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John Tortorella a-t-il trouvé le secret de la potion magique? Les Blue Jackets de Columbus marquent, depuis le début de la saison, un but sur 35 pour cent de leurs avantages numériques. Le score est impressionnant, et un examen plus approfondi des données suggère un portrait plus nuancé, quoique encourageant.

Les données colligées et analysées par le site corsica.hockey nous permettent une série de constats. Les Blue Jackets ne dirigent pas tant de rondelles au filet. À 5-contre-4, ils sont 18e pour le nombre de tirs vers le filet obtenus par heure jouée, avec 88 tentatives par heure, alors que quatre équipes crèvent le plafond des 100 tirs à l'heure. Mais leur classement est bien meilleur lorsqu'on regarde des indices plus analytiques.
Ainsi, l'estimation des chances de marquer proposées par le site, basée notamment sur l'endroit d'où viennent les tirs, le type de tir et le temps séparant chaque tentative, montre que les Blue Jackets obtiennent le troisième meilleur taux de chances par heure jouée, soit 30, derrière les Ducks d'Anaheim (31) et les Rangers de New York.
Un autre indice, celui du nombre de buts prévus (expected goals), fondé sur un croisement de la qualité et de la quantité de tirs obtenus, maintient les Blue Jackets dans une position enviable, quatrièmes de la ligue (les Stars de Dallas se glissent devant eux sur ce point).
Avis aux amateurs des Canadiens de Montréal : les hommes de Michel Therrien se classent 14e pour le nombre de buts obtenus, mais 30e pour les tirs tentés, les chances obtenues et les buts prévus… On prend note.
Mais revenons aux Blue Jackets.
Tortorella a choisi d'y aller d'audace. Son principal quart arrière sur le jeu de puissance est la recrue Zach Werenski qui, même avant la blessure subie par Seth Jones, obtenait l'essentiel du temps de jeu dans cette situation, soit près de 30 minutes déjà, contre 14 pour Jones.
Autre élément, celui-là désormais entré dans les mœurs de la LNH, on utilise méthodiquement deux groupes de quatre attaquants. Sur la première vague, Nick Foligno et Alex Wennberg, compagnons de trios à forces égales, sont accompagnés de Cam Atkinson et Sam Gagner.

La présence de Gagner, qui n'en finit plus de rebondir d'une équipe à l'autre, est un autre élément intriguant. Le talent offensif du petit joueur de centre n'a jamais fait de doutes, depuis l'époque où il écumait la Ligue de hockey de l'Ontario en compagnie de Patrick Kane. Mais après des débuts prometteurs (et, surtout, hâtifs) avec les Oilers d'Edmonton, il ne s'est jamais trouvé une niche.
À forces égales, Tortorella l'utilise sur un quatrième trio atypique, avec de jeunes joueurs (ces derniers temps : Lukas Sedlak et Sonny Milano), dans un rôle résolument offensif. Mais en avantage numérique, on cherche manifestement à profiter de sa gâchette. Lui et Cam Atkinson sont les tireurs désignés du quatuor d'attaquants, avec 11 et 14 tirs tentés en 25 minutes de jeu.
La division des tâches est d'ailleurs extrêmement claire dans ce quatuor. Foligno n'a que cinq tirs tentés, alors que Wennberg a un total d'un seul tir tenté (et un tir manqué, en plus). Pourtant, avec six et huit points, ces deux derniers n'ont pas manqué de contribuer dans ces situations, mais dans les deux cas, on ne peut que souligner certaines anomalies. Foligno a marqué sur deux de ses trois tirs ayant atteint le filet, alors que six des huit passes de Wennberg sont des deuxièmes passes. Dans les deux cas, donc, ceux qui pensent avoir trouvé dans ces joueurs de nouveaux chefs de file offensifs pour leurs pools de hockey peuvent prendre encore un moment avant de s'emporter. Les scores sont présentement intéressants, mais il y a beaucoup d'air chaud dans ces ballons.
Ça n'est pas pour dire qu'il n'y a là rien de bon à venir. Foligno et Wennberg jouent beaucoup, ce qui implique qu'on est satisfait de ce qu'ils font et, après avoir vu quelques avantages numériques de cette formation, ces deux joueurs y jouent un rôle clairement défini. Foligno est un fabricant de jeux qui cherche les passes vers l'enclave et les retours, et Wennberg est celui qui se charge de la tâche essentielle des entrées en zone offensive. Ils ne risquent pas de perdre leur poste demain matin.
La deuxième unité est bâtie sur le même moule, avec Brandon Saad, Boone Jenner, Scott Hartnell et Brandon Dubinsky. On peut voir dans la présence de Saad dans ce groupe un reflet des critiques de Tortorella à son endroit depuis le début de la saison, mais je ne pense pas que ça soit le cas. Saad joue encore avec Foligno et Wennberg à forces égales et je pense qu'on aime surtout la présence de Gagner, qui sait jouer à la pointe, comme police d'assurance pour accompagner Werenski sur la première vague. Il y a pire problème, pour un entraîneur, que d'avoir à mettre un joueur de la trempe de Saad sur sa deuxième vague d'avantage numérique.
L'important écart entre les tirs tentés et les indices plus analytiques laissent deviner qu'un mouvement va bientôt s'opérer, ces deux genres d'indices ayant tendance à converger alors que s'accumulent les minutes jouées au fil de la saison. Reste à voir dans quel sens tout ça va se déplacer. Le fait qu'on ne dépende pas d'un joueur en particulier pour faire avancer la barque et qu'on y retrouve déjà des rôles bien définis me semble indiquer que la machine tourne déjà rondement, qu'on n'est pas encore en train de chercher qui asseoir dans quelle chaise. Je soupçonne qu'à la fin de la saison, cette unité constituée de joueurs aux renommées peu glorieuses va s'être taillé une réputation enviable.