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MONTRÉAL -- Rogatien Vachon, ou « Rogie » pour les intimes, se souvient très bien de son premier arrêt dans la LNH. Qui pourrait oublier un arrêt sur une échappée du légendaire Gordie Howe des Red Wings de Detroit aux débuts d'une carrière prodigieuse, et ce, même si cela remonte à près de 50 ans?
Vachon, qui avait alors 22 ans, avait été rappelé des Apollos de Houston de la Ligue centrale de hockey par les Canadiens de Montréal en raison d'une blessure à leur gardien numéro un Gump Worsley et des déboires de leur auxiliaire Charlie Hodge. L'entraîneur Toe Blake avait décidé à la dernière minute, un peu sur un coup de tête, de le lancer dans la mêlée contre les Red Wings au Forum de Montréal le 18 février 1967.

« Je ne savais pas que j'allais jouer ce soir-là. Toe m'a donné la rondelle avant la séance d'échauffement et il a dit : "Tu commences devant le filet." », a raconté Vachon à propos de cette victoire de 3-2 où il avait réalisé 41 arrêts.
« J'étais encore sous le choc, j'essayais de reprendre mes esprits quand Gordie s'est échappé à la ligne bleue. Heureusement, je suis parvenu à l'arrêter. J'ai déjà dit à la blague à Gordie que cet arrêt m'avait probablement permis de rester longtemps dans la ligue. »
Howe a évidemment été impressionné par cette recrue inconnue, un gardien qu'il allait éventuellement déjouer, et même chevaucher, pour compter le premier but de Detroit ce soir-là.
« Je ne voulais pas faire ça comme ça », avait expliqué Howe aux journalistes au sujet de son échappée ratée. « Mais le jeune a fait un arrêt extraordinaire. Il semble être un bon gardien de but. »
Ainsi, le regretté Monsieur Hockey savait aussi évaluer le talent devant les buts. Le 14 novembre, presque un demi-siècle après avoir repoussé Howe, Vachon accédera enfin au Temple de la renommée du hockey. Il s'agit sans aucun doute du couronnement de sa vie professionnelle.
Plusieurs avancent que Vachon, un vétéran de 16 saisons dans la LNH, aurait dû être admis au Panthéon du hockey il y a longtemps. De la fin des années 1960 à sa dernière campagne à Montréal en 1970-71, il a remporté trois fois la Coupe Stanley et il a partagé le trophée Vézina avec Worsley en 1967-68.

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Comme Ken Dryden était prêt à prendre le poste de gardien partant après avoir disputé les 20 parties des séries éliminatoires des Canadiens lors de leur conquête de la Coupe Stanley en 1971, Vachon a demandé à être échangé. Il a alors été envoyé aux Kings de Los Angeles en retour du gardien Denis DeJordy, de l'attaquant Doug Robinson et des défenseurs Dale Hoganson et Noel Price.
« Quand ils m'ont annoncé [que j'étais échangé], j'étais vraiment surpris, même si j'avais demandé à être échangé », avait déclaré Vachon à l'époque. « Je suis avec l'organisation des Canadiens depuis que j'ai 16 ans. Dix ans. Je n'ai connu rien d'autre que les Canadiens dans ma vie.
« On s'amuse tellement dans cette équipe. Les gars ont toujours été extraordinaires avec moi, tout comme la direction. Je n'ai aucune raison d'être amer. Qu'est-ce qu'ils pouvaient faire? [Dryden] joue tellement bien, ils ne pouvaient pas le laisser de côté. Par contre, je dois jouer sinon je vais perdre mes réflexes. »
Vachon a rempli ses bagages de beaux souvenirs, surtout celui du cinquième match de la demi-finale de 1969 contre les Bruins de Boston. Ce soir-là, il a effectué 24 de ses 40 arrêts en deuxième période dans une victoire de 4-2. Cette performance demeure un record de la concession pour le nombre de tirs affrontés (26) et le nombre d'arrêts en une seule période en séries éliminatoires.
Vachon a continué de connaître du succès sur la côte Ouest, mais pratiquement dans l'anonymat. Les résumés des matchs des Kings étaient rarement publiés dans les grands quotidiens à l'est de Chicago.

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Il est toutefois devenu une légende au fil de son séjour de plus de six saisons à Los Angeles. Son numéro 30 a été le premier à être retiré par l'organisation pour souligner ses performances sportives et le rôle primordial qu'il a joué dans la popularisation du hockey en Californie avant l'arrivée de Marcel Dionne en 1975 et de Wayne Gretzky en 1988.
« Cette nomination me touche personnellement parce que c'est tellement un homme bon », a révélé Gretzky à propos de l'intronisation de Vachon au Temple de la renommée. « Il en a tellement fait pour le hockey en Californie et pour Los Angeles. Il s'est joint à une équipe plus qu'ordinaire au milieu des années 1970 et il lui a apporté une certaine stabilité en lui donnant une chance de gagner chaque soir. C'est toujours agréable de voir de bonnes personnes être admises au Temple de la renommée et il le mérite amplement. »
La vie de hockeyeur de Vachon ne s'est pas terminée à Los Angeles. Il a été embauché à titre de joueur autonome par les Red Wings en 1978 et il a disputé deux saisons à Detroit avant d'être échangé aux Bruins en retour d'un autre gardien, Gilles Gilbert, en juillet 1980. Il a joué ses deux dernières campagnes dans la LNH à Boston.
Quand Vachon a accroché ses jambières en 1982, il avait participé à 795 matchs de saison régulière dans la LNH avec une moyenne de buts accordés de 2,99 et 51 blanchissages. En 48 parties des séries éliminatoires de la Coupe Stanley, il a signé deux jeux blancs et conservé une moyenne de buts accordés de 2,77.
Or, c'est probablement sur la scène internationale qu'il a connu ses plus beaux moments. Vachon a mené le Canada à la victoire lors de la Coupe Canada 1976 avec un pourcentage d'arrêts de ,963, une moyenne de buts alloués de 1,39 et deux blanchissages en sept matchs. Il a été choisi sur l'équipe d'étoiles, il a été nommé le meilleur gardien du tournoi et il a été le joueur par excellence de son équipe.

