Bouchard : Une deuxième ronde de prédictions
Après avoir affiché une fiche parfaite en première ronde, notre chroniqueur y va de ses prédictions pour le deuxième tour
par Olivier Bouchard @oli_bou / Chroniqueur LNH.com
J'ai l'impression qu'en ayant été aussi dominants, les Golden Knights de Vegas ont repoussé une équipe moyenne hors des séries, relevant d'autant le niveau de compétition de la première ronde. Résultat, pas d'équipe Cendrillon en deuxième ronde, que des puissances légitimes.
Les alignements n'étant pas encore décimés par les blessures, on va probablement avoir droit au meilleur hockey de la saison. Que du bonbon.
Jets de Winnipeg contre Predators de Nashville
Attaque sensationnelle contre défensive d'élite, tout ce beau monde appuyé par des gardiens ayant connu des campagnes formidables. La série Jets-Predators promet de faire des étincelles. C'est d'autant plus vrai que Jets et Predators sont parmi les équipes les plus indisciplinées du circuit, mais aussi parmi celles qui obtiennent le plus d'avantages numériques!
Les Jets ont un léger avantage en supériorité numérique, alors que les Predators ont un léger avantage en infériorité numérique. Les unités spéciales ont donc un fort potentiel disruptif dans cette série, parce qu'une équipe peut traverser une bonne ou une mauvaise séquence et ainsi changer le visage de la confrontation.
Les Jets sont ici à la fois servis et desservis : personne ne peut faire une plus grande différence sur les unités spéciales que Patrick Laine, qui a marqué pas moins de 20 buts dans cette situation cette saison, le plus haut total de la ligue.
Cependant, l'absence de Dmitry Kulikov force les Jets à surexposer un autre défenseur dans cette situation. En première ronde, le peu de temps passé à court d'un homme a contribué à gommer le problème, mais il sera intéressant de voir, si les Jets commencent à cumuler les pénalités, qui s'y collera. En saison régulière, les restants étaient habituellement accaparés par Dustin Byfuglien et Toby Enstrom, mais on va avoir besoin de ces deux-là à forces égales.
Le retour au jeu d'Enstrom s'annonce en fait comme un point pivot de la série. Sans lui, c'est Joe Morrow qui a été envoyé au flanc gauche de Byfuglien, une faiblesse évidente que le Wild du Minnesota, complètement désorganisé, n'a pu exploiter. Les Predators ne seront pas aussi cléments. Si Enstrom est capable de tenir le coup, les Jets ont une chance.
Mais même avec Enstrom, je ne crois pas que les Jets ont ce qu'il faut pour traverser Nashville. L'attaque des Jets repose sur deux formidables trios, qui seront confrontés à un quatuor défensif qui en a vu de plus coriaces. Plus encore, P.K. Subban, Ryan Ellis, Roman Josi et Mathias Ekholm gobent tellement de glace que les troisième et quatrième trios de Winnipeg, habituellement capables de faire parler la poudre, risquent ici de passer beaucoup de temps contre ces excellents défenseurs. Sans Mathieu Perrault, ça risque d'être très pénible.
Autre élément à ne pas négliger : on voit ces jours-ci pourquoi les Predators sont allés chercher Nick Bonino cet été et Kyle Turris cet hiver.
Le premier est désormais chargé de disputer un maximum de mises en jeu en zone défensive, alors que Turris prend désormais les duels en zone offensive que le premier trio ne peut prendre.
Turris et Ryan Johansen, pourtant, ne sont pas des pieds de céleri sur le plan défensif. On n'a simplement pas eu besoin d'avoir recours à eux dans ces situations lors de la première ronde. Les Jets n'ont pas ce genre de flexibilité, me semble-t-il.
L'indiscipline des Predators va leur coûter de l'énergie, ce qui pourrait les rattraper plus tard. Mais pas cette ronde-ci.
