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VANCOUVER - Encore une fois. Encore une fois pour Vancouver et pour les Canucks. Encore une fois pour les parents qui les ont élevés, Tommy et Tora; pour leurs frères aînés qu'ils admiraient quand ils étaient petits, Peter et Stefan; pour leurs épouses, leurs enfants et leurs amis dans les gradins. Encore une fois pour les partisans, pour les enfants de l'Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique, pour tous ceux qu'ils voulaient remercier quand ils ont annoncé leur retraite lundi.
Encore une fois pour Daniel et Henrik Sedin à leur dernier match à domicile. En prolongation, lors d'une supériorité numérique, les spectateurs étaient debout et le Rogers Arena vibrait quand Henrik y est allé d'une passe lobée du coin droit à la pointe. À la fin d'une présence qui durait depuis une minute et 16 secondes, Daniel a stabilisé le disque et il a décoché un lancer frappé.

La rondelle s'est retrouvée derrière le gardien des Coyotes de l'Arizona Darcy Kuemper à 2:33, la sirène a retenti, la foule a hurlé de joie. Wow, quel moment inoubliable! Les Canucks ont gagné 4-3. Pour la deuxième fois de la soirée, jeudi, Daniel marquait sur une passe de Henrik.

« Soulagé, a lancé Daniel. J'étais fatigué, mais heureux. On n'aurait pas pu rêver d'une plus belle fin dans cet amphithéâtre. C'était la dernière fois qu'on sautait sur cette glace, alors c'était émouvant. »
Les Canucks se sont massés autour des Sedin le long de la bande au son de leur chant de la victoire. Au lieu de rentrer à leur vestiaire, les joueurs des Coyotes sont demeurés sur la glace afin de serrer la main aux Sedin, comme à la fin d'un affrontement pendant les séries éliminatoires de la Coupe Stanley. Les Sedin ont fait un tour d'honneur en levant leur bâton et en tapant des mains. Il n'y a pas eu trois étoiles, mais une seule, partagée par les deux frères. Puis, ils ont fait un autre tour d'honneur.
« C'est une soirée où… », a commencé Henrik, la voix étouffée. « Quand on a la chance de vivre ça, c'est une occasion unique. C'est indescriptible comme sensation. »
Enfin, Dan Murphy de Sportsnet s'est entretenu avec les Sedin sur la glace. Henrik a vite balayé le destin du revers de la main. Peu importe l'issue de la rencontre, c'était un des faits saillants de leur carrière. Tandis qu'il parlait, les partisans scandaient : « Une autre année! »
Hélas, les attaquants de 37 ans ne disputeront qu'une autre partie, samedi, contre les Oilers à Edmonton (22 h HE; CBC, SNP, NHL.TV). Si seulement ils pouvaient jouer pour toujours.
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Ç'aurait été incroyable de voir un des trois premiers choix au repêchage qui a passé toute sa carrière de 17 saisons avec les Canucks, remportant le trophée Art-Ross comme meilleur marqueur de la ligue et accumulant plus de 1000 points au passage avec une classe exemplaire, se retirer de cette manière.
Cette soirée aurait été spéciale avec un seul joueur comme celui-là.
Mais deux? Sur le même trio?
Henrik, un centre, a été le troisième choix du repêchage 1999 de la LNH et il a mis la main sur les trophées Art-Ross et Hart, remis au joueur le plus utile à son équipe, en 2009-10. Il occupe le premier rang de l'histoire des Canucks pour les matchs joués (1329), les aides (830) et les points (1070) ainsi que le septième pour les buts (240).
Daniel, un ailier gauche, a été le deuxième choix du repêchage de 1999 et il a remporté le trophée Art-Ross et pris le deuxième rang du scrutin du trophée Hart en 2010-11. Il est le meilleur buteur de l'histoire des Canucks avec 393 filets et il mène également au chapitre des buts gagnants avec 86. Il prend le deuxième rang pour les matchs joués (1305), les aides (648) et les points (1041).
