pour abaisser le record de son légendaire père.
« Je suis très fier que ce soit Carey qui ait battu son record », a-t-il confié, alors qu'il tenait une réplique de l'historique masque de son père de 1959. « De ce que je sais de cet homme, c'est quelqu'un avec de belles valeurs et un gars de famille. Je suis fier qu'il ait été en mesure de soutenir la pression pendant toutes ces années à Montréal pour finalement battre le record de mon père. »
On a commencé à entendre le nom de Jacques Plante être associé à celui de Price il y a un an, quand ce dernier a battu le record de Plante de 556 matchs de saison régulière joués avec les Canadiens, qui était un sommet dans l'histoire de l'équipe pour un gardien.

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Jacques Plante en action contre les Maple Leafs de Toronto au début des années 1960. Crédit photo : Temple de la renommée du hockey, collection Turofsky
Puis, avec sa 315e victoire, Price a dépassé Plante, qui était premier à ce chapitre dans l'histoire de l'équipe depuis sa 209e victoire le 2 janvier 1960, alors qu'il avait dépassé son idole Bill Durnan.
Malgré que les noms de Price et de Plante soient désormais unis, la génération actuelle de partisans des Canadiens connait surtout le nom de l'illustre gardien, son visage masqué et sa bannière flottant dans les hauteurs du Centre Bell plutôt que la légende qu'il a longtemps été à Montréal, un pionnier qui a tracé son chemin de cette ville jusqu'à son intronisation au Temple de la renommée en 1978.
De toutes les statistiques des Canadiens rattachées au nom de Plante - 314 victoires, 133 défaites, 107 matchs nuls, 58 jeux blancs, six Coupes Stanley, un trophée Hart, six trophées Vézina - son chiffre le plus impressionnant est peut-être « deux pouces » et son plus grand match n'a peut-être même pas été joué dans la LNH.
Alors que les bonus salariaux étaient souvent reliés à l'obtention du trophée Vézina, qui était remis au(x) gardien(s) dont l'équipe avait accordé le moins de buts en saison régulière jusqu'en 1980-81, Plante s'est plaint, au début des années 1960, à propos des barres horizontales des buts de Chicago, Boston et New York qui étaient positionnées deux pouces plus bas que celles de Montréal, Toronto et Detroit. Il le savait, disait-il, parce que lorsqu'il défendait un filet plus petit, la barre horizontale touchait son dos deux pouces plus bas.

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Plante réalise un arrêt acrobatique durant un match au début des années 1960. Crédit photo : Temple de la renommée du hockey, collection Turofsky
Selon Plante, cela conférait un avantage à Glenn Hall, un rival dans l'obtention du Vézina dont le filet du Chicago Stadium, où il jouait 35 matchs à domicile avec les Blackhawks, était plus petit. La barre horizontale de son but n'était pas à quatre pieds de la glace, mais bien à trois pieds et 10 pouces.
Les adversaires de Plante et la LNH qualifiaient cette théorie de non-sens jusqu'à ce que des mesures soient prises à Chicago, à Boston et à New York. Celles-ci ont révélé que les barres horizontales étaient soudées à l'intérieur des poteaux aux extrémités et non au-dessus, contrairement aux trois autres arénas. C'est quelque chose que Plante savait sans même avoir besoin d'un ruban à mesurer.
Cette révélation est survenue 10 ans après que la direction des Canadiens eut appris à composer avec l'inattendu dans le cas de Plante, qui fâchait presque ses patrons et ses coéquipiers avec ses manies et son égo. Mais ça durait généralement jusqu'à ce qu'ils embarquent dans des véhicules pour prendre part au défilé de la Coupe Stanley.
De ses 556 matchs disputés dans l'uniforme des Canadiens, le plus beau moment de Plante est probablement survenu au Forum, le 16 décembre 1965, huit mois après le début de sa retraite de trois ans à la suite de ses deux saisons avec les Rangers de New York.
Plante a été convaincu de rechausser les jambières par l'entraîneur des Canadiens juniors de Montréal Scotty Bowman pour être l'un de plusieurs renforts en vue d'un match contre l'équipe nationale russe, qui était en visite dans le cadre d'une tournée. Il s'est entraîné pendant une semaine, il a conseillé ses défenseurs inexpérimentés, puis a relevé le défi avec brio, n'ayant jamais vu la puissance russe en action, pas même à la télévision.

