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Notre chroniqueur Anthony Marcotte nous parle de l'actualité chez le Rocket de Laval, ainsi que dans l'ensemble de la Ligue américaine de hockey (LAH). Il permettra aux partisans de suivre assidûment ce qui se passe dans l'antichambre de la meilleure ligue de hockey au monde.
Shawn Element est le même joueur qu'on a toujours connu cette année chez le Crunch de Syracuse. Déterminé, coriace, peur de rien : ce sont toutes de belles qualités qui plaisent à n'importe quel entraîneur. Cette soif de vaincre, Element l'a trouvée très jeune. Quand un bête accident arrive et que cela te prive de ton passe-temps préféré, soit jouer au hockey, les priorités tombent à la bonne place. Depuis l'âge de 12 ans, le jeune homme a décidé que rien ne l'empêcherait de pratiquer son sport, pas même une fracture du cou.

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Le 14 octobre 2012, le jeune homme de Victoriaville était rappelé dans la formation des Cascades des Bois-Francs au niveau Bantam AA, son premier rapport avec le sport avec contacts. Lors d'une course pour la rondelle, Element a été frappé durement le long de la rampe. Le contact a été assez sévère pour lui briser le cou. Au départ, rien n'indiquait que la blessure était aussi sérieuse. Et pourtant…
« J'ai perdu la carte pendant quelques secondes et quand je me suis réveillé, je n'avais plus mes gants, j'ai remarqué qu'il restait environ 13 minutes en deuxième période, et on était en train d'escorter mon adversaire au banc, se rappelle le jeune homme désormais âgé de 21 ans. C'est vraiment quand je suis retourné au vestiaire que je me suis rendu compte que quelque chose clochait. J'avais vraiment mal au cou. On m'a étendu par terre et on a appelé l'ambulance. Au début, tu ne comprends pas trop, surtout à cet âge-là. Je trouvais ça bizarre d'être complètement immobilisé, sans pouvoir bouger du tout. »
Des examens plus approfondis à l'Hôtel-Dieu d'Arthabaska de Victoriaville ont permis de comprendre la gravité de la situation. Element avait des vertèbres fracturées et on craignait à ce moment-là une blessure à la moelle épinière. Un transport d'urgence à l'hôpital Ste-Justine à Montréal était nécessaire. L'heure était grave.
« Ça a été un gros choc pour ma famille, poursuit-il. Je n'avais jamais vu mon père pleurer et j'ai lu cette journée-là toute l'inquiétude dans ses yeux. Laisser partir son enfant à Ste-Justine avec le cou cassé sans trop savoir ce qui se passe… Ça devait être effrayant pour eux. »
Finalement, Element s'en est tout de même très bien tiré malgré une fracture qui aurait pu s'avérer fatale. Un centimètre de plus et il aurait pu perdre l'usage de ses jambes pour la vie. Une longue réadaptation attendait un jeune homme actif qui avait besoin de bouger!

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« Ce qui a été vraiment le plus dur pour moi, c'est de ne pouvoir rien faire, dit-il. Non seulement j'ai un besoin constant de bouger, mais je suis aussi un gars qui aime encourager ses chums. De ne pas pouvoir jouer avec eux, c'était très difficile. J'avais beaucoup de rage en dedans de moi. »
Le jeune adolescent ne voulait rien savoir de passer des mois sur les lignes de côté à être immobilisé contre son gré. C'était plus fort que lui.
« Même si je n'étais pas censé pouvoir manier une rondelle, je le faisais quand même à la maison! Même si je me faisais dire "Non Shawn, ne fais pas ça", je le faisais quand même. Ils ont eu beau essayer de me tenir en laisse, ils n'ont pas été capables de le faire! »
C'est un jeune plus mature et plus fort physiquement qui est revenu au jeu après plusieurs mois de guérison. Il avait pris un certain retard dans son développement, mais un peu de temps à pousser dans le gymnase lui a permis de combler l'écart avec les jeunes de son âge. Aujourd'hui, Element réalise que ce test de caractère l'a bien servi pour monter les échelons du hockey.
« Quand je réfléchis à ce que j'ai vécu, je réalise que ça m'a aidé à surmonter les obstacles. Dans le hockey, je n'ai jamais été coupé d'une équipe. Je suis content que ça me soit arrivé jeune, parce que j'ai toujours été un gars physique. Ça a permis de tester ma crainte. Est-ce que je vais avoir peur de retourner dans le coin? De me faire frapper d'aplomb? De jeter les gants? Finalement, ça a été tout le contraire et je n'ai jamais eu peur de me faire mal de nouveau. »
Un long détour avant de revenir gagner à la maison
Après avoir donné toute une frousse à ses parents, le jeune Element est devenu un voyageur du hockey portant les couleurs du Drakkar de Baie-Comeau, qui l'ont sélectionné au neuvième rang au total de l'encan de la LHJMQ en 2016, puis du Titan d'Acadie-Bathurst et des Eagles du Cap-Breton. Trois destinations bien loin de la maison familiale dans les Bois-Francs!
La famille de Shawn a toujours été fervente de hockey, accueillant même plusieurs joueurs des Tigres de Victoriaville à la maison en pension pendant son enfance. C'est un total de 22 joueurs des Tigres et du Titan de Princeville Junior AAA qui ont habité la résidence familiale au fil des années. Le jeune Shawn a même agi comme assistant au préposé à l'équipement de l'équipe junior il y a quelques années. Il était donc tout naturel pour le clan Element de voir Shawn terminer sa carrière dans la LHJMQ à la maison.
« Je ne remercierai jamais assez M. Jacques Carrière (le directeur-gérant des Eagles) de m'avoir offert de terminer ma carrière junior à Victo, a mentionné Element. Il m'avait demandé de choisir quelques destinations où j'aimerais jouer et mon vœu a été exaucé. De rentrer à la maison après tant d'années a été une aventure extraordinaire. »
Et comment! Les Tigres, aidés entre autres par l'acquisition d'Element à la période des fêtes, ont causé une des plus grandes surprises de la riche histoire de la LHJMQ en remportant la finale de la coupe du Président face aux Foreurs de Val-d'Or en juin dernier sur la glace du Centre Vidéotron de Québec. Element était d'ailleurs sur la glace pour participer au but d'Alex Beaucage en prolongation lors du cinquième match qui a permis aux Tigres de remporter le deuxième championnat de leur histoire, un premier depuis 2002.

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« J'en ai encore la chair de poule à en reparler, a lâché Element avec de grands yeux. On était nettement négligés dans cette série. On ne devait même pas faire le poids face aux Foreurs. Non seulement de réussir à les battre, mais de le faire aussi dans le contexte qu'on a vécu, en ayant passé 50 jours à l'hôtel dans une bulle à Québec, c'était magique. Les Tigres, c'est mon équipe. Victo, c'est ma ville. Je suis tellement content d'avoir réussi à gagner la coupe pour les gens de mon coin. »
Element écoule cette année la première de deux saisons à son contrat le liant au Crunch de Syracuse, le club-école du Lightning de Tampa Bay. Le Crunch vient tout juste de le rétrograder au cours des derniers jours avec les Solar Bears d'Orlando dans l'ECHL dans le but qu'il joue plus de minutes. Ne comptez pas sur Shawn Element pour s'apitoyer sur son sort, car l'adversité, lui, il connaît ça!
Photos :Famille Element