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On savait d'ores et déjà que Joonas Korpisalo aurait des grands souliers à chausser devant le filet des Blue Jackets de Columbus quand Sergei Bobrovsky a mis le cap sur la Floride. La question qu'on se pose désormais est la suivante : les souliers étaient-ils justement trop grands?

Au quart de la saison, disons que l'expérience n'est pas très convaincante. À l'image de l'équipe (7-8-4) qui n'a pu retenir les services des attaquants Artemi Panarin et Matt Duchene cet été, le gardien finlandais de 25 ans en arrache.
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Non seulement affiche-t-il un rendement de 7-7-1, une moyenne de buts alloués de 3,04 et un taux d'efficacité de ,897, mais le portier de 25 ans montre aussi des signes d'immaturité devant son filet. Si on ne l'a pas vu à l'œuvre face aux Canadiens, mardi, c'est parce qu'il avait été sanctionné par son entraîneur John Tortorella.
Pourquoi, demandez-vous?
Parce qu'il a perdu son sang-froid non pas une, mais deux fois au cours des dernières semaines. Il a d'abord lancé son bâton après avoir accordé le but qui a fait la différence à Kevin Hayes en désavantage numérique dans un revers de 7-4 face aux Flyers de Philadelphie.

Après s'être excusé à ses coéquipiers en assurant que ça ne se reproduirait plus, il a récidivé samedi dernier quand Nazem Kadri a profité d'un revirement de Pierre-Luc Dubois à la ligne bleue pour inscrire le but d'assurance dans une victoire de 4-2 de l'Avalanche. Cette fois, c'est la barre horizontale qui a payé le prix.

Tortorella a donc sorti le fouet et c'était franchement le bon message à passer. Comme entraîneur, il est un peu comme le père de famille et il ne peut pas tout tolérer. Surtout de la part d'un jeune gardien qui aspire à devenir no 1 et qui doit absolument apprendre à gérer ses émotions pour y parvenir. Pour l'instant, ses sautes d'humeur envoient un très mauvais message au reste de l'équipe.
Même s'il a tenu à préciser qu'il était frustré par son propre rendement et non par celui de ses coéquipiers, ses petites crises sont survenues après des erreurs flagrantes des joueurs devant lui. Comme gardien, la dernière chose que tu dois faire c'est de blâmer les autres.
Le travail d'un gardien, c'est justement de réparer les erreurs des autres; il est payé pour ça! C'est comme si un policier disait qu'il est tanné d'arrêter les automobilistes… C'est une image frappante, mais ça illustre bien la situation. Oui, tu as le droit de montrer des émotions, de te fâcher, mais tu dois premièrement t'assurer que tu n'as rien à te reprocher. C'est la même chose pour un attaquant ou un défenseur qui décide de critiquer ouvertement ses coéquipiers. Il doit avoir une certaine crédibilité et choisir son moment.
Le faire à la vue de tous comme Korpisalo l'a fait dernièrement, ce n'est jamais la bonne façon. Encore davantage quand c'est fait en plein match alors que l'équipe est encore dans le coup. C'est un mauvais message à envoyer. Les gars ne sont pas fous, ils voient bien que l'épine dorsale de l'équipe a perdu le contrôle et qu'il est en train de se sortir lui-même du match.
Je fais souvent des rapprochements avec l'armée. Si un groupe de soldats rencontre un pépin pendant une mission et qu'ils voient leur sergent péter les plombs, lancer son arme et son casque, c'est assez inquiétant. C'est exactement la même chose pour un gardien no 1 dans la Ligue nationale.
Courbe d'apprentissage
Dans toute cette histoire, il faut quand même garder en tête que Korpisalo n'a que 25 ans et que cette charge de travail, et la pression qui y est associée, est tout à fait nouvelle pour lui. Il y a du positif parce qu'il démontre du caractère et le désir de gagner, mais il doit apprendre à contrôler ses émotions.
Devenir no 1, ça ne se fait pas du jour au lendemain. C'est un processus. Ça prend une maturité et il faut qu'il ait vécu des choses. Ce n'est pas pour rien que certains gardiens talentueux qui semblent tout avoir pour eux sont incapables d'occuper poste de partant à un moment ou un autre de leur carrière.
Il faut avoir le talent et le gabarit, certes, mais il faut aussi être capable de gérer la pression, d'afficher de la constance et de contrôler ses émotions en tout temps. C'est un travail qui se passe surtout entre les deux oreilles. C'est un amalgame complexe et il faut du temps pour y parvenir.
Ce n'est pas rare de voir un gardien atteindre sa maturité vers 27 ans, c'est même tout à fait normal. Pour ma part, c'est à cet âge que j'ai vraiment senti que j'étais en train d'y parvenir et que tous les éléments se mettaient en place. Ce que vit Korpisalo présentement, c'est loin d'être anormal.
Souvenez-vous de Carey Price à un jeune âge. Je ne veux pas faire de comparaisons entre lui et Korpisalo, mais il a vécu les mêmes choses. Ça lui est arrivé de manquer de confiance et d'avoir des sautes d'humeur dans ses premières années. Ça ne l'a pas empêché de devenir une référence à travers la LNH, tout comme Marc-André Fleury l'est lui aussi.
Il faut simplement faire preuve de patience et faire confiance au processus.