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COLE HARBOUR, Nouvelle-Écosse - Il y a près de 11 ans, quand l'animateur de l'émission de télé américaine « The Tonight Show » Jay Leno a demandé à un Sidney Crosby âgé de 17 ans d'où il venait, les gens d'ici auraient compris s'il avait simplement répondu qu'il était originaire de Halifax.
Mais le fait que Crosby ait plutôt dit « Cole Harbour, Nouvelle-Écosse » est quelque chose dont on se souvient encore au sein de la communauté de près de 30 000 personnes. Et qu'on continue d'apprécier. Que le capitaine des Penguins de Pittsburgh ait ainsi nommé Cole Harbour a changé la perception que bien des gens avaient de l'endroit et ç'a même incité des résidents à changer la façon d'indiquer leur adresse postale.

En raison des fusions dans la région de Halifax, Postes Canada considère que les résidents de Cole Harbour vivent dans les faits à Dartmouth, la municipalité voisine. Pas tout le monde accepte cela.
« Mon adresse postale est à Dartmouth en Nouvelle-Écosse, mais je vis à Cole Harbour alors je n'écris plus Dartmouth », a indiqué Paul Mason, un résident de longue date de Cole Harbour qui a été l'entraîneur de Crosby au niveau pee-wee et l'a aidé à diriger son école de hockey cette semaine. « Je le fais à cause de Sidney. Quand il a commencé à jouer dans la LNH, il disait toujours qu'il était originaire de Cole Harbour. Alors je me suis dit, 'Pourquoi j'écris Dartmouth, je devrais écrire Cole Harbour'. Je crois que la fierté qu'éprouve Sidney pour cette région a incité tout le monde à faire de même. C'est pourquoi les gens d'ici l'aiment autant. »

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L'amour qu'a Crosby pour Cole Harbour est aussi solide que l'amour qu'expriment les gens d'ici à son endroit. Ce sont des liens qui se sont tissés grâce aux valeurs familiales et aux amitiés qui ont pris naissance durant son adolescence, à une époque où il a constaté à quel point il y avait de la bonté chez les gens, à quel point ils étaient prêts à faire du bénévolat pour aider les autres. Il a alors appris ce qu'était l'esprit de communauté et le sentiment d'appartenance.
Tout cela résume ce que représente cette fin de semaine pour Crosby et Cole Harbour.
Pour la deuxième fois, Crosby a ramené la Coupe Stanley chez lui. Et pour la première fois, il a aussi amené dans ses bagages un deuxième trophée, le Conn-Smythe. Ces deux privilèges découlent évidemment de la récente conquête du championnat par les Penguins et du fait que Crosby a été élu joueur le plus utile à son équipe à l'issue des séries éliminatoires de la Coupe Stanley 2016.
Crosby a présenté la Coupe aux jeunes et aux membres de leurs familles à son école de hockey à Cole Harbour Place, vendredi, avant de l'amener un peu partout dans la communauté ; il s'est même arrêté dans un Tim Hortons local pour une visite improvisée. Samedi, il y aura un défilé en l'honneur de Crosby jusqu'à Cole Harbour Place, le centre récréatif multidisciplinaire où il a joué au hockey dans les rangs mineurs.
En ramenant la Coupe à la maison, Crosby veut ainsi remercier les siens. Cela permet aussi aux résidents d'ici de se distinguer des autres communautés qui adorent le hockey à travers le Canada parce qu'ils sont les seuls à pouvoir dire que le no 87 est un des leurs.
« C'est une fierté, a souligné le père de Crosby, Troy. Les gens sont fiers de dire qu'ils viennent de Cole Harbour. Sidney représente Cole Harbour. Les gens sont fiers de ce lien. »

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UN IMPACT ÉMOTIF
Durant l'hiver de 1989, quand Crosby n'avait même pas encore deux ans, Cole Harbour faisait les manchettes pour toutes les mauvaises raisons. Des tensions raciales à l'école secondaire du district de Cole Harbour avaient donné lieu à des incidents violents sur le terrain de l'institution découlant d'une bataille de boules de neige.
Des personnes s'étaient battues et il a fallu fermer l'école pendant que les autorités cherchaient à désamorcer les tensions qui s'étaient développées.
« C'est un incident qui avait pris des proportions démesurées », a expliqué Lorelei Nicoll, une résidante de longue date de Cole Harbour qui a été élue deux fois pour représenter Cole Harbour au sein du Conseil régional de Halifax. « C'est devenu une nouvelle d'envergure nationale. Nous en avons tous senti les effets. Il y a encore des gens pour qui ça reste un souvenir douloureux et ils en parlent encore. »
Mais Nicoll rend hommage à Crosby pour avoir permis de transformer l'image de Cole Harbour à l'échelle nationale.
Lorsqu'il a dit à Leno que Cole Harbour était sa ville d'origine, cela a rempli la communauté de fierté. Voilà que le nouvel enfant chéri du Canada, un enfant de Cole Harbour, vantait sa ville d'origine à la télé nationale américaine. C'était formidable.
« Il savait que cela donnerait un rayonnement positif à Cole Harbour et c'est effectivement ce qui est arrivé, a noté Nicoll. Ça n'efface pas les situations du passé et il y a beaucoup de travail à faire à ce chapitre, mais il s'agit de mettre l'accent sur le désir d'être inclusif et de tirer plaisir de la diversité qu'il y a chez nous. »
Mason va un petit peu plus loin. Il estime que l'image de Cole Harbour a commencé à s'améliorer quand Crosby a commencé à se forger une réputation enviable dans le hockey alors qu'il n'avait même pas atteint l'âge adolescent.
Il raconte l'histoire d'un Crosby qui a dominé outrageusement ses rivaux au Tournoi international pee-wee de Québec même si, dans les faits, il n'était que d'âge atome.
« Il l'a fait en représentant Cole Harbour, a souligné Mason. Dans la communauté du hockey, son nom avait déjà commencé à circuler et il était lié à notre communauté. Il aime ça sincèrement ici et tout le monde le sait, et c'est pourquoi tout le monde est si fier de lui. »

