Talbot-Maple Leafs

MONTRÉAL - Jean-Guy Talbot a joué huit matchs avec les Canadiens de Montréal pendant les séries éliminatoires de la Coupe Stanley en 1959-60, amassant, un but, une passe, 13 lancers et huit minutes de punition.
Si les statistiques du défenseur n'ont pas eu un impact énorme, le souvenir du titre historique des Canadiens gagné il y a 60 ans brûle quant à lui toujours comme un feu de joie dans le cœur de Talbot.

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Le triomphe de la Coupe Stanley était le produit d'une série balayée en quatre parties contre Black Hawks de Chicago en demi-finale et d'un autre coup de balai face aux Maple Leafs de Toronto en Finale. Il s'agissait d'un cinquième titre consécutif pour les Canadiens, un record qui n'a jamais été égalé.
C'était arrivé une fois seulement - les Red Wings de Detroit de 1952 - qu'une équipe eût été invaincue en deux rondes pour remporter la Coupe.

« Nos cinq consécutives représentent un record qui ne sera jamais battu, et c'est un sentiment agréable », a affirmé Talbot depuis sa maison à Trois-Rivières.
Talbot, Henri Richard et Bob Turner ont soulevé la Coupe Stanley avec Montréal à chacune de leurs cinq premières saisons dans la LNH. Au total, 12 joueurs étaient membres de l'équipe de 1955 à 1960, tout comme Toe Blake, qui a remporté la Coupe lui aussi à chacune de ses cinq premières saisons comme entraîneur, et le directeur général Frank Selke.
Deux de ces 14 sont encore en vie : Talbot, 87 ans, et Don Marshall, 88 ans.
Huit joueurs de l'édition 1960 ont été intronisés au Temple de la renommée : les attaquants Jean Béliveau, Bernard Geoffrion, Dickie Moore, Maurice et Henri Richard, les défenseurs Doug Harvey et Tom Johnson, et le gardien Jacques Plante. On y retrouve également l'ancien joueur Ken Reardon, qui était le vice-président de l'équipe cette saison-là, Blake, Selke et le président Hartland Molson, les deux derniers en tant que bâtisseurs.

Harvey a mis la main sur le trophée Norris, remis au meilleur défenseur, en 1959-60 pour la cinquième fois en six saisons pendant que Plante remportait pour une cinquième fois de suite le Vézina, décerné au gardien de l'équipe qui a accordé le moins de buts (178, deux de moins que Glenn Hall de Chicago).
Ce championnat s'est avéré le couronnement d'une dynastie remarquable, mais a aussi marqué la fin de la carrière de Maurice Richard, qui avait remporté huit titres et qui détenait alors le record de la LNH avec 544 buts en 18 saisons, malgré de nombreuses blessures.
Talbot se remémore avec émotion d'un groupe de frères, d'une formation qui s'est tenue sur la glace comme en dehors.
« Nous étions une famille, a-t-il dit. Après chaque match, nous allions manger ensemble, avec nos femmes, prendre quelques verres, puis nous retournions à la maison et étions de retour sur la patinoire la journée suivante. C'était plutôt bien.
« Nous voyagions en train pour les matchs sur la route. Nous parlions beaucoup parce que nous avions beaucoup de temps. "Ce soir j'ai mal joué, je vais faire mieux la prochaine fois", et un autre gars disait "Tu devrais me donner la rondelle plus souvent". Nous parlions constamment des parties.

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« Ma couchette dans le train était devant celle de Jean (Béliveau). Pour quelques voyages, il n'y avait pas de voiturette pour les repas, alors nous apportions notre propre nourriture. Jean et moi mangions nos sandwichs, jasions un peu et nous couchions. Puis, nous nous réveillions dans la prochaine ville. »
Peu importe à quel point les Canadiens étaient dominants, Talbot se souvient que les joueurs étaient envahis d'une peur constante d'échec, à leurs propres yeux et à ceux de leurs partisans pour qui un défilé de la Coupe Stanley était un rituel au printemps.
« Nous avons travaillé pour ces championnats, ne vous inquiétez pas, a soutenu Talbot. Avant chaque match, nous avions peur de perdre. Nous avons travaillé si fort et plus vous travaillez fort, plus vous gagnez. Nous avions une superbe équipe, tous les joueurs étaient comme des frères, d'accord? Tout le monde s'entendait, nous ne nous sommes jamais chicanés.
« Nous ne faisions pas tellement d'argent, mais c'était quand même plus que pour beaucoup de gens. J'étais heureux de jouer dans la LNH et de gagner en plus. Plusieurs bons joueurs n'ont jamais eu la chance de gagner la Coupe Stanley - Gilbert Perreault, Marcel Dionne, Rod Gilbert, Jean Ratelle, Bill Gadsby… tous de bons joueurs. Vous devez être à la bonne place au bon moment. »

