Patrick Roy

Sa carrière d'entraîneur n'était pas encore vieille de 60 minutes que déjà, Patrick Roy sortait de ses gonds.

L'entraîneur nouvellement embauché par l'Avalanche du Colorado avait le visage rouge et sa tension artérielle avait monté en flèche quand il s'est mis à pousser la baie vitrée qui séparait le banc des deux équipes, en ce 2 octobre 2013, alors que les Ducks d'Anaheim étaient les visiteurs.

Vers la fin du match, Roy s'était énervé - non, en fait, il était en furie - à la suite d'une collision genou contre genou entre le défenseur des Ducks Ben Lovejoy et le joueur recrue de l'Avalanche Nathan MacKinnon, que le Colorado avait repêché au tout premier rang quelques mois plus tôt.

Le nouvel entraîneur de l'Avalanche s'était amené derrière le banc de sa première équipe dans la LNH doté d'un tempérament qui, comme le passé l'avait montré, menaçait à tout moment d'exploser. C'était arrivé durant sa carrière de joueur avec les Canadiens de Montréal et l'Avalanche, et aussi quand il était entraîneur des Remparts de Québec dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec.

C'est ce niveau d'intensité qui, de bien des façons, a permis à Roy de remporter la Coupe Stanley à quatre reprises - deux fois avec les Canadiens, puis deux autres fois avec l'Avalanche. C'est ce qui a fait de Roy un des plus grands gardiens, un modèle à suivre pour une génération de joueurs occupant la même position, alors qu'il cheminait vers une place au sein du Temple de la renommée du hockey.

L'émotion est ce qui a mis fin au séjour de Roy à Montréal, en 1995, quand il s'est livré à un combat de coqs avec l'entraîneur des Canadiens Mario Tremblay. Laissé devant son filet le temps que les Red Wings de Detroit marquent neuf buts à ses dépens, Roy a finalement été rappelé au banc durant le match du 2 décembre disputé au Forum de Montréal. Après avoir quitté la patinoire, Roy est passé à côté de Tremblay derrière le banc du club montréalais afin d'aller dire au président des Canadiens Ronald Corey qu'il venait de jouer son dernier match pour Montréal.

La collision frontale entre les deux hommes aux énormes égos - le sien et celui de Tremblay - a mené à la transaction qui a envoyé le gardien au Colorado le 6 décembre. L'échange impliquant plusieurs joueurs représente un moment que plusieurs partisans des Canadiens n'ont toujours pas digéré.

L'émotion a sûrement joué un rôle dans l'annonce fait par Roy, jeudi, à l'effet qu'il renonçait à son poste d'entraîneur de l'Avalanche et de vice-président aux opérations hockey du club en raison de différends avec la direction.

Mais en ce 2 octobre 2013, avant que prenne fin son premier match dans la LNH en tant qu'entraîneur - une victoire de 6-1 -, le voilà qui frappait la baie vitrée et criait en direction de Bruce Boudreau, l'entraîneur des Ducks à l'époque ; si le panneau avait cédé, les employés de l'aréna seraient peut-être encore en train de ramasser les dégâts.

La LNH a imposé une amende de 10 000 $ à Roy après l'incident. Boudreau a qualifié l'épisode de colère de Roy de « broche à foin ».

Boudreau a ajouté : « L'année va être longue [pour Roy] s'il se met à crier des choses à tous les joueurs et aux arbitres à chaque arrêt de jeu. Ce n'est pas de cette façon que le hockey se joue ».

Le lendemain, la tension artérielle de Roy avait baissé quelque peu.

« J'imagine que je devrai changer certaines choses, avait-il dit. J'ai reçu une amende de 10 000 $ pour ça. Je le comprends maintenant. En même temps, je vais toujours défendre mes joueurs. … C'est de cette façon que j'ai géré cette situation-ci. Vais-je agir d'une autre façon la prochaine fois ? Peut-être. Ou peut-être pas. »

L'intensité faisait partie intégrante de l'approche adoptée par Roy lorsqu'il était gardien de but, autant à Montréal qu'au Colorado. Ajoutez une confiance inébranlable à cette recette, et aussi un brin ou deux d'arrogance.

En 1993, on l'a vu faire son clin d'oeil frondeur, l'air de dire « tu ne peux pas me battre », à l'endroit de Tomas Sandstrom des Kings de Los Angeles à l'occasion du quatrième match de la Finale de la Coupe Stanley ; les Canadiens se dirigeaient alors vers leur 10e victoire de suite en prolongation, et aussi vers le championnat de la LNH.

