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À bien des égards, le Lightning de Tampa Bay et Martin St-Louis avaient besoin l'un de l'autre quand, avant la saison 2000-01, ils ont commencé à tisser ce qu'on peut maintenant qualifier de liens indissolubles.
Chacune des deux parties voulait bâtir quelque chose. Le Lightning voulait mettre en place une tradition gagnante et St-Louis, un attaquant de cinq pieds neuf pouces, voulait connaître une belle carrière dans la LNH. Ils étaient tous deux sous-estimés. Le Lightning était alors une équipe d'expansion évoluant dans le sud des États-Unis qui n'avait participé qu'une fois aux séries éliminatoires de la Coupe Stanley à ses huit premières saisons dans la Ligue ; et St-Louis était considéré comme trop petit, un joueur n'ayant pas été repêché destiné à oeuvrer au sein d'un quatrième trio. Et encore, il restait à voir s'il allait durer dans la LNH.
Plus de 16 années plus tard, St-Louis revient à la maison parce que la concession qui lui a donné une chance, celle qu'il a aidé à bâtir et à mettre sur la carte de la LNH, est prête à lui rendre un hommage que seule une personne par club peut recevoir.
Ce vendredi au Amalie Arena, le numéro 26 de St-Louis sera le premier numéro à être retiré par le Lightning. La cérémonie aura lieu avant le match opposant Tampa Bay aux Blue Jackets de Columbus (20h HE ; TVA Sports, SN, SUN, FS-O, NHL.TV). L'entraîneur des Blue Jackets est John Tortorella, qui était derrière le banc quand St-Louis et le Lightning ont remporté la Coupe Stanley en 2004.

« C'est un grand honneur, a déclaré St-Louis. Le simple fait de voir son chandail être retiré est tout un honneur et, évidemment, le fait d'être le premier, je pense, rend le tout encore plus spécial. »
St-Louis a joué pour le Lightning de la saison 2000-01 jusqu'à ce qu'il soit échangé, à sa demande, aux Rangers de New York le 5 mars 2014.
Il est le meneur de tous les temps du Lightning pour les points (953), les mentions d'aide (588), les points en avantage numérique (300), les buts en désavantage numérique (28), les points en désavantage numérique (44), les buts vainqueurs (64) et les buts en prolongation (10). Ses 365 buts en 972 matchs lui donnent le deuxième rang derrière Vincent Lecavalier (383 buts en 1037 rencontres).
St-Louis est premier chez le Lightning pour les buts en séries éliminatoires de la Coupe Stanley (33), ainsi que les aides (35) et les points (68). Il est le seul joueur du Lightning à se voir décerner le trophée Hart (2003-04) et le trophée Art Ross, qu'il a remporté deux fois (2003-04, 2012-13). Il s'est vu attribuer le trophée Lady Byng à trois reprises (2009-10, 2010-11, 2012-13).
« Vincent [Lecavalier] a été un choix de premier tour et il a été le visage de la concession, mais je dirais que Martin en a été le coeur et l'âme, a affirmé l'ancien défenseur du Lightning Dan Boyle. Bien des gens s'identifient aux négligés, ils aiment son histoire. Pas besoin que ce soit relié au hockey. N'importe quelle personne qui est jugée trop petite ou qui n'est pas appréciée à sa juste valeur à son travail s'identifiait à Martin et c'est pourquoi les partisans ont réagi comme ils l'ont fait à son endroit. »

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St-Louis ne savait pas trop comment se comporter quand il a fait ses débuts dans la Ligue avec les Flames de Calgary en 1998. Jamais repêché, il avait 23 ans et il avait joué à l'Université du Vermont, et voilà qu'il se retrouvait aux côtés de son idole de jeunesse, Theoren Fleury. Il a eu de la difficulté à se faire à l'idée qu'il avait sa place dans l'équipe.
« J'étais tellement intimidé par la LNH, a fait savoir St-Louis. Physiquement, j'avais les atouts qu'il fallait et tout ça, mais mentalement j'étais tellement impressionné par la LNH que ç'a ralenti mon développement, je pense. »
Après la saison 1999-2000, St-Louis, qui avait pris part à 69 matchs dans la LNH en deux saisons avec les Flames, a signé un contrat avec le Lightning. Il a rejoint une nouvelle équipe et il a alors adopté une nouvelle approche.
« J'avais deux saisons sous la ceinture, 69 matchs dans la LNH, à peu près 150 matchs dans les ligues mineures, où je produisais au rythme d'un point par match, a-t-il noté. J'avais une meilleure image de moi-même au moment d'arriver à Tampa. Je me sentais prêt à saisir cette opportunité. »
Il a inscrit 18 buts et 40 points en 78 rencontres en 2000-01, alors qu'il a surtout évolué au sein du troisième ou quatrième trio. C'est seulement à sa deuxième campagne avec le Lightning, la première saison complète de Tortorella au poste d'entraîneur, que St-Louis s'est vu donner l'opportunité de se forger une place parmi les six premiers attaquants. Il a récolté 35 points en 53 matchs, mais il s'est fracturé la jambe à la mi-saison.
