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La LNH est une ligue extraordinairement compétitive. Marc-André Fleury l'a appris à ses dépens l'an dernier. Après avoir connu une saison de 35 victoires au cours de laquelle il obtient la meilleure moyenne de buts alloués de sa carrière et égale son meilleur pourcentage d'arrêts dans la LNH (,921), Fleury se blesse en fin de saison et perd son poste de partant aux mains de la recrue Matt Murray.
Murray s'étant brisé la main lors de la Coupe du monde de hockey 2016, il semble que Fleury, qui entame sa 12e saison professionnelle, aura la chance de reprendre ses droits sur le poste de gardien numéro un. L'histoire récente nous enseigne qu'il profitera fort probablement de la situation.

Le travail des gardiens est toujours compliqué à évaluer à partir des données publiées par la LNH.
Comme l'expliquaient
les analystes Eric Tulsky et Brian Macdonald il y a quelques années, le pourcentage d'arrêts d'un gardien fluctue énormément, au point où un échantillon de 7500 tirs nous donne une idée à ,005 près du « talent réel » d'un gardien donné. Sachant que la moyenne de la LNH se situe, à forces égales, aux environs de ,921 et qu'un gardien « remplaçant type » obtient plutôt un taux de ,908, une seule saison n'est pas suffisante pour se faire une idée juste du talent réel d'un cerbère.
7500 tirs, c'est énorme. Un gardien qui reçoit 25 tirs à 5-contre-5 par match pendant 65 parties aura reçu 1650 tirs au terme d'une saison bien remplie. On est loin du compte! En fait, une vingtaine de gardiens auraient reçu 7500 tirs et plus depuis 2007-08. Fleury est, bien sûr, du lot.

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Gardien durable, Fleury est un de ceux qui ont reçu le plus de tirs depuis 10 ans. Mais parmi ses pairs réguliers, son classement pour le pourcentage d'arrêts est, lui, plus douteux.

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Ayant arrêté 92,3 pour cent des tirs dirigés vers lui depuis 10 ans à 5-contre5, Fleury se classe ici 14e sur 20, un score beaucoup moins impressionnant. Mais ce portrait doit être nuancé.
C'est pourquoi j'ai choisi de reprendre les données depuis 2007-08. Parce qu'elles sont plus détaillées sur le site de la LNH, ces données ont été collectées par le site corsica.hockey et travaillées de manière à offrir des indices de difficulté des tirs affrontés. En croisant des variables comme la distance, le type de tir (on inclut notamment les tirs manqués, ce qui semble intuitivement inutile, mais fort pertinent dans une perspective probabiliste), s'il s'agit d'un rebond, l'endroit d'où il provient et ainsi de suite, chaque événement est pondéré pour offrir une idée simple : qu'est-ce qu'un hypothétique gardien offrant des performances dans la moyenne de la LNH aurait obtenu comme pourcentage d'arrêts si on l'avait soumis à cette charge de travail?
On est ainsi en mesure de voir à quel type de charge de travail une équipe a soumis ses gardiens au cours d'une saison. Lorsqu'on regarde le détail des clubs depuis 2007-08, on constate par exemple que l'indice de corsica.hockey (poétiquement intitulé « Expected Fenwick save percentage ») classe systématiquement le Wild du Minnesota comme l'une des équipes les plus efficaces en défensive, leur pire classement étant 21e sur 270 en 2013-14. Inversement, les Canadiens de Montréal font systématiquement triste figure; outre la saison écourtée qui lui vaut le 25e rang, le club affiche son meilleur rang, 131e en 2007-08.
Dans ce contexte, les Penguins ont fait du bon et du moins bon.

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Avec 270 saisons comptabilisées (9 x 30 clubs), j'estime que les classements dans le top-60 sont particulièrement bons. Les Penguins ont obtenu cinq saisons de ce calibre et se classent globalement onzièmes sur la période. Doit-on présumer que les Penguins ont dopé les résultats de Fleury et que celui-ci serait en fait inférieur à la moyenne, qu'il ne devrait sa longévité qu'à l'absence de challenger?
Pas tout à fait. Lorsqu'on reprend notre liste de 20 gardiens, on peut les classer cette fois-ci à partir de la différence entre leur pourcentage d'arrêts et celui attendu d'un gardien moyen. On réussit donc à voir comment le joueur performe, non pas par rapport à une moyenne de la LNH qui ne tient pas compte du contexte dans lequel il a joué, mais plutôt en fonction de ce que son équipe lui a imposé comme charge de travail. En soustrayant le pourcentage ajusté attendu au pourcentage réel, on obtient l'impact du gardien.
Encore ici, Fleury ne se classe pas parmi l'élite, mais il se classe au-delà de la moyenne.

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Les partisans du Canadien ont pu sursauter en regardant le classement ci-dessus. Il importe de souligner que, depuis 2013, Carey Price est le gardien ayant le plus d'impact à forces égales, avec un ajustement de +1,47 pour cent, contre +1,38 pour Lundqvist. Ce dernier domine les classements à long terme comme celui-ci parce qu'il a été absolument dominant et régulier depuis son entrée dans la LNH, alors que Price a vraiment décollé à la suite de la saison écourtée de 2012-13.
Quant à Fleury, le Québécois a offert de mauvaises performances lors des séries de 2012 et 2013 et en porte depuis le stigmate, mais ces données nous rappellent qu'il est l'un des bons gardiens de son époque. Et il ne donne pas de signe de ralentissement : il a affiché des ajustements de +0,77 et +0,71 pour cent lors de ses deux dernières campagnes. Vu le resserrement défensif manifeste des Penguins en défensive l'an dernier, la blessure de Murray lui ouvre vraiment la porte pour laver sa réputation une bonne fois pour toutes.