En 1996 avec l'Avalanche, Roy a réagi aux paroles provocatrices de l'attaquant des Blackhawks de Chicago Jeremy Roenick en déclarant, sourire en coin : « Je n'entends pas vraiment ce que Jeremy dit parce que mes deux bagues de la Coupe Stanley me bouchent les oreilles ».

Roy allait ajouter une autre bague de championnat cette saison-là, et une autre encore en 2001, après avoir remporté sa première avec les Canadiens en 1986 en tant que recrue de 20 ans, puis sa deuxième à Montréal en 1993.

Tremblay n'était pas au courant de la démission de Roy, jeudi après-midi, quand je l'ai joint. Il a seulement dit qu'il n'allait pas commenter.

Le froid entre les deux hommes a pris fin il y a quelques années à l'occasion du tournoi de golf de l'entraîneur des Canadiens Michel Therrien.

Le 18 mars 2014, Roy est retourné au Centre Bell à Montréal en vue de son premier match dans cette ville dans le rôle d'entraîneur de l'Avalanche ; quelques minutes avant, Tremblay avait tenu une discussion avec l'ancien dur à cuire des Canadiens Chris Nilan durant l'émission de radio de ce dernier diffusée à Montréal.

Tremblay a expliqué qu'il avait demandé à Roy après la première période de ce match légendaire contre Detroit comment il se sentait après avoir accordé cinq buts.

Roy lui ayant dit qu'il se sentait bien, Tremblay l'a laissé poursuivre le match.

« L'erreur que j'ai faite, c'est que j'aurais dû le sortir du match après le septième but, avait dit Tremblay à Nilan. Mais je ne crois pas que Patrick aurait dû réagir comme il l'a fait. Il y a toujours moyen de discuter avec l'entraîneur, avec le directeur général. [Roy] a fait une erreur, j'ai fait une erreur, alors allons de l'avant. »

C'est ce que les deux hommes ont fait.

Le no 33 de Roy a été retiré par les Canadiens au cours d'une cérémonie empreinte d'émotions, le 22 novembre 2008. Durant celle-ci, la foule a accordé une ovation debout de cinq minutes à l'homme que les Québécois surnomment Saint-Patrick. Une douzaine de jeunes gardiens se sont amenés sur la glace en portant des maillots de la LNH sur lesquels on avait inscrit les noms de gardiens développés au Québec ; c'était là un hommage à l'influence que Roy avait eu sur les joueurs occupant cette position dans sa province d'origine.

Un an plus tard, le 4 décembre 2009, Roy a enfilé les jambières une autre fois à Montréal, remontant dans le passé pour repousser des rondelles dirigées vers lui par des anciens coéquipiers à l'occasion d'une cérémonie tenue au Centre Bell avant le match du centenaire des Canadiens.

À ce jour, il y en a encore qui disent que Roy a abandonné son équipe, autant sur le plan professionnel que personnel, en ce 2 décembre 1995, quand Tremblay et lui ont mis le feu aux poudres.

Mais lors de cette chaleureuse soirée de 2008 où son chandail a été retiré, Roy n'a pas cherché à changer leur façon de voir les choses. Il savait qu'ils ne changeraient pas d'idée. Les Canadiens et lui s'étaient retrouvés dans le but de réparer une relation qui avait été rompue par un égo entêté et une émotivité sans borne, et c'est tout ce qui comptait.

« Je pense que [la cérémonie] a vraiment permis de tourner la page sur ce qui est arrivé dans le dernier match [en 1995], a dit Roy après la cérémonie. Ça faisait un bon moment que j'étais prêt à aller de l'avant. En bout de ligne, c'était plaisant de pouvoir dire que je revenais chez moi. Je le crois vraiment. J'étais vraiment content de mettre le chandail [des Canadiens] ce soir. »

Après un entraînement tenu en 2014 à l'approche de son premier match à Montréal en tant qu'entraîneur de l'Avalanche, j'avais dit à Roy qu'il valait peut-être mieux qualifier l'amende de 10 000 $ qu'il avait reçue pour l'incident contre Anaheim d'investissement, puisqu'il faisait ainsi savoir à ses joueurs qu'il les protégeraient contre vents et marées.

« Je ne me souviens pas de ce qui arrivé dans ce match-là, avait alors répondu Roy en souriant. Mais j'ai juste besoin de regarder mon chèque de paie pour le voir. »

Les Canadiens ont malmené l'Avalanche 6-3 ce soir-là, mais ça n'avait pas été le fait saillant. Il s'agissait plutôt de l'assourdissante ovation accordée à l'entraîneur de l'équipe visiteuse, à un homme dont les émotions, le feu sacré et l'excellence devant le filet ont permis aux partisans du club montréalais de savourer leurs deux plus récents défilés de la Coupe Stanley.