Entraîneur de première année en 1955-56, Blake est arrivé avec une mentalité de joueur, un attaquant acharné qui avait remporté un championnat avec les Maroons de Montréal en 1935 et deux autres avec les Canadiens en 1944 et 1946. Blake, qui a mené les Canadiens à huit Coupes Stanley en 13 saisons de 1955 à 1968 en tant qu'entraîneur, avait évolué à gauche sur un trio complété par Elmer Lach au centre et Maurice Richard à droite, la « Punch line », une des plus terrifiantes des années 1940.
« Toe a été le meilleur entraîneur pour qui j'ai joué, a indiqué Talbot. Nous pratiquions sur les façons dont nous avions joué dans un match. Il nous faisait faire des exercices à trois contre deux, alors je pratiquais mon jeu en défense contre les meilleurs attaquants de la Ligue. C'était plus facile par la suite quand j'affrontais les adversaires. Quand vous faites face à Henri, le Rocket et Dickie Moore à l'entraînement, disons qu'ils sont meilleurs que les joueurs des autres équipes. Nous travaillions très fort durant les entraînements. Pas longtemps, mais fort. »
Marshall, un fluide patineur qui avait du flair offensif dans les rangs juniors, a été placé au centre de Maurice Richard et de Bert Olmstead pour la saison 1954-55, mais il a perdu sa place lorsqu'il s'est fracturé une cheville durant le camp d'entraînement. Blake l'a finalement employé pour tuer des pénalités, pour créer de l'échec-avant et pour des missions spécifiques, des rôles que Marshall a remplis avec distinction.

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Talbot n'a pas été protégé pour le Repêchage d'expansion 1967 de la LNH après avoir disputé 801 avec les Canadiens, lui qui avait remporté deux autres championnats en 1965 et 1966. Il a été réclamé par les North Stars du Minnesota, avec qui il a joué quatre matchs avant d'être échangé à Detroit. Les Red Wings l'ont placé au ballotage en 1968, et Talbot a été réclamé par les Blues de St. Louis, où il a disputé 172 parties jusqu'en 1970, atteignant la Finale de la Coupe à trois reprises.
Si on se souvient de Noël Picard comme le défenseur des Blues qui a balancé Bobby Orr des Bruins de Boston dans les airs après le but gagnant historique de la Coupe en 1970, Talbot est peut-être celui qui a le mieux vu la scène, alors qu'il se trouvait derrière le gardien Glenn Hall.
« Nous n'avons jamais gagné la Coupe à St. Louis, a mentionné Talbot. Mais je disais aux gars, "Nous ne sommes pas censés la gagner. C'est eux qui ont la pression, pas nous". Mais nous avons eu beaucoup de plaisir et nous ne nous sommes pas rendus en Finale pour rien. »
La carrière de Talbot a pris fin avec les Sabres de Buffalo en 1970-71. Il aura joué 1066 matchs pendant 17 saisons. Il a inscrit 285 points (43 buts, 242 passes), mais il était le joueur le plus utile à son équipe pour son jeu physique et son talent à faire circuler la rondelle.

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Des passages comme entraîneur ont ensuite mené Talbot à St. Louis de 1972 à 1974, puis à New York avec les Rangers en 1977-78 avant qu'il prenne sa retraite pour de bon et qu'il retourne à Trois-Rivières, de l'autre côté de la rivière Saint-Maurice et de son lieu de naissance du Cap-de-la-Madeleine. Il vit dans une propriété achetée à l'époque où il jouait encore au hockey, un endroit où sa femme Pierrette et lui pourraient élever leurs trois enfants loin de Montréal.
Le couple est resté plutôt isolé depuis le début de la pandémie du coronavirus. Talbot est en bonne santé malgré deux épisodes malheureux dans les dernières années qui lui ont fait voir la mort de proche. « À mon âge, je suis chanceux d'être encore en vie, mais je suis toujours là. Le travail acharné vous rend plus fort. »
Aujourd'hui, Talbot aura certainement une pensée pour les Canadiens de 1959-60 et les quatre championnats remportés auparavant.
« J'ai toujours voulu jouer dans la LNH, a conclu l'ancien défenseur. Je l'ai fait. Et j'ai gagné cinq Coupes Stanley à mes cinq premières années. Je dois vous dire, c'était vraiment excitant. »
Photos: HHoF Images