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Dave Andreychuk n'hésite pas quand on lui demande ce qui le rend le plus fier quand il pense à sa longue carrière dans la LNH, qui l'a mené jusqu'au Temple de la renommée du hockey.
« Le nombre de matchs que j'ai disputés », a-t-il dit.

En 23 saisons dans la ligue, Andreychuk a pris part à 1639 matchs de saison régulière, le septième total le plus élevé dans l'histoire de la LNH. Il a marqué 640 buts, ce qui lui donne le 14e rang à ce chapitre.
« Je sais que parfois [un nombre aussi élevé de matchs disputés] peut être considéré comme une tache noire, ou du moins il y en a qui le disent, a souligné Andreychuk. Je ne crois pas que si vous le demandez aux joueurs, ceux-ci vont penser que disputer 1600 matchs, c'est une tache noire. »
C'est possible qu'Andreychuk ait dû attendre à sa neuvième année d'admissibilité au Temple de la renommée pour être élu parce qu'il était considéré comme quelqu'un qui ne faisait qu'accumuler les matchs, surtout qu'il n'a jamais remporté un trophée individuel et n'a pas décroché la Coupe Stanley avant 2004, en fin de carrière. Il était alors le capitaine du Lightning de Tampa Bay, mais il était devenu un joueur de soutien.
Mais tout ça, c'est de la bouillie pour les chats, selon ses coéquipiers.
« Ça me mettait toujours en colère quand les gens disaient qu'il ne faisait qu'accumuler les matchs », a déclaré l'entraîneur adjoint des Coyotes de l'Arizona John MacLean, qui a joué avec Andreychuk dans la Ligue de hockey de l'Ontario et avec les Devils du New Jersey. « Mais n'aimerions-nous pas tous accumuler 600 buts et jouer aussi longtemps?
« Il adorait se retrouver sur la glace. Pas besoin de se casser la tête pour savoir s'il faut écrire son nom dans l'alignement ou non. »
Le nom d'Andreychuk sera désormais gravé dans le marbre au Temple de la renommée. Il y sera intronisé lundi en tant que membre d'un club sélect de seulement quatre joueurs qui ont disputé au moins 1600 matchs et marqué au moins 600 buts dans la LNH. Les autres sont Gordie Howe, Jaromir Jagr et Mark Messier.
« J'ai de la difficulté à le réaliser, c'est vraiment le cas, a dit Andreychuk. En fait, au fil de ma carrière, quand je dépassais tel ou tel joueur, que j'atteignais certains chiffres, ça aussi c'était difficile de réaliser ce que ça voulait dire. Ces moments-là étaient très précieux. J'imagine qu'il y a un petit instant où tu penses, de façon tout à fait égoïste, "Wow, j'ai maintenant marqué plus de buts que Michael Bossy". Tu te dis, "Ma foi, c'est quelque chose!". Et maintenant que je vais rejoindre au Temple de la renommée tous ces joueurs que j'ai regardés et admirés, ça me touche profondément. »
MacLean a vu tout de suite qu'Andreychuk avait quelque chose de spécial lorsqu'ils ont joué ensemble à Oshawa dans la Ligue de l'Ontario en 1981-82.
« Il était tout simplement un de ces joueurs qui trouvaient le moyen de mettre la rondelle dans le filet », a affirmé MacLean.

Andreychuk a inscrit 58 buts et 101 points en 67 matchs alors qu'il avait MacLean comme ailier à Oshawa. Il a été rappelé par les Sabres de Buffalo durant la première portion de la saison suivante, après qu'il eut récolté 32 points (huit buts, 24 aides) en 14 matchs avec Oshawa.
« C'était déjà clair à l'époque qu'il allait rester dans la LNH et y marquer des buts, a dit MacLean. Tu savais qu'il allait trouver le fond du filet. »
« Tu ne sais pas combien de temps ça va durer », a de son côté noté Andreychuk, qui avait 19 ans à son arrivée dans la LNH.
Ça fait un peu drôle de l'entendre parler de la sorte aujourd'hui.
Il a totalisé 37 points (14 buts, 23 aides) en 43 matchs en tant que recrue. Il a ensuite amassé 80 points (38 buts, 42 aides) en 78 rencontres en 1983-84 et 61 points (31 buts, 30 aides) en 64 affrontements l'hiver d'après.
« Je savais après trois ans que j'étais capable de jouer dans cette ligue, a indiqué Andreychuk. La deuxième année, je jouais encore avec Gilbert [Perreault]. Je jouais avec de très bons joueurs et j'obtenais des points, mais est-ce que j'allais être capable de continuer à le faire sans leur aide? La troisième année, j'ai commencé à réaliser que je pouvais être un bon joueur dans cette ligue. »
Andreychuk a atteint le cap des 40 buts pour la première fois en 1989-90 et il s'est surpassé en 1991-92 en inscrivant 41 filets.
Les Sabres l'ont échangé aux Maple Leafs de Toronto durant la saison 1992-93, alors qu'il a enregistré un sommet en carrière de 54 buts en 83 matchs au total. Il a marqué 53 buts en 1993-94 et 22 autres durant la saison 1994-95, qui avait été limitée à 48 rencontres en raison du lock-out.
« J'ai joué contre lui dans les ligues mineures, à l'occasion d'un tournoi ou deux, et ensuite au niveau junior, mais tu ne réalises pas à quel point il est bon jusqu'au moment où il se trouve dans ton équipe », a déclaré l'attaquant et membre du Temple de la renommée Doug Gilmour, qui a joué en compagnie d'Andreychuk à Toronto et ensuite au New Jersey. « Lorsqu'il se joint à ton équipe, il y a un certain respect qui s'installe. Dave est le joueur qui est toujours resté dans mon trio. »
Les buts se succédaient à un rythme endiablé, mais ça n'a pas empêché ses détracteurs de remettre en doute sa robustesse selon son ancien entraîneur John Tortorella, qui a dirigé Andreychuk (6 pieds 4 pouces, 225 livres) quand il était entraîneur adjoint à Buffalo et a ensuite remporté la Coupe Stanley avec lui lorsqu'il était l'entraîneur-chef du Lightning.
