Guillaume-Lepage

Durant le mois de juin, l'initiative 'Le hockey est pour tout le monde' de la LNH et de l'Association des joueurs de la LNH (AJLNH) célèbrera le mois de la Fierté. Au cours du mois, LNH.com partagera des histoires en lien avec la communauté de hockey LGBTQ+. Aujourd'hui, un témoignage de Guillaume Lepage, un journaliste de notre équipe qui couvre les activités des Canadiens de Montréal, de la LNH et des espoirs au repêchage depuis plus de cinq ans.

Dix ans. Ça m'a pris 10 ans d'expérience dans le métier pour surmonter mes craintes, mes appréhensions, et en arriver à la conclusion que je pouvais être journaliste dans le monde du hockey en laissant tomber mon masque. En étant moi-même. En étant ouvertement homosexuel.
Dix ans de cheminement personnel et de processus d'acceptation, certes, mais aussi de nombreuses remises en question à savoir si la personne que j'étais vraiment pouvait gravir les échelons et éventuellement s'établir dans ce milieu, disons-le, plutôt conservateur.
Même si je me sens désormais bien à ma place dans le domaine, et que j'ai fait mes preuves, je me posais encore cette question jusqu'à l'été dernier. Pour moi, les deux réalités n'étaient pas compatibles.
Tout a basculé le jour où Luke Prokop est devenu le premier joueur actif appartenant à une équipe de la LNH à dévoiler son homosexualité, le 19 juillet 2021. Quand j'ai vu tout le soutien et les réactions positives des gens du milieu à son égard, j'ai décidé que le moment était venu. J'étais prêt. Le dernier obstacle venait de tomber.
Deux jours plus tard, j'avais fait mon coming out à ma famille, à mes amis et à quelques collègues. Un processus émotionnellement drainant, mais qui s'est avéré plus que positif. En 30 ans, jamais je n'ai été aussi heureux, épanoui et proche de mon entourage que dans la dernière année.
Je n'ai plus rien à cacher, je n'ai plus à marcher sur des œufs ni à adapter mon discours selon le contexte.
En ce sens, mon histoire n'est pas différente de celle de tous les autres qui ont dû faire leur coming out à un moment ou à un autre de leur vie, ou qui ne se sentent pas encore prêts à le faire. Ce qui la rend distincte, c'est qu'elle sera à jamais liée au hockey pour le meilleur et pour le pire.
Autant j'adore le sport et mon métier, autant je constate qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire au chapitre de la diversité et de l'inclusion. Le fait que de plus en plus d'acteurs du milieu se sentent à l'aise de partager leur histoire est un signe de progrès, mais il ne faut pas s'arrêter là.
La représentation importe
J'écris ce texte avec l'intention que ce soit un autre pas en avant. L'objectif n'est pas d'attirer les projecteurs sur moi - je n'en ai pas trop l'habitude, de toute façon - mais bien d'ajouter ma voix à celles des quelques personnes qui ont le courage de s'afficher dans le monde du hockey.
Certains vont dire que c'est ma vie privée, que je devrais simplement garder ça pour mon cercle rapproché. Mais tout est une question de représentation. Quand on voit quelqu'un avec un parcours similaire au nôtre s'épanouir dans sa vie personnelle et professionnelle, on se dit : « et pourquoi pas moi? »
C'est important. D'autant plus que les modèles de diversité sexuelle et de genre ne pleuvent pas dans le hockey, et dans les médias sportifs en général. Loin de là. Luke Prokop a été le mien, il y a un an, et j'espère que mon histoire fera son chemin, qu'elle aidera au moins une personne à se sentir mieux dans sa peau. À s'accepter.
Si j'avais lu pareil témoignage alors que j'étais sur les bancs d'école, peut-être que l'idée de faire mon chemin dans le milieu sportif sans jamais parler de cette facette à mon entourage, n'aurait pas germé en moi. Peut-être que je ne me serais pas privé de m'assumer complètement plus tôt et de vivre de belles choses dans ma vingtaine. La liste des « peut-être » est longue.
Pour être bien honnête, j'entretiens encore des craintes à l'idée de faire cet autre coming out - un brin plus public cette fois. J'avoue que je me demande si la perception des intervenants, avec lesquels j'ai développé des liens au fil des dix dernières années, changera à mon égard. J'ose espérer qu'on soit ailleurs en 2022.
Qu'importe, il est nécessaire d'entamer cette discussion dans le milieu sportif. De se questionner sur ce qui fait en sorte qu'encore trop de joueurs et de gens qui gravitent autour choisissent de vivre dans le secret. De réfléchir à la manière d'opérer un changement de culture et d'afficher plus d'ouverture. Si mon histoire peut conscientiser les gens du milieu, alors ce sera ça de gagné. Le reste est secondaire.
Il n'y a aucune raison de s'empêcher de vivre sa vie par crainte du jugement des autres. Aucune raison d'attendre 10 ans de faire sa place dans un milieu de travail avant de s'affirmer.
Aucune raison de s'empêcher de le dire haut et fort: je suis gai, et fier de l'être.