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MONTRÉAL - On en est rendu au point où il serait presque raisonnable de se demander si Carey Price se souvient encore de ce qu'on ressent quand on perd.
Quand il se dirigera vers le filet des Canadiens de Montréal, samedi, en vue du match prévu au Centre Bell contre les Flyers de Philadelphie (19h HE ; TVA Sports, CITY, TCN-PH, NHL-TV), cela fera plus de 12 mois que Price n'aura pas perdu un match où il y a quelque chose à l'enjeu.

C'est vrai que Price n'a pris part qu'à 14 rencontres depuis cette défaite de 4-3 aux mains des Oilers d'Edmonton, le 29 octobre 2015, soit neuf en saison régulière dans la LNH et cinq à la Coupe du monde de hockey 2016 ; reste qu'une série de 14 victoires, ça demeure un exploit remarquable.
Ça l'est d'autant plus quand on tient compte du temps qui s'est écoulé entre sa troisième et sa quatrième victoire, période pendant laquelle Price s'est remis de l'entorse au ligament collatéral interne du genou droit qui a mis fin à sa saison 2015-16, le 25 novembre, à l'occasion d'un match que les Canadiens ont remporté 5-1 à New York contre les Rangers.
Depuis, Price a présenté un dossier de 5-0-0 avec un pourcentage d'arrêts de ,957 avec Équipe Canada à la Coupe du monde, et une fiche de 6-0-0 avec un pourcentage d'arrêts de ,964 cette saison.
Si Price signe un 10e gain de suite dans la LNH, samedi, il deviendra le premier gardien à réussir le coup depuis la première fois qu'il l'a fait, du 5 avril au 24 octobre 2015, selon le Elias Sports Bureau.
Il est vraiment dans une classe à part.
« C'est un joueur spécial et il y a très peu de joueurs comme lui dans la LNH, a déclaré l'entraîneur des Canadiens Michel Therrien. Il y a Sidney Crosby, et on sait tous que c'est un joueur spécial. Carey Price est un joueur spécial, on en est tous conscients. »
Price a remporté les trophées Hart et Vézina en 2015 après avoir connu une saison exceptionnelle, comme en font foi sa fiche de 44-16-6, sa moyenne de buts alloués par match de 1,96 et son pourcentage d'arrêts de ,933 enregistrés en 2014-15. Stéphane Waite, l'entraîneur des gardiens chez les Canadiens, a affirmé durant le camp d'entraînement que Price croit qu'il peut être encore meilleur que ça, et il semble en voie d'en faire la démonstration.
« Je ne sais pas, je me sens pareil, a dit Price, jeudi. Je ne ressens pas le besoin de comparer à d'autres saisons. J'essaie juste de jouer au hockey. »
Voilà des propos qui résument bien Carey Price.
Il ne se préoccupe pas du passé et l'avenir ne l'inquiète pas. Il se concentre exclusivement sur le moment présent.
C'est une leçon qu'il a apprise au fil du temps, tout cela dans un environnement où tout ce qui concerne le hockey est scruté à la loupe, où la moindre distraction peut vous submerger et la moindre défaillance sur la glace peut amener les plus passionnés des partisans à se retourner contre vous en un clin d'œil.