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Plante stoppe un attaquant russe durant le match hors-concours du 16 décembre 1965 au Forum de Montréal dans ce qui a peut-être été le plus grand match de sa carrière
Norm Dennis, des Canadiens juniors, a marqué avec 29 secondes à faire pour permettre aux siens de vaincre les Russes 2-1, mais c'est Plante qui a épaté dans le Forum de Montréal plein à craquer. Dans cet édifice où il avait été une vedette des Canadiens pendant une décennie, il a réalisé 25 arrêts, stoppant cinq échappées, dont trois en troisième période alors que le score était égal.
Ce match a eu lieu 13 ans après les débuts de Plante dans la LNH, un gain de 4-1 au Forum contre les Rangers le 1er novembre 1952. La plus grosse inquiétude de la direction de l'équipe ce soir-là était de savoir si Plante allait porter une tuque en laine qu'il avait tricotée lui-même devant le filet. Il aurait alors été sujet à « plusieurs railleries stupides et non nécessaires », avait mentionné l'entraîneur Dick Irvin à l'époque. Il ne l'a finalement pas portée.
Price a rigolé en entendant cette anecdote, déclarant qu'il n'avait qu'à se soucier de Sidney Crosby et d'Evgeni Malkin à son premier match, un gain de 3-1 à l'étranger le 10 octobre 2007 contre les Penguins de Pittsburgh.

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Plante porte une tuque qu'il a tricotée lui-même durant un match des années 1950 contre les Royaux de Montréal dans le Ligue de hockey senior du Québec
Si Plante était vu par certains comme quelqu'un d'excentrique et par d'autres comme quelqu'un d'un peu désaxé, il n'y a aucun doute qu'il voyait le hockey d'une manière bien différente des autres à son époque. Il était unique dans sa façon de se préparer pour un match, il a développé un style qui est devenu une base pour plusieurs gardiens, il tentait de décoder les tendances des tireurs adverses des dizaines d'années avant que l'on étudie les jeux sur vidéos et il jouait le rôle de troisième défenseur de plusieurs façons, dirigeant la circulation dans sa zone et dégageant souvent la rondelle lui-même de son territoire.
Selon plusieurs, la personnalité forte de Plante a usé sa relation avec la direction des Canadiens au fil du temps, particulièrement avec l'entraîneur Toe Blake, et le 4 juin 1963, il a fait partie d'une énorme transaction avec les Rangers impliquant sept joueurs. Sous le choc, Plante avait appris la nouvelle en écoutant la radio dans son auto, alors qu'il se rendait à une réunion de la LNH au sujet des pensions à Montréal.
Il s'est ressaisi et a joué deux saisons avec New York avant de prendre sa retraite et de revenir pour ce match mémorable contre les Russes. Mais son travail avec la brasserie Molson pour le compte des Canadiens ne satisfaisait pas sa soif de compétition et son besoin d'être sous les projecteurs. Il est donc revenu au jeu pour 173 autres parties dans la LNH avec les Blues de St. Louis (partageant le trophée Vézina de 1968-69 avec Glenn Hall), les Maple Leafs de Toronto et les Bruins de Boston entre 1968 et 1973.

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Un curé catholique examine le premier masque de Plante durant une visite du vestiaire des Canadiens en 1959
Plante sera toujours célèbre pour ses années à Montréal, alors que son record de victoires a tenu pendant plus de 59 ans au sein de la plus vieille équipe de hockey professionnel.
Dans le vestiaire samedi soir, Michel Plante a eu le temps de partager quelques histoires à propos de son père avec Price. Il a offert au nouveau détenteur du record un livre de hockey pour les jeunes, que Price s'est dit impatient de lire à sa fille la plus âgée, Liv.
Alors que les deux hommes se dirigeaient vers la porte, Plante a marché par mégarde sur le logo du CH, ne sachant pas que les règlements du vestiaire l'interdisent. La photographe des Canadiens, Florence Labelle, qui avait fait bien attention de contourner le logo, a poussé un petit soupir d'exclamation.
« Ne t'en fais pas, Michel », a dit Price à Plante en riant. « Je ne vais pas te donner une amende. »
Ils se sont ensuite assis pour que Price puisse signer le chandail de Plante au-dessus de plusieurs autres signatures autour du nom de Plante.
Une demi-heure plus tard, alors que Price se réunissait avec sa famille à l'extérieur du salon des familles et qu'il tenait dans ses mains le gros bâton en or, Plante et les siens sont retournés à la maison. Le chandail de Michel était enfin signé et les deux gardiens les plus victorieux de l'histoire des Canadiens étaient finalement unis.