Nashville en 6
Sharks de San Jose contre Golden Knights de Vegas
J'ai affirmé d'emblée qu'il n'y a pas d'équipe Cendrillon en deuxième ronde. C'est quand même jouer un peu sur les mots, les Golden Knights ayant fait mentir tant d'observateurs. Mais justement, voici une équipe qui est là de plein droit. Leur victoire contre les Kings de Los Angeles fut méthodique et méritée, en fait seule celle des Sharks de San Jose sur les Ducks d'Anaheim fut plus convaincante à mes yeux.
Les Kings et les Ducks étaient des équipes un peu dépassées par le jeu toujours en accélération de la ligue, lourdes et lentes, des proies faciles pour Vegas et San Jose, toutes deux bâties pour la vitesse.
Les chiffres sont peu révélateurs pour bien faire comprendre ce qui nous attend ici comme duel, les Golden Knights ayant ferraillé contre les Kings avec un score serré tout au long de la série, alors que les Sharks ont passé le quart de leur série à défendre une avance d'au moins deux buts, particulièrement en deuxième et troisième périodes.
Ce qui s'annonce ici, c'est un choc entre deux quintettes : d'un côté, le trio de William Karlsson appuyé de Nate Schmidt et Brayden McNabb et de l'autre, le trio de Joe Pavelski appuyé de Marc-Édouard Vlasic et Justin Braun.
Karlsson, Jonathan Marchessault et Reilly Smith ont dominé Anze Kopitar, ne prenant un pas de recul que lorsque sa présence était conjuguée à celle de Drew Doughty. Vlasic et Couture sont, à leur façon, tout aussi capable de tenir tête à Karlsson.
La différence, c'est qu'une fois ce choc passé, les Sharks ont encore de solides unités à envoyer contre Vegas. Les trios de Logan Couture et Chris Tierney sont capables de faire parler la poudre et je pense que si Erik Haula peut tenir le coup, Cody Eakin risque lui de trouver le temps long. J'ajoute que si Shea Theodore a fait la pluie et le beau temps contre les Kings, les tâches défensives accrues suscitées par le milieu d'alignement des Sharks risquent de le forcer à jouer plus sur les talons. Et c'est sans compter sur la présence de Brent Burns et un possible retour de Joe Thornton.
Je pense de plus que Marc-André Fleury n'apporte pas un avantage substantiel sur Martin Jones, mais sait-on jamais, Flower n'en serait pas à son premier miracle.
Tout ça pour dire, les Golden Knights ont prouvé cette saison qu'ils forment une très bonne équipe. Mais les Sharks ont trop de ressources. Il y a des limites aux miracles qu'on peut accomplir à partir d'une bande de joueurs rameutés des quatre coins de la ligue.
San Jose en 5
Bruins de Boston contre Lightning de Tampa Bay
Les Bruins ont finalement eu raison des Maple Leafs de Toronto, me donnant au passage la satisfaction d'avoir réussi toutes mes prédictions en première ronde. La fatigue de pareille série de matchs ne va pas, je pense, être ressentie en deuxième ronde. Le Lightning aura eu un peu de temps pour panser ses plaies, mais l'avantage risque d'être ténu de ce côté-là.
Les Bruins sont arrivés en séries amochés. Patrice Bergeron a manqué un match de la première ronde et Charlie McAvoy n'est manifestement pas remis de sa blessure au genou. Résultat, on a vu Bruce Cassidy brasser les cartes de sa défensive lors du septième match dans l'espoir d'aller chercher un peu de punch offensif.
Un peu comme les Jets, le Lightning en a, du punch offensif, mais celui-ci est concentré sur deux trios : évidemment, Nikita Kucherov, Steven Stamkos et J.T. Miller sont le fer de lance de l'attaque et on a construit un autre trio très efficace autour de Yanni Gourde.
C'est moins clair dans le cas de Tyler Johnson, Ondrej Palat et Brayden Point. Ces trois-là tiennent probablement la clé de la série entre leurs mains. S'ils continuent à obtenir des points à un rythme régulier à forces égales (trois chacun en cinq matchs, ce qui est fort bien), les Bruins vont avoir un drôle de problème sur les bras.
