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Les Kings de Los Angeles sont, depuis l'arrivée à leur tête de Darryl Sutter, un cas unique dans la LNH. Les succès de cette franchise dirigée par Sutter sont enviables : 186 victoires, deux conquêtes de la Coupe Stanley, une finale d'association en cinq saisons. Mais les Kings arrivent à leur fin malgré un élément parfaitement remarquable : ils sont une des pires équipes de francs-tireurs de la ligue à forces égales.

Sous Sutter, on le sait, l'équipe a grandement amélioré son jeu de possession de rondelle. Après avoir obtenu 49,7 pour cent des tirs à 5 contre 5 entre 2007 et 2011, les Kings obtiennent, depuis, 55,8 pour cent des tirs, ce qui les classe au premier rang de la LNH dans cette catégorie depuis le début de la saison 2011.
Par contre, les données tirées de la base de données du site Corsica.hockey (d'où provient la totalité des données utilisées dans cet article) nous enseignent que, entre 2007-08 et 2010-11, les Kings convertissent 7,8 pour cent de leurs tirs en buts, ce qui les classe au 18e rang de la LNH. Mais le rang est trompeur; ce taux est à peine inférieur au taux moyen de la LNH de l'époque, soit 7,9 pour cent. Depuis l'arrivée de Sutter, ce même taux a plongé radicalement, à 6,8 pour cent, ce qui classe l'équipe au dernier rang de la LNH, à égalité avec les Hurricanes de la Caroline. Le déficit est extrêmement important, près d'un point de pourcentage sous la moyenne de la ligue, qui se situe à 7,7 pour cent au cours de cette période (eh oui, les gardiens s'améliorent!).
La comparaison avec les meneurs de la ligue à ce chapitre, le Lightning de Tampa Bay, est frappante. Ceux-ci convertissent, au cours de cette même période, 8,8 pour cent de leurs tirs en buts. En terme brut, le Lightning marque en cinq ans 750 buts à 5 contre 5 sur 8564 tirs. Les Kings? 628 buts en 9161 tirs; 122 buts en moins malgré près de 600 tirs de plus!
D'où vient ce déficit important? Essentiellement du manque d'opportunisme des attaquants de l'équipe. En effet, depuis cinq ans, les défenseurs de Los Angeles convertissent 4,8 pour cent de leurs tirs en buts, alors que la moyenne des défenseurs de la LNH est de 4,1 pour cent. Les attaquants, eux, convertissent 7,8 pour cent de leurs tirs en buts alors que la moyenne à l'échelle de la LNH est de 9,1 pour cent.
18 attaquants jouent au moins 1000 minutes pour les Kings à 5 contre 5 lors de cette période et parmi ceux-ci, le tiers seulement obtient un taux de conversion supérieur à la moyenne des attaquants de la LNH et globalement, ces six joueurs obtiennent 30 pour cent des tirs de leur équipe.
Petit détail pour le graphique ci-dessous : les joueurs sont classés de gauche à droite en fonction du temps de glace obtenu. On comprend donc qu'Anze Kopitar fut le plus souvent présent, Brad Richardson le moins.

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Notez aussi que les joueurs ayant joué moins de 1000 minutes au cours de cette période ne font guère mieux collectivement.
De ce groupe de joueurs ayant joué plus de 1000 minutes avec les Kings, 7 ont aussi joué au moins 1000 minutes avec d'autres équipes de la LNH. Seuls Jarret Stoll et Milan Lucic ont mieux fait avec les Kings et, collectivement, ces joueurs perdent 3 pour cent de taux de réussite!

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On regarde ces données et on se trouve forcé de considérer, à tout le moins, la possibilité que le système de Sutter, s'il est excellent pour assurer la possession de la rondelle (les Kings sont l'équipe qui accorde le moins de tirs au cours de cette période et se classent troisièmes aux tirs obtenus), le soit franchement moins pour convertir le tout en buts.
Encore là, le diagnostic reste en surface. Reprenant les méthodes développées par l'ancien site war-on-ice, corsica.hockey identifie les tirs dits de « haute qualité »; les Kings y sont troisième de la ligue! Et on y a développé une estimation du nombre de buts normalement marqués en fonction des caractéristiques des tirs pris (angle, distance, rebond, etc.); les Kings se classent septièmes!
On peut se référer à l'analyse vidéo, mais encore là, la comparaison avec les autres équipes de la LNH devient ardue. On touche ici au cœur de ce qui fait le mystère des Kings : on n'a pas vraiment, à l'heure actuelle, de moyen fiable d'éclaircir la question, faute de données et d'analyses poussées des patrons de jeu en vigueur à travers la ligue.
Des moyens de répondre à ces questions pourraient bientôt apparaître. La LNH a annoncé que les matchs de la Coupe du monde de hockey qui se met en branle ces jours-ci seront suivis par de nouveaux dispositifs basés sur des puces électroniques disposées dans l'équipement des joueurs ainsi que dans la rondelle. Cette annonce nous laisse entrevoir un futur où des données sur la position des joueurs et de la rondelle permettront de mieux comprendre quels types de tirs sont plus souvent convertis en buts.
Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres. En attendant, d'autres projets se mettent en branle, notamment celui mené par les blogueurs Corey Szjnader et Shean Tierney. Ceux-ci, en s'inspirant des méthodes développées dans d'autres projets du genre depuis quelques saisons, vont coder et publier des bases de données sur les matchs de la LNH recensant les entrées et sorties de zones ainsi qu'un inventaire des tirs comprenant l'identité et la position des trois joueurs ayant touché à la rondelle avant le tir. Ces données nous donneront enfin un portrait plus fin des tendances existant à l'échelle de la LNH et permettront de mieux comparer les tactiques utilisées par les différentes équipes. Des mystères aujourd'hui difficilement explicables pourront ainsi être explorés en profondeur.