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Après sa retraite, Vachon est retourné dans l'organisation des Kings, où il a agi comme entraîneur des gardiens, directeur général et président, avant de se retirer avec le titre d'ambassadeur de l'équipe en 2008. Puis, à sa grande surprise en juin, 34 ans après avoir mis fin à sa carrière de joueur, il a reçu un appel chez lui, à Los Angeles, du président du Temple de la renommée Lanny McDonald qui lui annonçait son intronisation.
« J'étais complètement sous le choc », a révélé Vachon à LNH.com ce jour-là, peu après avoir discuté avec McDonald. « J'allais lui dire : "Oui, c'est ça", mais c'est vrai. Enfin! J'avais fait une croix là-dessus, je ne savais même pas que le vote avait lieu [ce jour-là]. Je n'y croyais plus. Il y a certaines choses dans la vie qu'on ne peut pas contrôler et c'en était une. Je me disais que si ç'avait dû arriver, ce serait déjà fait. Puis… boum! Surprise! »
Vachon sera intronisé au Panthéon en compagnie des joueurs Eric Lindros et Sergei Makarov et du regretté Pat Quinn chez les bâtisseurs.
Originaire de Palmarolle, au Québec, à plus de 700 kilomètres au nord-ouest de Montréal, Vachon a été découvert au début des années 1960 par deux dépisteurs des Canadiens, puis par Scotty Bowman et le dépisteur principal de la région. Bowman a dû se montrer convaincant pour que les parents de Vachon le laissent partir pour Montréal, où il allait évoluer pour Bowman d'abord avec les Monarchs de Notre-Dame-de-Grâce dans les rangs juniors B, puis avec les Canadiens Junior.
Vachon a poursuivi son apprentissage chez les juniors avec les As de Thetford Mines avant de passer aux As de Québec dans la Ligue américaine de hockey. Il était le gardien partant de Houston quand le directeur général Sam Pollock l'a rappelé pour venir en relève à Worsley et Hodge.
Un autre membre du Temple de la renommée, l'attaquant Yvan Cournoyer, en était à sa troisième saison complète avec les Canadiens quand Vachon est arrivé.
« C'était un très bon coéquipier », a déclaré Cournoyer, qui a gagné la Coupe Stanley à dix reprises avant d'être admis au Panthéon du hockey. « Tous les gardiens vivent dans leur propre monde, mais Rogie n'était pas comme les autres gardiens. C'était un coéquipier comme les autres, il faisait partie de l'équipe.
« Il travaillait toujours très fort, même pendant les entraînements. Ce que je préférais chez lui, c'est qu'il était très constant. Il n'avait pas de hauts et de bas, il n'était pas bon un jour, puis mauvais le lendemain. La plupart du temps, il était excellent. Rogie mérite d'être au Temple de la renommée. Il n'y a pas beaucoup de gardiens qui gagnent la Coupe Stanley et pour l'obtenir, une équipe a besoin du meilleur gardien. Avec Rogie, on savait qu'on l'avait. »

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L'administration des Kings, et quiconque suit l'équipe depuis son arrivée dans la LNH en 1967, lorsque la ligue est passée de six à douze équipes, reconnaît la popularité de Vachon auprès des amateurs de Los Angeles et son importance pour la concession.
« Ce que Rogie a fait pour Los Angeles est incroyable », a affirmé Luc Robitaille, l'actuel président des opérations des Kings. « La LNH a vu les Golden Seals de la Californie, les Rockies du Colorado et les Scouts de Kansas City aller et venir. Regardez sur une carte comme Los Angeles est loin de ces villes et vous aussi, vous allez vous demander comment l'équipe a fait pour survivre. Vous réaliserez alors qu'à ses débuts à Los Angeles, Rogie était le joueur étoile de l'équipe.
« Quand on analyse les assistances lors des six années de Rogie ici, on remarque que les Kings attiraient plus de spectateurs que les Lakers de Los Angeles [de la NBA]. Une des principales raisons qui expliquent pourquoi les Kings existent encore, pourquoi Gretzky a pu venir ici, pourquoi tout le reste a pu arriver, comme le trio de la Triple couronne [formé de Dionne, Charlie Simmer et Dave Taylor], c'est parce que Rogie a assuré la survie de la concession. »
Robitaille, lui-même intronisé en 2009, et Dionne, admis en 1992, seront présents à Toronto le 14 novembre lorsque Vachon se joindra au club le plus exclusif du hockey.
« Tous les partisans et les membres de l'organisation des Kings sont soulagés que ça arrive enfin, a conclu Robitaille. Je pense que c'est peut-être parce que tout le monde pensait qu'il était déjà au Temple de la renommée. On est heureux qu'il y soit admis, surtout en ce 50e anniversaire des Kings. Il obtient enfin ce qu'il mérite. »