Evander Kane badge bouchard

La saison des joueurs autonomes n'est pas vraiment commencée que déjà, un des plus gros noms disponibles vient de disparaître de la carte. Evander Kane, en paraphant une entente de 49 millions $ sur 7 ans, tourne en effet le dos à une enchère qui se serait inévitablement menée à son sujet le 1er juillet arrivé.
Pour les Sharks de San Jose, c'est en quelque sorte une façon de garder le cap. Patrick Marleau parti, on avait besoin de stabiliser le groupe d'attaquants, au sein duquel d'autres ailiers tardaient à s'affirmer. Avec les performances en demi-teinte de Mikkel Boedker et le passage, semble-t-il permanent, de Tomas Hertl au centre, l'aile gauche semblait de plus en plus faible. Kane, installé à la droite de Joe Pavelski et Joonas Donskoi, a permis de stabiliser le groupe en donnant une deuxième unité d'impact derrière le tandem Hertl-Logan Couture.

Ces questions de construction d'alignement sont primordiales, parce que de toute évidence, les Sharks ne sont pas dans une position où on bâtit à long terme. Pavelski a 33 ans, Couture 29 ans, Joe Thornton, qu'on va probablement revoir avec l'équipe l'an prochain, arrive quant à lui à 39 ans. Avec Brent Burns (33 ans) et Marc-Édouard Vlasic (31 ans), les meneurs de l'équipe forment un groupe de vétérans qui tente ses dernières lancées vers les grands honneurs.
Je m'attarde un instant encore sur la construction de l'alignement, plus particulièrement du groupe d'attaquants : Thornton va probablement repousser Pavelski à l'aile droite et Donskoi sur un des deux autres trios principaux. Avec Chris Tierney qui s'est imposé au fil de la saison comme troisième centre (40 points, quand même), Kevin Labanc, Timo Meier, ainsi que Boedker qui a quand même eu sa part de points, les Sharks pourraient avoir l'an prochain neuf attaquants capables d'obtenir 40 points ou plus. Et c'est sans compter Brent Burns.
Lorsqu'on considère la cuvée 2018 des joueurs autonomes, on constate que peu d'ailiers de qualité y sont présents qui ont moins de 30 ans. Dans ce contexte, Kane, qu'on a pu voir s'intégrer facilement à l'équipe et qui n'aura 27 ans qu'en août, devenait diablement alléchant. Il pourra, avec Logan Couture, assurer la transition vers le groupe de jeunes qui montent (trop, mais c'est une autre histoire) lentement derrière les vétérans.

En ce sens, on peut comprendre qu'on ait choisi d'étaler le salaire de Kane jusqu'à sa saison de 33 ans. Les bons attaquants vieillissent habituellement plus ou moins bien à partir de 30 ans,
leur taux de réussite
et leur efficacité générale baissant alors rapidement.
Mais un élément de l'impact de l'âge sur les performances des joueurs mérite ici d'être rappelé : les passeurs vieillissent mieux que les buteurs (hello, Jumbo Joe!) et, parmi les buteurs, ceux qui basent leur production sur un haut volume de tirs obtenus vieillissent mieux que ceux qui basent leurs succès sur un taux d'efficacité hors de l'ordinaire.
Kane n'est pas un grand marqueur, mais il est un bon marqueur. La courbe de ses performances au fil de sa carrière explique en partie pourquoi on a toujours été un peu déçu de ses performances. Après avoir flirté avec le plateau de 0,8 point par match en 2011-12, il s'est installé quelque part autour de 0,6 à 0,7 point par saison, une fourchette de 50 à 60 points par 82 matchs joués.

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Kane est un buteur plus qu'un passeur, notamment un buteur à forces égales. Surtout, il base sa production offensive sur un volume massif de tirs obtenus. Depuis le début de la saison 2013-14, il est l'un des plus prolifiques producteurs de tirs vers le filet de la LNH à 5-contre-5.

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Cela me suggère deux choses. Premièrement, Kane, comme l'a souligné Erik Tulsky il y a déjà quelques années, a le profil d'un buteur qui va « mieux » vieillir, parce que sa production est fondée sur le volume de tirs et non pas sur des taux de réussite
anormalement élevés par rapport aux moyennes de la ligue
.
Deuxièmement, Kane, outre un long passage à l'aile de Jack Eichel cette saison, n'a jamais vraiment joué avec de bons fabricants de jeux. Or, les Sharks ont quelques très bons passeurs dans leurs rangs, en commençant par les deux joueurs les plus susceptibles de jouer avec Kane, soit Thornton et Pavelski. Il est donc parfaitement possible que Kane ait encore une marche à monter offensivement. Même s'il est à l'âge où la production d'un joueur fait habituellement un plateau, l'environnement de San Jose pourrait lui donner un solide coup de piston.
Reste que, sept ans à 7 millions $ par année, c'est cher payé pour un joueur qui, comme Kane, a si souvent été blessé. Certes, il vient de jouer 78 et 70 matchs, mais il a souvent manqué une quinzaine, voire 20 matchs par saison par le passé. S'il réussit à se présenter pour 70 matchs et plus lors des 5 prochaines années, les Sharks vont s'en féliciter.
Les deux dernières saisons de ce contrat, alors que Kane aura passé l'âge de 30 ans, risquent d'être plus pénibles parce que cet attaquant de puissance n'est pas très polyvalent. Il ne joue qu'à une seule position, ne contribue pas en désavantage numérique et n'est pas particulièrement reconnu pour ses talents défensifs à forces égales. Lorsque son jeu offensif va commencer à décliner sérieusement, il pourrait rapidement devenir encombrant.
Mais on est encore loin de ça et, lorsque Kane arrivera à ce stade de sa carrière, les Sharks pourraient être en plein processus de reconstruction. On aura alors bien l'occasion de trouver un moyen de s'arranger avec les conséquences à long terme de son déclin. En attendant, on vient de donner un solide coup de pouce à un groupe de joueurs qui semble bien déterminé à viser les grands honneurs.