« Je pense que bien des gens trouvaient qu'il était paresseux parce qu'il était grand, ne patinait pas fort, avait de la difficulté à se rendre dans les coins parfois et ne bataillait pas, a noté Tortorella. Ils disaient donc, "C'est un gros joueur paresseux qui pourrait se placer devant le filet en avantage numérique et marquer des buts à force de travail". Mais c'était un bon joueur et je ne pense pas qu'on lui ait donné le crédit qu'il méritait dans les premières années de sa carrière. C'est un des plus grands compétiteurs qu'il m'ait été donné de diriger. »
Andreychuk a malgré tout été un des joueurs les plus efficaces dans l'histoire de la LNH lorsqu'il se postait devant le filet adverse.
« Sa coordination oeil-main, je dirais, quand venait le moment de happer une rondelle au vol et d'aller chercher les retours de tir… il était le meilleur parmi les joueurs de sa taille », a affirmé l'attaquant et membre du Temple de la renommée Pat Lafontaine, qui a joué avec Andreychuk à Buffalo. « C'était incroyable de voir à quel point il réussissait à se placer, à dévier la rondelle et à récupérer les retours. Il était impossible à déplacer. »
Selon Gilmour, Andreychuk avait aussi la capacité de marquer en reprenant le retour de ses propres tirs.
« Bien souvent, il tirait la rondelle avec vélocité à ras de glace sur le bâton du gardien, a noté Gilmour. Soit que le disque passait sous le bâton ou lui revenait, et il était alors assez gros pour aller chercher le retour, déplacer la rondelle latéralement et la placer dans le haut du filet.
« Il payait le prix devant le filet. Il méritait les buts qu'il marquait. »
Andreychuk s'est greffé au Lightning en tant que joueur autonome avant la saison 2001-02. Il était évident que cette équipe-là regorgeait de talent.
Les attaquants Vincent Lecavalier, Martin St-Louis, Brad Richards et Vaclav Prospal étaient là. Le défenseur Dan Boyle s'est amené cette saison-là dans le cadre d'une transaction. Le gardien Nikolai Khabibulin s'apprêtait à relancer sa carrière dans la LNH.
Mais les joueurs du Lightning n'avaient aucune idée de ce qu'il fallait faire pour gagner. Ils ont remporté 24 matchs en 2000-01. C'était une amélioration par rapport aux deux campagnes précédentes, alors qu'ils s'étaient contentés de 19 gains chaque fois.
« Ils avaient tout simplement des jeunes joueurs, des purs-sangs qui avaient besoin qu'on leur indique la voie à suivre, a affirmé Andreychuk. Quand j'ai signé mon contrat, je me suis dit qu'il fallait que j'aide l'équipe à atteindre un certain niveau de respectabilité. Le but n'était pas encore de remporter la Coupe Stanley. »
St-Louis se souvient de la première fois qu'Andreychuk s'est présenté dans le vestiaire du Lightning, fort des totaux de 1361 matchs disputés et 572 buts qu'il avait accumulés jusque-là dans la LNH.
« Rien qu'à voir son attitude, on voyait déjà le membre du Temple de la renommée en lui, a fait remarquer St-Louis. Dave était le père de famille. »
Tortorella raconte qu'Andreychuk, avec l'aide d'un autre vétéran, l'attaquant Tim Taylor, a immédiatement commencé à montrer aux jeunes joueurs comment se comporter comme des athlètes professionnels. Il a aussi fait le lien entre les joueurs et les entraîneurs.
« Il venait me voir et me disait, "Tu dois les lâcher un peu" ou "Nous avons besoin d'un coup de pied au derrière", a raconté Tortorella. Il traitait d'égal à égal avec ses coéquipiers, et d'égal à égal avec les entraîneurs. C'était quelque chose de très important étant donné que l'équipe était jeune. Nous avons trouvé notre voie. »
Tout comme Andreychuk l'a fait. Celui qui était un marqueur de premier plan est alors devenu un joueur de centre chargé de missions défensives. Il continuait d'être une force de la nature devant le filet et en avantage numérique, mais dans l'ensemble, il s'est retrouvé avec de moins grandes responsabilités sur la glace. Reste que son impact en dehors de la patinoire n'a jamais été aussi grand.
Le Lightning a raflé la Coupe Stanley en 2004. Andreychuk a inscrit 39 points (21 buts, 18 aides) cette saison-là. Il a marqué un but et amassé 13 aides dans les séries. Mais il était peut-être le joueur le plus important dans l'équipe.
« Une fois que tu passes au travers à ton tour et que tu prends de l'âge, tu réalises à quel point tu as appris beaucoup grâce à Dave, a noté St-Louis. Tu te surprends, vers la fin de ta carrière, à faire des choses qu'il faisait. Il a tellement été un bon mentor pour nous. »
Ce qui n'aurait pas été le cas s'il n'avait pas joué aussi longtemps.
« Je me suis accroché, j'ai joué malgré toutes sortes de choses, j'aimais m'entraîner, je n'ai jamais raté une séance facultative, je voulais tout le temps être sur la glace, a résumé Andreychuk. C'est ce genre de chose que tu essaies de communiquer aux gars, ton amour pour le hockey. Tu ne connaîtras pas du succès à chaque match, mais il faut que tu te donnes la chance d'y arriver. »