Personne ne le sait mieux que Price, à qui on a donné l'étiquette de « sauveur » en début de carrière, qu'on a qualifié de « fini » à 23 ans, et qui est maintenant de retour au sommet de la montagne en ce qui a trait à l'adulation qu'il reçoit de la part des partisans des Canadiens.
La saison dernière a permis de bien saisir l'importance qu'a Price au sein de son équipe, alors que les Canadiens se sont écroulés après qu'il eut subi sa blessure. Ce qui était moins évident, c'est à quel point Price avait un impact sur l'équipe mentalement.
Cet impact doit être évalué en tenant compte d'une croyance qui s'étend à l'échelle de la Ligue, à savoir que les Canadiens ne sont pas une très bonne équipe sans Price ; c'est là une image que ses coéquipiers ont ardemment cherché à modifier, mais qui s'est ancrée davantage après ce qui est arrivé la saison dernière.
La présence de Price donne confiance aux joueurs des Canadiens. C'est clair.
Mais parfois, Montréal dispute un match qui force Price à montrer à quel point il est bon, comme il l'a fait à son plus récent départ, mercredi, quand il a réalisé 42 arrêts dans une victoire de 3-0 contre les Canucks de Vancouver.
Après cette rencontre, tous les joueurs montréalais ont laissé paraître un niveau de frustration comme on en voit rarement dans un vestiaire de la LNH après une victoire.
« Tu encaisses les points quand ils se présentent, mais en même temps, tu ne vois pas l'énergie qu'on voit habituellement après un match quand les gars sont fiers de leur performance, a noté le capitaine Max Pacioretty. D'abord et avant tout, nous avons laissé tomber Carey. Nous nous sommes fiés à lui pour qu'il nous sauve la peau. Ce n'est pas comme ça que nous voulons jouer. »

Price

Plusieurs équipes connaissent un regain d'énergie quand leur gardien vole un match ; mais Price l'a fait si souvent, et c'est là une histoire qu'on a racontée si souvent que cela peut parfois avoir l'effet contraire chez les joueurs du club montréalais.
« Durant le match, il nous stimule de la bonne façon, il nous force à vouloir nous battre et à lutter pour revenir en force et essayer de l'emporter, a indiqué Pacioretty au lendemain de ce match. Mais après, nous nous sentons mal. Nous nous demandons comment nous avons pu laisser aller les choses à ce point. »
Cela ne veut pas dire que Price a un impact négatif sur la force mentale de ses coéquipiers, parce que rien n'est plus loin de la réalité. C'est un phénomène complexe.
L'impact qu'il a sur les adversaires, par contre, n'est pas compliqué à comprendre du tout.
Quand Price a réussi 31 arrêts dans un gain de 3-1 contre les Flyers au Centre Bell, le 24 octobre, le gardien en était à son troisième départ après qu'il eut raté les trois premiers matchs des siens en raison d'une grippe. Après la rencontre, le capitaine des Flyers Claude Giroux avait lancé à la blague : « J'aurais souhaité qu'il attrape encore la grippe encore ce soir, mais ce n'est pas arrivé. Il est un des meilleurs ».
Les attaquants, surtout ceux qui sont les plus performants en terme de production offensive, n'aiment pas affronter Price parce que sa présence devant le filet peut être intimidante. Le capitaine des Islanders de New York John Tavares est peut-être celui qui a le mieux décrit le défi que le gardien des Canadiens représente.
« Parfois, tu penses que tu viens de décocher un boulet et tu as l'impression de l'avoir bien frappé, que tu as bien visé la cible que tu as choisie, et puis il sort le gant et attrape la rondelle comme si c'était une balle de tennis qui s'en allait vers lui, a-t-il expliqué. Il donne l'impression que c'est facile. »
Tavares a dit tout cela avant la Soirée de remise des trophées 2015 de la LNH, mais c'est là une analogie qui décrit Price tellement bien, selon lui, qu'il l'a utilisée de nouveau à la Coupe du monde, plus d'un an plus tard. Ça illustre à quel point la présence de Price peut affecter la confiance de certains des meilleurs francs-tireurs du hockey.
Quand les Flyers se présenteront sur la glace samedi et verront Price devant son filet, il ne fait aucun doute qu'ils penseront à ce qu'ils devront faire mieux que d'habitude pour parvenir à marquer à ses dépens. Les coéquipiers de Price seront prêts à travailler encore plus fort pour racheter la piètre performance qu'ils ont livrée devant lui à sa sortie précédente.
L'expression « joueur d'impact » est souvent utilisée dans la LNH, mais il est difficile d'imaginer un joueur qui a plus d'influence que lui sur l'aspect mental d'un match.