Les Sedin ont joué 1275 parties ensemble. Seuls Gordie Howe et Alex Delvecchio des Red Wings de Detroit ont disputé plus de matchs ensemble (1353).
Les Sedin ont récolté un point sur le même but à 745 occasions. Seuls Wayne Gretzky et Jari Kurri des Oilers d'Edmonton l'ont fait plus souvent qu'eux (764 fois).
Mais des frères? Des jumeaux identiques?
Les Sedin sont les seuls frères à avoir amassé plus de 1000 points chacun. Maurice et Henri Richard sont les seuls autres à avoir franchi le plateau des 900 points chacun. Les deux ont passé toute leur carrière avec les Canadiens de Montréal, mais ils se sont côtoyés pendant seulement cinq saisons. Maurice a récolté 966 points de 1942 à 1960, alors qu'Henri en a obtenu 1046 de 1955 à 1975.
Voilà donc à quel point les Sedin sont uniques. Il n'y en a pas un, ou plutôt deux, comme eux. La LNH pourrait ne jamais revoir un tel phénomène.
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Habituellement, lors de l'entraînement matinal, les Canucks révisent la vidéo de leur match précédent. Cette fois-ci, ils ont plutôt regardé une vidéo des faits saillants de la carrière des Sedin.
L'entraîneur Travis Green ne voulait pas seulement souligner leurs succès. Il voulait aussi montrer les difficultés qu'ils ont surmontées au début de leur carrière. Ils ont persévéré malgré les obstacles sur la glace et en dehors de la patinoire et Green voulait montrer leur exemple aux jeunes joueurs.
« Ce sont de futurs membres du Temple de la renommée qui sont traités avec beaucoup de respect et c'est justifié, mais ils ont dû mériter ce respect et ils ont beaucoup appris tout au long de leur carrière, a indiqué Green. Nos jeunes n'avaient que quatre, cinq ou six ans quand [les Sedin] recevaient toutes sortes de coups. Ils ont appris les mêmes choses qu'eux, mais c'était beaucoup plus difficile pour eux sur la glace et à l'extérieur de la patinoire. »
Les Sedin ont fait leur routine d'avant-match pour une dernière fois à Vancouver. Ils ont décidé de ne pas participer à la séance d'entraînement matinale. Henrik est allé chercher Daniel en voiture et ils ont été parmi les premiers joueurs à arriver au Rogers Arena. Ils ont regardé les matchs sur la côte Est, ils ont pris une collation et ils ont participé à quelques réunions.
https://twitter.com/Canucks/status/982087977890234370
Ron Shute, 71 ans, est un préposé au vestiaire des Canucks depuis 1960-61, alors qu'ils évoluaient dans les ligues mineures. Il a côtoyé tous les joueurs qui ont enfilé l'uniforme des Canucks depuis leur arrivée dans la LNH en 1970-71. Il les a vus au naturel en coulisses.
Les Sedin?
« Les meilleurs, a-t-il lancé. On ne peut pas trouver mieux. »
Vous voulez qu'ils signent quelque chose ou qu'ils rencontrent quelqu'un? Ils répondent toujours « oui » avec le sourire. Ils lancent toujours leurs serviettes dans le panier. Ils ont toujours le plus petit sac de lessive de l'équipe, alors que certains joueurs font faire une lessive équivalant à un voyage de deux semaines aux préposés.
« Ils sont encore meilleurs comme personnes que comme joueurs de hockey, a ajouté Shute. Tout ce que les gens disent à leur sujet est vrai. Parfois, quand les gens prennent leur retraite, on ne dit que du bien d'eux. C'est presque comme des funérailles. Eux, ils n'ont jamais rien fait de mal. »
Il rit.