On leur a demandé de couvrir Taylor Hall et Nico Hischier en compagnie d'Anton Stralman et Ryan McDonagh, en première ronde, ce qui laisse croire qu'on pourrait chercher à les assigner au trio de Bergeron. Il est peu probable qu'ils puissent neutraliser le numéro 37 et ses sbires, mais s'ils sont capables de forcer Zdeno Chara à travailler sans son centre numéro un contre Kucherov, c'est autant plus de chances de faire ressortir les faiblesses de McAvoy (si tant est qu'il ne récupère pas d'ici là…).
Ça, c'est le plan idéal. L'ennui, c'est que le Lightning ne dispose pas de la profondeur des Bruins en défensive. Après Stralman et McDonagh, Victor Hedman doit trimballer Dan Girardi contre les deuxième et troisième trios adverses, ce qui s'est soldé par un bilan négatif aux tirs contre les Devils du New Jersey
Ça n'annonce rien de bon contre les trios de Riley Nash et, surtout, David Krejci, qui seront eux appuyés tour à tour par des défenseurs fort compétents.
Tout comme Tuukka Rask, Andrei Vasilevsky semble plus ou moins d'équerres depuis quelque temps, ce qui ajoute une couche d'incertitude à toute l'affaire. Mais les Bruins sont un groupe plus discipliné que le Lightning (245 désavantages contre 268 pour Tampa, 10e équipe la plus pénalisée de la ligue), ce qui va émousser l'impact de leurs talents de pointe.
Boston en 6
Penguins de Pittsburgh contre Capitals de Washington
En théorie, les Penguins sont largement favoris dans cette série. Les Capitals ont bien fait en saison régulière, mais dans le détail, deux éléments manquent à leur arsenal contre les Penguins.
Premièrement, n'en déplaise à Lars Eller, les Capitals n'ont pas de vrai centre défensif de premier plan, à tel point qu'on a laissé Evgeny Kuznetsov se débrouiller contre le trio d'Artemi Panarin et Pierre-Luc Dubois en première ronde. Ça passe contre un centre prometteur de 19 ans, mais contre Sidney Crosby?
Deuxièmement, on n'a pas vraiment de duo de premier plan en défensive pour s'acquitter de ces mêmes tâches. Matt Niskanen et Dmitry Orlov me semblent ici un peu justes.
En fait, les Capitals me font un peu penser aux Golden Knights. Quatre défenseurs capables de faire bouger la rondelle, trois trios capables de marquer des buts, mais il y a un petit « plus » qui manque quelque part pour dire de cette équipe : « voici sur quel aspect ils se démarquent vraiment, voici la force qui va leur donner les buts manquants ».
Historiquement, ce statut revenait à Alex Ovechkin, et peut-être que je me trompe, peut-être est-il encore ce joueur.
Mais j'ai l'impression que le Tsar des marqueurs est aujourd'hui en phase de devenir ce que les anglophones nomment un « canon de verre » : un superbe joueur offensif qui en donne beaucoup en défensive.
C'est probablement une des dernières grandes occasions de faire taire ce genre de perceptions pour Ovechkin. Et, il faut le dire, si les Penguins me semblent supérieurs sur papier, les Capitals ont peut-être, cette fois-ci, le mélange de ressources et de bon « timing » qui leur a si souvent manqué.
Le formidable groupe de 12 attaquants des Penguins n'a en effet que peu joué ensemble depuis le début du tournoi de fin de saison, à cause des blessures.
Sidney Crosby est en feu, Kristopher Letang aussi et même si Malkin n'est pas annoncé pour le début de la série, Pittsburgh a beaucoup d'outils pour faire passer un mauvais quart d'heure aux Capitals.
Matt Murray semble toutefois chancelant; ça peut changer du tout au tout en un clin d'œil, ainsi sont les gardiens. Braden Holtby aussi, mais Philipp Grubauer a enfin sa chance de briller et semble déterminé à la saisir.
Je ne crois pas que ça suffise. Mais à défaut de passer, je me demande si les Capitals ne vont pas, malgré tout, user les Penguins au point d'empêcher ceux-ci d'atteindre leur objectif de soulever la Coupe Stanley pour une troisième fois en trois ans.
Pittsburgh en 7