ANAHEIM -- C'est peut-être à cause de sa longue et improbable épopée jusque dans la LNH. Le gardien des Sharks de San Jose Aaron Dell, non repêché et longtemps négligé, réprime les pensées à propos de la prochaine étape de sa vie professionnelle.
Dell porte plutôt toute son attention sur la poursuite de son excellente saison avec San Jose, qui n'a perdu qu'une fois en temps réglementaire depuis le 28 novembre (12-1-2 durant cette période) lorsqu'il était devant le filet. Il présente une fiche de 14-4-3 avec une moyenne de buts alloués de 2,51 et un pourcentage d'arrêts de ,917 cette saison.
Dell, qui peut devenir joueur autonome sans compensation le 1er juillet, promet d'être l'un des noms les plus intrigants sur le marché des gardiens disponibles. Parmi les autres, on retrouve Jonathan Bernier de l'Avalanche du Colorado, Kari Lehtonen des Stars de Dallas, Cam Ward des Hurricanes de la Caroline et Carter Hutton des Blues de St. Louis.
Si la nature humaine veut que l'on regarde en avant en faisant des plans, Dell, âgé de 28 ans, préfère ne pas traverser le pont avant d'être rendu à la rivière.
Dell préfère vivre l'instant présent avec les Sharks
Le gardien ne songe pas à l'autonomie après avoir connu un long parcours vers la LNH
© Norm Hall/Getty Images
« Si tu penses trop à ton autonomie et que tu connais un mauvais match, ça joue dans ta tête », a expliqué Dell dimanche. « Tu te mets à te dire "Peut-être que je n'obtiendrai pas ceci ou cela." Ça devient une distraction après un moment. »
« J'essaie de repousser ces pensées, d'avoir du plaisir et d'en profiter », a-t-il ajouté.
C'est peut-être parce que Dell a souvent eu à déjouer les pronostics. Même après son passage de 20 matchs avec les Sharks la saison dernière où il a montré un dossier de 11-6-1 avec une moyenne de 2,00 et un taux d'efficacité de ,931, l'entraîneur de San Jose Peter DeBoer avait encore besoin d'être convaincu.
« Vous savez quoi, il a été très bon pour nous l'an dernier, a mentionné DeBoer. La grande question avec ce genre de gars est : est-ce que c'est réel? Est-ce un feu de paille? Peut-il le refaire et peut-il le refaire si nous lui donnons plus de matchs que l'an dernier? »
« Nous avons pris l'engagement cet été de le faire jouer plus souvent, car il en avait fait assez l'an dernier et nous voulions voir comment il se comporterait. Et il a été remarquable. »
Le directeur général des Sharks Doug Wilson, qui a fait signer un contrat de deux ans à Dell le 1er juillet 2016, a vu quelque chose en Dell, au-delà de sa taille ordinaire (6 pieds, 200 livres) et de sa carrière de hockey bien remplie, qui justifiait cet engagement.
« Aaron Dell a fait ses devoirs, est débarqué dans notre organisation et je n'ai pas eu besoin de faire signer un essai professionnel à quelqu'un d'autre, a affirmé Wilson. Pour moi, cette histoire est un bon exemple de ce que nous faisons. »
« Il a de l'assurance. C'est un vétéran. Il est plus vieux que Martin Jones (28 ans). Les gens sont toujours surpris de l'apprendre, car ils ne connaissent pas son parcours. »
Après avoir joué à l'Université du Dakota du Nord pendant trois saisons, Dell a disputé sa première campagne professionnelle au sein de la défunte Ligue de hockey centrale en 2012-13 avec Allen au Texas. Il a persévéré dans les ligues mineures avant de signer un contrat de recrue avec les Sharks le 1er mars 2015.
« C'est une belle histoire, a dit DeBoer. Et une histoire géniale pour les jeunes joueurs de hockey qui se font dire qu'ils ne sont pas assez bons pour être repêchés ou pour jouer dans la LNH. »
« Il a mérité tout ce qui lui arrive. »
La résilience de Dell lui a permis de faire face aux épreuves difficiles - il a joué pour une équipe de la ECHL et trois équipes différentes dans la Ligue américaine de hockey en 2013-14 - et aux doutes des recruteurs à son endroit.
