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On a une certaine idée de ce que doit être un bon défenseur. Gros, fort, robuste, ne fait pas d'erreurs tout en relançant efficacement l'attaque grâce à des passes précises et, parfois, une montée bien placée. Mais les données nous tracent un portrait légèrement différent. La vitesse, l'habileté et le sens de l'anticipation semblent aujourd'hui être les traits les plus importants.
Pour identifier les défenseurs ayant le plus d'impact sur leur club, je vais reprendre un indicateur que j'ai beaucoup utilisé dans mes chroniques cet hiver, les « buts prévus » tels que calculés par le site corsica.hockey. Cet indicateur nous permet de considérer la production offensive des joueurs en dépouillant les données des variances normales de la chance et de la malchance. On le verra, ça n'empêche pas certains cas douteux de se glisser quand même dans les classements, mais le portrait d'ensemble demeure néanmoins instructif.

J'utiliserai plus spécifiquement deux indicateurs dérivés de la formule des buts prévus. Les buts prévus marqués et les buts accordés relatifs. Ce faisant, on isole l'impact qu'un joueur a sur la production offensive et défensive de son équipe. J'ai, comme dans le cas de
l'article de la semaine dernière sur Brad Marchand
, restreint le regard aux joueurs ayant obtenu au moins 500 minutes de jeu à 5-contre-4 ou à 4-contre-5, ou encore 2000 minutes à 5-contre-5, et ce depuis le début de la saison 2013-14.
Sur les unités spéciales
Le jeu à 4-contre-5 devrait être le royaume du défenseur défensif typique. Pourtant, les joueurs ayant eu le plus gros impact défensif dans cette situation sont loin d'être des colosses. Plus encore, les meneurs à ce chapitre, Erik Karlsson et P.K. Subban, sont plutôt reconnus pour leurs prouesses offensives. Et le reste de la liste est à l'avenant. On trouve bien quelques vétérans robustes (Dennis Seidenberg, Kevan Miller), mais la liste est essentiellement composée de défenseurs mobiles et habiles. Petite hypothèse personnelle : la clé du succès sur le désavantage numérique demeure la récupération de rondelles libres.

Bouchard defense 270317 Fig A

La liste des joueurs ayant le plus d'impact sur la production offensive de leur club à 5-contre-4 est moins surprenante dans sa composition, mais tout de même un peu curieuse par son classement. John Klingberg et Kris Letang sont, je le soupçonne, aussi importants par leurs talents de chef d'orchestre que par la faiblesse des autres options qui s'offrent à leur équipe. S'ils ne sont pas sur le jeu, l'équipe n'a tout simplement pas d'option valable à proposer.

Bouchard defense 270317 Fig B

À forces égales : les plus productifs
Le défenseur d'impact est celui qui se démarque aux deux bouts de la patinoire. La liste suivante est classée en fonction de l'impact global sur la part des buts prévus obtenus par l'équipe lorsque le joueur est sur la patinoire. La présence de Mark Giordano et Anton Stralman au sommet de ce classement n'a rien de surprenant : ce sont deux vétérans reconnus pour la qualité de leur contribution, de même que Ryan Suter.
La présence de Jaccob Slavin dans cette liste n'est pas un accident. Le nom du jeune défenseur des Hurricanes de la Caroline résonne de plus en plus aux quatre coins de la LNH, et à juste titre. Slavin est, parmi les défenseurs de son club,
celui qui affronte les meilleurs adversaires
. Sa présence dans ce classement, sur la foi d'une excellente contribution défensive, n'est donc pas mal acquise. Il fait incontestablement partie des meilleurs.
Les quatre autres joueurs classés ici ne sont pas du même calibre (je me garde une petite réserve pour Josh Manson). Il s'agit de joueurs à qui on demande de travailler sans jamais chercher à les opposer systématiquement aux meilleurs éléments adverses (contrairement aux quatre premiers). S'ils ne sont pas nécessairement protégés, on doit garder à l'esprit qu'ils ont un rôle de deuxième, quand ce n'est pas de troisième paire.

Bouchard defense 270317 Fig C

Les spécialistes de l'offensive à 5-contre-5
On parle parfois de ces défenseurs de haute voltige, qui prennent des risques, qui sont utiles pour rattraper un retard, mais qu'on ne veut pas voir protéger une avance. Lorsqu'on regarde qui a à la fois aidé à augmenter le débit offensif et rendre plus faible la défensive de leur club, on retrouve une liste qui n'est pas si surprenante.
Justin Faulk trône en tête et, admettons-le, il est spectaculaire. Faulk est celui qui, du groupe, a à la fois le meilleur impact offensif et le pire impact défensif!
Vient ensuite un groupe de défenseurs dont la production offensive compense néanmoins les carences défensives. La présence de ces joueurs est dans généralement positive, même si on doit accepter que plus de rondelles se retrouvent dans les filets de leur équipe. Brent Burns est évidemment le chef de file.
Vient ensuite une série de joueurs dont la contribution globale est souvent négative. En termes graphiques, c'est assez simple à voir : les barres orange sont plus hautes que les bleues.
Il n'y a pas de joueur de « minutes faciles » dans cette liste. Ce sont des joueurs qui sont utilisés à profusion et il semble qu'on préfère les voir accorder des buts plutôt que de se priver de leur contribution. Un moment de silence pour ce pauvre Brent Seabrook, quand même.

Bouchard defense 270317 Fig D

Les spécialistes de la défensive à 5-contre-5
À l'inverse, il y a ces défenseurs qui ne contribuent pas offensivement, mais qui savent empêcher l'adversaire de menacer leur gardien. Ici, Chris Tanev se démarque massivement. Les Canucks ont beaucoup de difficultés à stabiliser leur défensive depuis le départ de Kevin Bieksa, et Tanev demeure le roc sur lequel l'édifice s'appuie vaille que vaille. Je souligne aussi la présence de l'increvable Niklas Hjalmarsson, homme de toutes les missions défensives à Chicago et puis, tiens, revoici Kevan Miller, qui confirme sa place comme défenseur défensif des plus efficaces.

Bouchard defense 270317 Fig E

Dans l'ensemble, ce portrait nous montre à quel point les défenseurs de la LNH constituent aujourd'hui un groupe diversifié. Il n'y a pour ainsi dire pas de noms qui reviennent systématiquement d'une liste à l'autre. C'est selon moi le signe d'une ligue ou les défenseurs ont des rôles diversifiés à jouer, non seulement en fonction de leurs aptitudes, mais aussi en fonction de celles de leurs équipes. Le défi est de tirer le meilleur de joueurs imparfaits en leur réservant les situations où brillent leurs talents, et c'est souvent dans ce patient travail de juxtaposition qu'on distingue les meilleures formations du circuit.