Reste qu'il avait fait forte impression auprès de son entraîneur.
« Ce n'est pas du tout moi qui ai décidé de lui donner une opportunité, a souligné Tortorella. Je regarde les joueurs, je les regarde s'entraîner, je les regarde jouer. Ce sont eux qui déterminent combien de temps de glace ils vont obtenir. Martin St-Louis a enfoncé la porte avec moi. Il l'a ouverte, puis il l'a enfoncée. En raison de la façon dont il a joué, je n'avais pas le choix, je me devais de l'envoyer sur la patinoire. »
St-Louis a bâti sur ses 53 premiers matchs avec Tampa Bay, y allant ensuite de 33 buts et 70 points en 82 rencontres en 2002-03. Puis, en 2003-04, il a été le meilleur marqueur de la Ligue avec une production de 94 points, il a remporté le trophée Hart et le Lightning a décroché la Coupe Stanley.
Il allait ensuite se mettre en marche pour de bon, inscrivant 43 buts et 102 points en 2006-07, pour ensuite maintenir une moyenne de 89 points par saison de 2007 à 2011.
« Je n'étais plus intimidé, a souligné St-Louis. J'ai quand même continué de vivre des moments où j'étais encore étonné d'avoir réussi tout ça. Tu dois avoir une conversation avec toi-même de temps à autre, parce que tu vois tous ces joueurs qui sont dans la Ligue, qui ont été repêchés au premier tour, qui ont été réclamés très tôt - et moi, je n'avais jamais été repêché. Alors tu dois sans cesse te dire que ce n'est pas une erreur et que tu mérites d'être là. »
Éventuellement, St-Louis a senti qu'il avait besoin d'un changement, de vivre quelque chose de différent, tant pour lui-même que pour sa famille, qui comprend son épouse Heather ainsi que ses trois fils, Ryan, Lucas et Mason. C'est une décision n'ayant rien à voir avec le Lightning qui l'a incité à envisager différents scénarios.
St-Louis a vécu une déception quand le directeur général du Lightning Steve Yzerman, alors qu'il occupait le poste de directeur général de l'équipe canadienne, ne l'a pas choisi au sein de la formation initiale en vue des Jeux olympiques de 2014 à Sotchi. St-Louis a fini par être invité afin de remplacer son coéquipier à Tampa Bay, Steven Stamkos.
« Ce n'était pas ça à 100 pour cent, mais ç'a mené à certaines pistes de réflexion en famille, a affirmé St-Louis. Ç'a été comme un déclencheur qui nous a fait réaliser qu'il y avait peut-être des choses qu'il valait la peine d'envisager et qui profiteraient à la famille, aux enfants. »
Une de ces pistes de réflexion, a fait savoir St-Louis, avait pour but de trouver une façon d'entamer une période de transition pour ses garçons en prévision de ce que leur père allait faire après la LNH. Le scénario prévu, c'est que la famille allait s'installer à Greenwich, au Connecticut, dans la ville d'origine de Heather. St-Louis estimait que si la famille s'y installait avant sa retraite, la transition serait plus facile pour ses enfants.
« C'est un changement énorme dans nos vies », a-t-il souligné.
St-Louis a demandé qu'on l'échange aux Rangers. Yzerman a éventuellement comblé son souhait, obtenant beaucoup en retour, notamment l'attaquant Ryan Callahan, un choix de premier tour lors du repêchage 2015 de la LNH, ainsi qu'un choix conditionnel qui s'est transformé en choix de premier tour en 2014 étant donné que les Rangers ont atteint la Finale de l'Association de l'Est au printemps 2014.
« Ç'a été une décision difficile à prendre, mais c'était la bonne pour plusieurs raisons, pour mes enfants, pour moi », a déclaré St-Louis, qui a ensuite joué un rôle important dans le long parcours des Rangers jusqu'en Finale de la Coupe Stanley.
Il a comparé cette expérience au moment où il a quitté la maison - il vivait à Laval, au Québec - pour aller jouer avec l'Université du Vermont.
« J'étais triste, mais il fallait le faire», a-t-il dit.
St-Louis affirme qu'il n'a aucune rancoeur à l'endroit d'Yzerman.
« Il avait tout mon respect en tant que D.G. et je respectais les décisions qu'il prenait, a affirmé St-Louis. Je n'aimais pas certaines d'entre elles, mais je les respectais. Je pense qu'on se comprenait bien l'un l'autre. »
Le passé étant le passé, St-Louis et le Lightning, qui avaient énormément besoin l'un de l'autre il y a plus de 16 ans, sont maintenant prêts à renouer ce vendredi, quand le no 26 sera soulevé au plafond de l'aréna de l'équipe pour toutes les bonnes raisons.
« Je vais toujours être un membre du Lightning, a lancé St-Louis. Je suis un joueur du Lightning d'abord et avant tout. »