« On ne repêche plus vraiment de gardiens de 6 pieds ou moins dorénavant, a expliqué DeBoer. Il vous dirait qu'il fait 6 pieds, mais il fait à peine six pieds. Il joue plus gros que sa taille. »
Dell n'a jamais oublié les encouragements reçus de la part de Jason LaBarbera, un gardien qui a joué 187 matchs dans la LNH avec les Kings de Los Angeles, les Canucks de Vancouver, les Coyotes de Phoenix, les Oilers d'Edmonton et les Ducks d'Anaheim.
Il y a quelques saisons, Dell s'entraînait avec LaBarbera, qui est entraîneur adjoint avec l'équipe de Calgary dans la Ligue de hockey de l'Ouest.
« Je lui ai demandé quel était le plus grand conseil à donner à un gars dans les mineures, a raconté Dell. Il m'a dit "Le meilleur conseil que j'ai pour toi est de continuer malgré tout. Fais confiance à ton travail et saisis les occasions quand elles se présentent." »
Dell a également profité du soutien financier et émotif de sa famille. Il n'était pas le seul gardien dans la famille. Son jeune frère Devon était également gardien, élever deux jeunes joueurs de hockey a demandé un engagement financier majeur et des sacrifices de la part de ses parents, Phil et Laurie.
« Ils m'ont aidé de toutes les façons possibles, a relaté Aaron. Ils m'ont donné toutes les occasions et réhypothéqué la maison deux fois lorsque j'ai grandi. »
Laurie travaillait dans un entrepôt et Phil demeurait à la maison avec les enfants lors des premières années. Il était particulièrement créatif et débrouillard pour joindre les deux bouts.
« Nous n'avions pas de gardienne, a expliqué Phil. J'ai été en mesure de faire de l'argent à partir de la maison en collectant des morceaux de ferraille dans les ruelles. J'amassais des radiateurs, des barbecues, des batteries pendant que les enfants étaient en classe. À temps partiel, je pouvais faire environ 20 000$ par année en ramassant ces choses dans les ruelles. »
« Je faisais cela et j'aidais un gars à carreler des murs. Nous avons connu des difficultés dans les 10 premières années environ. »
Dimanche au Honda Center, Phil Dell et les autres pères des joueurs des Sharks ont vu leurs enfants vaincre les Ducks d'Anaheim 3-2 en tirs de barrage, un deuxième gain en autant de soirs.
Au terme du match, les pères étaient comme des enfants en sortie scolaire dans le vestiaire des visiteurs, alors qu'ils regardaient les fils s'acquitter de leurs responsabilités d'après-match avec les médias. Plus d'un père a proposé d'allonger le voyage père-fils en raison des succès de l'équipe lors de cette fin de semaine.
Wilson est entré dans le vestiaire et a dit aux pères : « Vous avez fait le travail. »
Normalement, Phil Dell a l'occasion de voir son fils en action sous ses yeux seulement lorsque l'équipe est en Alberta, contre les Flames de Calgary et les Oilers d'Edmonton. Les Dell vivent à Airdrie, à environ 40 minutes de Calgary.
La fin de semaine était donc spéciale pour Aaron et souvent stressante pour son père.
« Je me nourris de son excitation, a avoué Aaron. Il est plus énervé que moi. Je n'ai pas entendu dire qu'il faisait les cent pas ou quelque chose du genre, mais je suis certain qu'il le faisait. »
« C'est génial. Ils n'ont pas souvent la chance de venir voir ce que l'on fait. C'est la totale pendant qu'ils sont ici. »
La fin de semaine père-fils a également été un rappel touchant de tout ce que ça a pris pour que Aaron Dell parvienne à s'établir dans la LNH.
« Chaque match est une audition, a dit son père. Présentement, je commence à en profiter. »