Condon IIHF

ST-PÉTERSBOURG, Russie - L'attaquant québécois Derick Brassard a avoué avoir lâché un coup de fil à Équipe Canada lorsque les Rangers de New York ont été éliminés des séries éliminatoires afin de signifier sa disponibilité et son désir de représenter le Canada lors du Championnat du monde 2016 de la FIHG.
D'après lui, quoique les dirigeants des équipes nationales ont l'habitude de faire les premiers quant au recrutement de leur formation, ils ne détestent pas que les joueurs eux-mêmes cognent à leur porte.

Mais pour d'autres comme Mike Condon, un des deux gardiens de l'équipe américaine et porte-couleurs des Canadiens de Montréal dans la LNH, l'idée de téléphoner à USA Hockey ne lui est jamais passée par la tête. C'était même absolument hors de question.
« Non, je n'avais aucunement l'intention de les appeler. Je ne savais même pas qu'ils m'avaient dans leur mire, a mentionné Condon. J'ai plutôt reçu un appel de mon agent qui m'a dit que c'était une possibilité, et quelques semaines plus tard, Marc Bergevin m'a demandé si ça m'intéressait et m'a dit que je pouvais le faire si j'en avais envie. J'ai évidemment dit oui! »
C'est que Condon, du haut de ses 26 ans, n'a jamais représenté les États-Unis sur la scène internationale. Alors dire que recevoir une invitation de l'équipe américaine était une surprise pour lui serait un euphémisme.
« Je ne pensais même pas figurer sur leur radar! Il y a vraiment plusieurs bons gardiens américains dans la LNH, a-t-il dit. Comme les Canadiens de Montréal étaient éliminés des séries depuis un bon moment, ça facilitait le choix des dirigeants de l'équipe. Je devenais une option.
« C'est un tout nouveau défi pour moi. Ce n'est pas facile de jouer sur une glace de dimension olympique. Je n'ai pas les mêmes repères que sur une patinoire de la LNH, les angles sont différents. Je me sentais bien à l'idée de porter ce chandail pour une première fois. Mais c'est assurément un autre genre de "Bleu-Blanc-Rouge"! »
Le gardien de 6 pieds 2 pouces a disputé 55 matchs à sa première saison dans la LNH en 2015-16, un sommet en carrière. Dans la Ligue américaine, la ECHL et les rangs universitaires américains auparavant, il n'avait jamais amorcé plus de 48 rencontres.
Et la saison de fous que vient de connaître Condon avec le Tricolore n'est évidemment pas étrangère à sa sélection au sein de la formation des États-Unis.
« Je pense que ce qui l'a mené jusqu'ici, c'est son amélioration constante au cours des derniers mois et sa capacité à saisir sa chance. Et ce tournoi est en partie une question d'opportunité », a déclaré Jim Johannson, le directeur exécutif adjoint des opérations hockey au sein de l'équipe américaine. « Ce qui est arrivé à Condon à Montréal cette saison est en fait une chance qu'il a saisie. Il a connu du succès, des hauts et des bas tout comme toute son équipe. Mais je pense que ce tournoi est aussi une question d'opportunité pour les joueurs. »
Le parcours jusqu'à la LNH a été sinueux pour Condon, lui qui, il y a quelques mois à peine, ne croyait même pas qu'il ferait un jour le saut dans la grande ligue. Et non seulement a-t-il prouvé qu'il avait toutes les qualités requises pour composer avec la pression de venir en relève à un des meilleurs gardiens au monde dans un des plus gros marchés de hockey de la ligue, mais le voilà maintenant devant la cage des États-Unis, un rêve d'enfance.
« C'est tout à son honneur parce que pendant 17 jours, il sera sous les projecteurs. Mais il a tellement travaillé dans l'ombre pour arriver à ces 17 jours, a souligné Johannson. C'est tout à son honneur en tant que personne et en tant qu'athlète d'avoir été tenace, mais c'est ce que les joueurs doivent faire. Ce n'était pas une grande histoire dramatique, mais c'est simplement l'histoire d'un jeune homme résilient qui a vu la chance qui s'offrait à lui et qui l'a saisie. »
Condon a obtenu le départ lors de deux des trois matchs des États-Unis jusqu'à présent, récoltant une victoire (face au Bélarus) et une défaite (contre la Finlande). Il aura bientôt la chance de pouvoir compter sur la présence de son père et de son frère dans les gradins, eux qui arriveront à St-Pétersbourg jeudi juste à temps pour le duel entre les Américains et les Français.
De son humble avis, c'est surtout sa famille, qui a eu quelques difficultés à composer avec la célébrité soudaine qui vient avec le fait de jouer à Montréal, qui a permis à Condon de garder la tête froide et de constamment mettre les choses en perspectives quand sa carrière a commencé à prendre des proportions inattendues.
Le père de Condon, Ted, est sergent au sein de la police du Massachusetts au département des arrestations des fugitifs dangereux. De quoi rappeler à son fils que tout ne tourne pas toujours autour des amphithéâtres prestigieux et des hôtels luxueux.
Mais lorsqu'on lui demande ce qu'il pense du fameux adage « Il n'y a pas que le hockey dans la vie », rendu célèbre par l'ancien des Canadiens Stéphane Richer à l'époque où il évoluait avec le Tricolore, Condon y va tout de même de prudence.
« C'est une question délicate, je dois faire attention à ma réponse, a-t-il indiqué. Le hockey, c'est ma passion, c'est mon travail, mais plus je vieillis et plus je réalise que le sport ne définit pas qui nous sommes. C'est évidemment un élément de ma vie dans lequel j'investis 110 pour cent de mon énergie, mais si tu laisses une chose contrôler tous les aspects de ta vie, ça peut devenir un peu accablant. Je pense qu'avec l'âge, et puisque j'ai rencontré tellement de gens avec différents parcours en allant à l'université, ça me rend encore plus reconnaissant d'avoir pu bénéficier de toutes ces opportunités. Et au final, nous sommes plus que de simples joueurs de hockey. C'est mon travail, mais je pense que je suis plus que ça. »
Maintenant presque à mi-chemin de la ronde préliminaire au Championnat du monde, Condon se dit prêt pour la suite, si l'on fait appel à ses services. Et même s'il n'a pas le curriculum vitae le plus rempli, l'expérience qu'il a acquise au cours des derniers mois devrait l'avoir assez bien préparé à faire face à l'adversité.
« Pour être honnête, je n'aurais jamais pu prédire une telle saison, a-t-il dit. Mais en même temps, je ne veux pas faire de prédiction à long terme. Il y a plusieurs choses folles qui sont survenues cette année et ça continue avec le Championnat du monde.
« Un ami m'a dit récemment que la pression est un privilège. Et à Montréal, je n'en manque pas. »