« Dans leur cas, c'est vrai, a-t-il poursuivi. C'est absolument vrai. »
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Les partisans ont afflué avec le Rogers Arena sous la pluie avec des chandails de l'un des deux jumeaux par milliers. Des centaines ont visité un mur commémoratif sur la Toshiba Plaza pour le signer et les remercier longuement du fond du cœur.
« Où sont passées ces 20 dernières années? »
« Merci Hank et Danny d'avoir fait de Vancouver votre maison et de nous avoir acceptés dans votre famille. Vous allez nous manquer. »
« Merci d'avoir donné autant de classe à Vancouver. »

Les partisans ont inondé la partie inférieure des gradins dans le territoire des Canucks pendant l'échauffement. Plusieurs brandissaient des affiches remerciant les Sedin. L'une d'elles répondait aux remerciements qu'avaient adressés les deux frères aux amateurs.
« BIENVENUE. ÇA NOUS A FAIT PLAISIR », inscrit en majuscules.
Les partisans ont regardé une vidéo leur rendant hommage narrée par Brian Burke, le directeur général qui a repêché les Sedin, et commentée par leur ancien entraîneur Alain Vigneault, leur ancien coéquipier Roberto Luongo et plusieurs autres.
Puis, les lumières se sont éteintes. Le tableau d'affichage a diffusé un montage des Sedin avec de la musique. Lorsque les joueurs des Canucks ont sauté sur la glace, deux projecteurs ont été braqués sur chaque frère. Daniel et Henrik ont été les derniers joueurs de la formation de départ à être présentés et la foule a rugi comme elle ne l'avait pas fait depuis longtemps.
Pendant toute la rencontre, les spectateurs les ont encouragés. Pendant les hommages vidéo, dès qu'ils touchaient la rondelle et surtout quand Daniel a marqué en deuxième période sur une passe de Henrik. Il s'agissait du 22e but de la saison de Daniel, tout comme son numéro. Il l'a inscrit à 33 secondes du deuxième vingt, tout comme le numéro de Henrik. La foule était en délire.
« Temple de la renommée! »
« Go, Sedin, go! »
« On savait que ce serait émouvant, a admis Henrik. On a essayé de rester le plus concentré possible. C'était difficile. C'était comme si la foule se levait chaque fois qu'on sautait sur la glace. »
Est-ce que les Canucks voulaient gagner pour les Sedin? Ils tiraient de l'arrière 3-1 au début du troisième engagement, mais ils ont surclassé les Coyotes 2-0 au cours de cette période et ils les ont dominés 15-0 au chapitre des lancers pour forcer la tenue de la prolongation.
Est-ce que les Sedin voulaient terminer sur une belle note? Henrik a joué pendant 21:36. Daniel a joué pendant 21:12 et il a obtenu 10 tirs au but. Ce sont toutes des marques personnelles pour eux cette saison.
Quand l'attaquant des Coyotes Richard Panik a été chassé pour avoir accroché à 1:16 de la prolongation, Green a demandé un temps d'arrêt.
« On avait l'impression que quelque chose de bien était sur le point d'arriver, même si on était épuisés, a raconté Henrik. On a demandé à Green de prendre un temps d'arrêt et il l'a fait pour nous. Je tenais à peine debout en prolongation. On l'a senti pendant toute la journée et l'émotion nous a envahis. On a eu un regain d'énergie pendant 15 secondes et ensuite, on était vidés. »
Ce n'est pas grave. Ils vont avoir le reste de leur vie pour se reposer et pour se remémorer cette soirée. Ils n'ont aucun regret et avec raison. Ils ne regrettent absolument pas d'avoir fait connaître leurs intentions et d'avoir créé un tel brouhaha. C'est ce qui a permis cette fin digne des contes de fées.
« On est plutôt discrets, a conclu Daniel. On n'aime pas attirer l'attention. Par contre, quand on nous a demandé de rendre notre décision publique, avec le recul, je pense qu'on a fait ce qu'il fallait. J'espère que les partisans sont heureux. On est heureux de finir de cette façon. »