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La production à l'attaque semble faire foi de tout quand vient le temps de tenir le scrutin en vue du trophée Norris. Au cours des six dernières saisons, le lauréat du Norris a toujours été le premier ou le deuxième marqueur parmi les défenseurs de la ligue.

Mais l'excellence en zone adverse suffira-t-elle, cette saison, pour se voir décerner un honneur qui est remis annuellement « au défenseur qui affiche au courant de la saison les plus grandes aptitudes sur tous les plans à cette position » ?
Le scrutin en vue du trophée Norris est tenu auprès des membres de l'Association des chroniqueurs du hockey professionnel, et la majorité d'entre eux n'ont pas l'occasion de voir chaque minute de chaque match. L'analyse moderne des données statistiques peut permettre de confirmer les impressions qui se dégagent de ces observations qui sont limitées dans le temps, et de combler le vide des matchs qu'on a ratés. Une telle approche pourrait s'avérer cruciale cette saison, alors qu'il faudra faire la part des choses au sein d'un groupe de défenseurs qui comprend plusieurs candidats méritants.
Au premier coup d'oeil, il semble qu'Erik Karlsson, des Sénateurs d'Ottawa, est le meilleur défenseur offensif de la ligue par un écart assez important. Mais dans les faits, il y a plusieurs autres arrières qui récoltent des points à peu près au même rythme, si on tient compte du nombre d'opportunités qu'on leur donne.
En chiffres absolus, Karlsson est le meneur chez les défenseurs avec une récolte de 76 points en 76 matchs. Il est suivi de Brent Burns des Sharks de San Jose, qui a 71 points en 77 rencontres, et de Kristopher Letang des Penguins de Pittsburgh, qui totalise 59 points en 66 affrontements.
Mais s'ils avaient droit à un temps de glace identique à celui de Karlsson à armes égales et en avantage numérique, Burns deviendrait alors le meneur au classement des pointeurs avec 80 points, tandis que Letang se retrouverait à égalité avec Karlsson avec une récolte de 76 points.
Même au-delà de ce trio, le classement des pointeurs serait serré. S'ils passaient autant de temps sur la patinoire que Karlsson, John Klingberg des Stars de Dallas afficherait en principe un total de 75 points, tandis que Shayne Gostisbehere des Flyers de Philadelphie en aurait 74 et Roman Josi, des Predators de Nashville, en aurait 72. Personne, donc, ne ferait cavalier seul.
Une autre nuance à apporter au niveau statistique, c'est que pas tout ce qu'un défenseur fait bien à l'attaque va nécessairement apparaître sur la feuille de pointage, surtout lorsque le joueur en question s'aligne avec une équipe moins compétitive.
Prenons par exemple le cas de P.K. Subban, des Canadiens de Montréal, qui a remporté le trophée Norris en 2012-13. À armes égales cette saison, les Canadiens ont marqué en moyenne 3,06 buts par tranche de 60 minutes quand Subban est sur la patinoire, soit exactement le double du taux de 1,53 que l'équipe affiche quand il est au banc des joueurs. C'est là l'écart le plus important qu'on retrouve chez les défenseurs de la LNH cette saison. Il est donc évident que Subban, qui est présentement à l'écart du jeu en raison d'une blessure au cou, a trouvé différents moyens d'animer l'attaque des Canadiens même si son nom ne se retrouve pas toujours sur la feuille de pointage.
Mais même si on met beaucoup d'accent sur la production à l'attaque, le trophée Norris est attribué à celui qui montre les plus belles aptitudes sur tous les plans. Donc, il faut aussi tenir compte du jeu défensif.
Il est un peu plus difficile de déterminer à l'aide des chiffres quels sont les défenseurs qui font bien leur travail dans leur propre zone, parce qu'il n'existe pas de statistique équivalente qui permet de déterminer le nombre de buts qu'un joueur à empêchés, directement ou indirectement.
Au fil des ans, les membres de l'Association des chroniqueurs de hockey ont favorisé les défenseurs qui sont utilisés dans les situations-clés en défensive, notamment en désavantage numérique, face aux meilleurs marqueurs de l'adversaire, lors des mises en jeu en territoire défensif et en fin de match quand leur équipe détient l'avance au score. À ces renseignements viennent s'ajouter la façon dont chaque défenseur réussit à contrer les tentatives de tir de ses adversaires, les occasions de marquer et les buts dans de telles situations.
On a développé, au cours des dernières années, des façons de mesurer statistiquement ces aspects du jeu. Zdeno Chara des Bruins de Boston, qui a remporté le trophée Norris à l'issue de la saison 2008-09 même s'il s'était classé au 12e rang des pointeurs parmi les défenseurs de la ligue, est un bon exemple de candidat dont les prouesses en défensive ont été considérées au moment du scrutin.
La situation idéale pour ceux et celles qui votent, c'est quand un joueur trouve le moyen de se retrouver parmi les 10 premiers dans différentes catégories de statistiques avancées à l'offensive, ainsi que parmi les 10 premiers au chapitre des statistiques avancées en défensive.
Duncan Keith des Blackhawks de Chicago (2013-14) et Nicklas Lidstrom des Red Wings de Detroit (2010-11) sont deux défenseurs de ce type qui ont remporté le Norris.
Cette saison, il n'y pas de défenseur de ce genre.
Parmi les six arrières mentionnés plus haut qui ont 70 points ou plus après avoir apporté les ajustements en fonction du temps de glace de Karlsson, Josi est le seul qui est le principal pilier de son équipe en défense. Que ce soit pour écouler une pénalité, affronter des adversaires de premier plan ou protéger une avance en fin de match, Josi et son partenaire à la ligne bleue Shea Weber constituent l'option de choix des Predators.
Le plus grand défaut de la candidature de Josi, c'est que les Predators ne sont pas particulièrement efficaces quand on l'envoie sur la patinoire pour jouer ce rôle-là. Plus précisément, les joueurs adverses décochent en moyenne 57,9 tentatives de tir par tranche de 60 minutes quand Josi est sur la glace à armes égales, et 47,6 quand il est au banc.
Bien qu'il faille s'attendre à une certaine augmentation de ce chiffre en raison du coefficient de difficulté de la tâche qu'on confie à Josi, cet écart de 10,3 tentatives de tir concédées par 60 minutes représente le deuxième plus grand écart négatif chez les défenseurs de la LNH, derrière celui de Dan Girardi des Rangers de New York (13,3).
Par contre, c'est là un autre aspect du jeu où Karlsson brille. Ottawa a concédé 55,5 tentatives de tir par tranche de 60 minutes quand Karlsson s'est retrouvé sur la patinoire, et 61,8 quand ce n'est pas le cas; il s'agit d'un des écarts les plus favorables dans la Ligue. Ajoutez à cela sa contribution à l'attaque, et la part d'Ottawa au chapitre des tentatives de tir passe de 44,3 à 51,3 pour cent quand Karlsson est sur la glace. Cet écart de 7,0 pour cent lui donne le cinquième rang parmi les arrières de la LNH.
À cet égard, le plus grand rival de Karlsson pour le trophée Norris pourrait être un joueur qui évolue au sein du premier duo de défenseurs d'une autre équipe. Victor Hedman du Lightning de Tampa Bay, Drew Doughty des Kings de Los Angeles et Oliver Ekman-Larsson des Coyotes de l'Arizona affichent tous des pourcentages de tentatives de tir aussi solides que Karlsson, et chacun d'entre eux pourrait possiblement terminer au moins au 12e rang du classement des marqueurs chez les défenseurs.