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OTTAWA - À une certaine époque, le membre du Temple de la renommée du hockey Denis Potvin se demandait comment le défenseur des Sénateurs d'Ottawa Erik Karlsson réussirait à résister à l'exigeant calendrier de la Ligue nationale de hockey.
Potvin, qui était affecté à la diffusion des matchs des Sénateurs à ce moment-là, était allé voir un membre du personnel des soigneurs de l'équipe et lui avait demandé si le maigrelet défenseur, à son premier camp d'entraînement, avait bien fait lors des tests de force musculaire.

« J'étais curieux de savoir s'il était fort, a expliqué Potvin. Je me demandais s'il serait capable de se protéger parce qu'il avait l'air petit; et aussi, parce que son style de jeu faisait en sorte qu'il était susceptible de se faire frapper. »
Potvin a appris que Karlsson avait franchi une impressionnante distance de 9 pieds au saut en longueur, un des tests qui permettent de déterminer la force et l'agilité d'un joueur.
C'était là une des premières fois que Karlsson avait réussi à impressionner Potvin. Et ça n'a pas été la dernière.
Karlsson, qui est maintenant âgé de 25 ans, s'apprête à rejoindre Potvin au sein du club très restreint de défenseurs de la LNH qui ont terminé au premier rang des pointeurs de leur équipe trois saisons de suite. Potvin, qui travaille maintenant à la diffusion des matchs des Panthers de la Floride, a réussi le coup durant quatre années d'affilée avec les Islanders de New York, de 1973-74 à 1976-77.
« Je dois réussir à le faire l'an prochain aussi? La pression monte! », a lancé Karlsson quand on lui a parlé du record de Potvin.
Alors qu'Ottawa a encore un match à disputer en saison régulière, samedi contre les Bruins de Boston (12 h 30 (HE); RDS, SN1, NESN+), Karlsson a 81 points (16 buts, 65 aides), bon pour une égalité au quatrième rang dans la ligue. L'attaquant Mark Stone est le deuxième pointeur des Sénateurs avec une récolte de 61 points.
Karlsson a marqué le 100e but de sa carrière, mardi, contre les Penguins de Pittsburgh; il lui a fallu 477 matchs pour atteindre ce plateau. Il s'agit de l'ascension la plus rapide vers le cap des 100 buts de la part d'un défenseur qui s'amène dans la ligue qu'on ait vue au cours des 20 dernières années.
Parmi les défenseurs qui ont fait leurs débuts dans la LNH depuis la saison 1995-96, seuls Mike Green des Red Wings Detroit (483 matchs) et Shea Weber des Predators de Nashville (495) ont inscrit leurs 100 premiers buts en moins de 500 rencontres.
Le manque de constance des Sénateurs cette saison et leur incapacité à se qualifier pour les séries éliminatoires de la Coupe Stanley enlèvent du lustre aux exploits individuels, a souligné Karlsson après la victoire de 3-1 d'Ottawa contre la Floride, jeudi.
Karlsson a amassé une aide face aux Panthers, établissant alors une nouvelle marque au chapitre des points récoltés au cours d'une saison par un défenseur suédois. Il a dépassé Niklas Lidstrom, des Red Wings, qui avait totalisé 80 points en 2005-06.
Les 65 mentions d'aide amassées par Karlsson sont un sommet dans la LNH cette saison. Joe Thornton, des Sharks de San Jose, est deuxième avec une récolte de 62.
« C'est difficile de savourer les choses en ce moment, peu importe ce que c'est, a affirmé Karlsson. Je suis satisfait de mon jeu et de certaines choses qui se passent sur la patinoire. Dans l'ensemble, ç'a été une bonne saison en ce qui me concerne, même si ç'a été l'année la plus frustrante que j'ai connue jusqu'ici. Il nous reste un match et nous devrons évaluer les choses ensuite. Pour le moment, c'est difficile d'ignorer le sentiment de mécontentement que nous ressentons parce que l'équipe n'a pas terminé au rang souhaité au classement. »
Son coéquipier Bobby Ryan a déclaré qu'il y a eu des occasions, quand il était au banc, où il s'est surpris à s'émerveiller des exploits de Karlsson comme s'il était un simple partisan.
