Yannick Veilleux badge Marcotte

LAVAL - Yannick Veilleux n'a pas l'habitude de faire beaucoup de bruit dans un vestiaire, ni dans la vie de tous les jours. En fait, il a l'allure d'un étudiant studieux à l'université. Toujours bien vêtu, des lunettes noires, air gêné; bref le robuste attaquant du Rocket de Laval n'est pas du genre à se vanter d'avoir dû composer avec un sérieux handicap à un œil depuis sa naissance.
C'est à l'âge de deux ans seulement que les parents du jeune Yannick se rendent compte du problème de vision de leur enfant. Le petit apprend à marcher et se cogne le museau un peu partout et il a la fâcheuse habitude de débouler les marches de l'escalier. Même essayer de boire son verre de lait est une tâche difficile. Une visite à l'hôpital Ste-Justine de Montréal a permis de découvrir le pot aux roses.

« Je ne voyais qu'à 10 pour cent de ma vue à l'œil droit. Les médecins ont pu découvrir ce qui ne marchait pas. C'est un phénomène rare, un mélange de myopie, d'hypermétropie et d'astigmatisme. Heureusement, ma vue a progressé dans l'œil jusqu'à l'âge de 6 ans. Je vois présentement à 50 pour cent de mes capacités. Pour l'instant, c'est stable, mais il faut toujours y porter une attention pour ne pas que ça empire », a révélé Yannick Veilleux.
Toute son enfance, le natif de St-Hippolyte dans les Laurentides a fait la navette entre sa ville natale et Ste-Justine. Un cas tellement unique que les médecins l'ont utilisé à des fins d'études.
« Ma mère était travailleuse autonome alors elle pouvait me voyager jusqu'à Montréal. C'était 3 à 4 fois par mois au début; disons qu'on y allait souvent! J'ai eu une multitude de tests et les médecins nous ont confirmé que ce n'était pas opérable. Des étudiants en médecine à l'Université McGill venaient même étudier mon cas », a poursuivi le choix de 4e tour des Blues de St. Louis en 2011.
Pour Veilleux, il s'agit d'un parcours dans le hockey assez exceptionnel compte tenu des circonstances. Le sport se pratique à une vitesse folle où chaque fraction de seconde peut s'avérer déterminante.
Le gros attaquant connaît ses limites, il sait que sa vision périphérique n'est pas à point et qu'il n'est pas en mesure de toujours voir clairement l'autre côté de la patinoire. Très humble, le principal intéressé n'en fait pas de cas, jamais il ne s'est plaint de son sort et il n'a surtout pas laissé cette situation mettre un frein à ses aspirations de faire carrière au hockey.
« Je n'ai jamais vu mon cas comme étant un réel handicap, car j'ai toujours vécu comme ça. C'est peut-être spécial de dire ça, mais on dit souvent que les gens aveugles développent des sens. J'ai probablement développé certaines choses pour me permettre de jouer au hockey. Chose certaine, je ne me considère pas moins habile qu'un autre à cause de ça. »
Veilleux n'a donc pas eu le choix d'adopter les verres de contact tôt dans sa vie pour lui permettre de pratiquer son sport favori. Et quand il doit laisser tomber les gants quand le besoin s'en fait sentir, il réussit tout de même à se protéger du mieux qu'il le peut.
« Je n'ai jamais eu de problème, mis à part la première fois que j'ai porté des lunettes en dessous de mon casque! On s'est rendu compte rapidement que ce n'était pas une bonne idée, ça embuait constamment. Je porte aujourd'hui une longue visière question de protéger mon œil le plus possible. Dans une bagarre, comme je suis droitier, je dois réussir à éviter de recevoir un coup du même côté », a expliqué le sympathique attaquant.
Une conscience sociale
Évidemment, de telles expériences vécues à un bas âge remettent en contexte certaines priorités de la vie. Yannick Veilleux essaie donc de redonner à la communauté par des actions concrètes quand le temps lui permet.
« J'essaie le plus souvent de redonner aux jeunes, pas nécessairement au même niveau que ce j'ai vécu, mais par exemple avec des écoles de hockey. C'est tout le temps quelque chose que j'aime faire et que je considère pour mon après-carrière.
« J'aimerais demeurer dans le monde du sport comme enseignant. J'ai une personnalité plus discrète; ce n'est pas moi qui me lève souvent dans un vestiaire. Par contre, au contact des enfants, j'ai assez de facilité », a-t-il laissé entendre.
À l'approche de Noël, ce genre d'histoire peut s'avérer inspirante pour certains jeunes garçons et filles qui souhaitent pratiquer un sport à un haut niveau tout en devant composer avec un léger handicap. Pour le numéro 28 du Rocket, mieux vaut voir le bon côté de la chose.
« Ma famille m'a souvent taquiné là-dessus en me disant que j'avais forcément plus de visu puisque c'est comme si j'avais toujours un œil fermé! Sincèrement, je ne me vois pas différent d'un autre joueur et je n'ai jamais eu aucun complexe. Je suis comme je suis, et ça ne changera pas demain de toute façon », a philosophé le porte-couleurs du Rocket en guise de conclusion.