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UN IMPACT TANGIBLE
Mason constate à quel point Crosby a eu un impact au sein de sa communauté et dans la région en raison de son double rôle, celui d'entraîneur et dirigeant de l'Association de hockey mineur Cole Harbour Bel Ayr et celui de directeur de l'école Ross Road dans la communauté voisine de Westphal.
« Nous avons une petite boutique ici [à Cole Harbour Place], mon épouse et moi sommes partenaires avec les Crosby, et nous voyons les jeunes de Cole Harbour qui viennent ici. Nous sommes donc à même de constater combien de jeunes se rendent jusqu'ici et ce qu'ils achètent, a affirmé Mason. Je le vois à l'école aussi. Pourquoi autant d'enfants de Cole Harbour portent-ils des chandails des Penguins de Pittsburgh ? C'est à ce niveau-là qu'on voit l'impact. »
Jon Greenwood, qui est né à Cole Harbour et est entraîneur adjoint chez les Mooseheads de Halifax dans la LHJMQ, a déclaré qu'à une certaine époque, des équipes comme les Canadiens de Montréal, les Maple Leafs de Toronto et les Bruins de Boston étaient davantage visibles dans la région.
« Maintenant, je serais surpris si vous demandiez à 100 jeunes de Cole Harbour de nommer leur équipe favorite et qu'il n'y avait pas 95 pour cent d'entre eux qui diraient que ce sont les Penguins de Pittsburgh », a avancé Greenwood.
« Je sais qu'il y a des gens ici qui l'ont pris personnellement quand certains se sont mis à se demander si sa carrière était terminée ou s'il lui restait encore de bonnes années. Quiconque aurait posé ces questions à des gens de Cole Harbour auraient rendu ces gens furieux parce qu'il représente tellement pour eux. »
Si Crosby est aussi populaire ici, c'est parce qu'il cherche à se fondre dans la foule plutôt qu'à profiter de son statut.
« Il ne serait pas surprenant de le voir débarquer de son camion et de commencer à jouer au hockey dans la rue avec des jeunes, de façon tout à fait spontanée », a affirmé la mère de Crosby, Trina.
« C'est une vieille âme à cet égard », a ajouté Troy Crosby.

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L'impact qu'a Crosby est également bien visible à son école de hockey, qu'il a mise sur pied il y a deux ans. La presque centaine de personnes ayant travaillé à son école cette semaine était constituée de bénévoles non-rémunérés qui ont un lien avec Crosby, un membre de sa famille ou l'association de hockey mineur. Même le joueur de centre de l'Avalanche du Colorado Nathan MacKinnon, qui est né à Cole Harbour et qui a grandi en idolâtrant Crosby avant de l'imiter en devenant le premier choix du repêchage 2013 de la LNH, a enfilé les patins ici pendant deux jours.
Crosby s'est retrouvé sur la patinoire à chaque jour, pour enseigner et poser du ruban sur des bâtons, et aussi pour signer des autographes et réparer des pièces d'équipement. Des gens d'aussi loin que le Royaume-Uni et l'Australie ont été étonnés de constater à quel point il était affable et généreux de son temps, et comment il s'est fondu au sein du groupe de bénévoles.
« C'est un gars comme les autres quand il vient à l'aréna, a souligné Greenwood. Oui, il y a plus de demande pour lui. Il doit signer des autographes et accueillir les gens, mais c'est vraiment formidable de le voir un peu partout et interagir avec les autres gens ici. Il veut qu'on le traite comme les autres et je trouve que c'est merveilleux. »
Mais pour Crosby, faire son travail en toute humilité, redonner et côtoyer les jeunes de son patelin sont des comportements qu'il a appris à avoir grâce à la façon dont ses parents l'ont élevé.
« Il a grandi en étant entouré de bénévoles, a rappelé Troy Crosby. Ses entraîneurs étaient des bénévoles. Les gérants étaient des bénévoles. S'il y avait une levée de fonds, c'était dirigé par des bénévoles. Les parents de ses amis faisaient la même chose et nous nous fréquentions. Il a grandi dans ce genre d'environnement. »
Nicoll a souligné le lien qu'il y avait entre l'école de hockey et l'endroit où elle a eu lieu.
« Nous sommes à Cole Harbour Place, qui a été bâti grâce aux bénévoles, a-t-elle affirmé. Comment faire autrement qu'être humble quand vous voyez autant de personnes qui veulent tellement votre bien-être qu'ils ont sacrifié leur temps et leur énergie pour s'assurer que ça se réalise ? C'est là l'essence de Cole Harbour. »
C'est en bonne partie pourquoi Crosby se sent chez lui ici. Et c'est aussi ce qui rend Cole Harbour un endroit aussi spécial pour ses gens.
« J'étais au repêchage de la LNH le mois dernier et j'ai fait la connaissance d'autres entraîneurs des rangs juniors provenant d'un peu partout en Amérique du Nord. Ils me disaient, 'Tu es à Halifax, mais d'où viens-tu ?, a raconté Greenwood. Je leur répondais que je venais de Cole Harbour et personne ne m'a demandé où ça se trouve. Tout le monde le sait déjà. Peut-être que j'aurais été le gars qui aurait dit 'Halifax' il y a 10 ou 15 ans, mais maintenant je suis fier de dire 'Cole Harbour'. »