« C'est un de ces joueurs qui a une vision du jeu supérieure et qui a la capacité de déplacer ses pions, comme dans un jeu d'échecs, mieux que quiconque, a indiqué Ryan. Il anticipe aussi les gestes des joueurs mieux que les autres. Il sait que tel joueur n'est pas capable de pivoter aussi bien de gauche à droite, alors que normalement, ça ne nous traverse même pas l'esprit. Il sait des choses auxquelles les autres ne pensent même pas.
« Les points sont une chose, mais les petits gestes qu'il réussit sur la glace sont encore plus impressionnants. Tu sais qu'il va récolter sa part de points. Bon an, mal an, il va avoir ses 65 points. C'est incroyable. »
Les attributs physiques de Karlsson, comme l'a noté Potvin, sont à la base même du coup de patin extraordinaire qu'affiche le défenseur des Sénateurs.
L'adjoint au directeur général de l'équipe, Pierre Dorion, a repéré Karlsson à l'occasion d'un tournoi pour joueurs de moins de 18 ans en 2008.
« Il mesurait 5 pieds 10 pouces et pesait un peu moins de 160 livres, mais tu pouvais voir qu'il y avait quelque chose de spécial chez lui en terme d'habiletés avec la rondelle, a déclaré Dorion. Son coup de patin était bon, mais il n'était pas aussi développé qu'il est maintenant. Tu voyais ses habiletés avec la rondelle, son sens de l'attaque, et tu te disais tout simplement "wow!".
« Je me rappelle avoir appelé [le directeur général des Sénateurs] Bryan [Murray] et de lui avoir dit, "Je viens de voir un gars qui, je pense, pourrait devenir une vedette dans la LNH". »
Lors du repêchage 2008 de la LNH, Murray a conclu une transaction afin d'améliorer son rang de sélection pour réclamer Karlsson, parce qu'il avait entendu dire que les Ducks d'Anaheim allaient le choisir au 16e rang. Ottawa, qui avait le 18e choix, a transigé avec les Predators afin de mettre la main sur le 15e choix.
« A-t-on pris un risque?, a lancé Dorion. À ce moment-là, c'était le cas, mais c'était évident qu'il allait être choisi au premier tour.
« Je trouvais qu'il allait devenir un très bon joueur. Vous vous souvenez à quel point Danny Boyle était bon? Je croyais qu'il serait un autre Danny Boyle, mais avec un meilleur coup de patin.
« Mais qu'il devienne le joueur spécial et dynamique qu'il est en ce moment? Ce serait mentir que de prétendre que j'en étais déjà sûr. »
Les Sénateurs comptent cinq joueurs qui ont atteint le cap des 50 points cette saison. Le fait que Karlsson ait 81 points signifie qu'au bout du compte, c'est lui qui traîne l'attaque de l'équipe sur ses épaules.
Ryan a fait remarquer que le coup de patin de niveau supérieur affiché par Karlsson lui permet de transporter la rondelle en dehors de la zone des Sénateurs et lui permet de faire une transition fluide vers le rôle d'animateur de l'offensive.
« Quand il sort la rondelle lui-même, il est déjà en mode attaque, a noté Ryan. Ça lui a donné plusieurs de ses points et c'est là quelque chose que d'autres défenseurs n'ont pas l'occasion de faire.
« Les meilleurs défenseurs offensifs font une excellente première passe, mais ils ne se joignent pas à l'attaque de façon aussi soutenue que lui. Il est toujours à trois coups de patin de rattraper un joueur qui se trouve 15 ou 20 pieds devant lui, ce qui lui permet de faire preuve de créativité. »
Potvin, qui a remporté trois fois le trophée Norris remis au défenseur par excellence de la ligue, n'a pas caché qu'il accorderait son vote à ce maigrelet défenseur qu'il avait découvert il y a quelques années. Karlsson, qui a déjà décroché le Norris à deux reprises, continue d'impressionner Potvin au plus haut point.
« Je voterais pour Karlsson, aucun doute, a dit Potvin. Je comprends ce genre de joueur. Quand il est sur la patinoire, les Sénateurs ont la rondelle. On avait autrefois l'habitude de vanter un joueur en disant, "Oh, il pouvait vraiment ralentir le rythme du jeu". Maintenant, quand un joueur peut faire une différence au chapitre du temps de possession de la rondelle, ç'a un impact énorme. »