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Voici le bon vieux Jeff Carter, à la suite d'une performance de deux buts mardi soir, tout juste derrière Sidney Crosby parmi les meneurs de la LNH dans cette catégorie. L'homme à tout faire des Kings de Los Angeles connaît, à 32 ans, une de ses meilleures saisons en carrière.
Arrivé dans la LNH en 2005-06, Carter connaît six campagnes prolifiques avec les Flyers de Philadelphie, obtenant 0,74 point par match, soit 181 buts et 162 passes. Cette récolte de 343 points le classe au 45e rang pour cette période, tout juste derrière son coéquipier Mike Richards (349 points). Carter est alors un solide joueur de premier trio, un véritable homme à tout faire, qui peut jouer aux trois positions à l'attaque et dans les trois situations lors d'un match.

Ça n'empêche pas les Flyers de sidérer le monde du hockey à l'été 2011, en échangeant Carter et Richards. Ce dernier en est alors à la troisième saison d'une entente de 12 ans qui lui rapporte 5,75 millions $ par saison, alors que Carter va amorcer en 2011-12 un contrat de 11 ans au cours duquel il reçoit en moyenne 5 272 272$ par saison. Les Flyers ont manifestement perdu confiance en ces deux joueurs pourtant dans la fleur de l'âge : Richards a alors 25 ans, Carter 26 ans.
Reconnaissons à Paul Holmgren, directeur général de l'époque, le mérite d'avoir su obtenir des joueurs d'une valeur remarquable en échange de ces deux piliers. Brayden Schenn et Wayne Simmonds arrivent des Kings de Los Angeles en échange de Mike Richards, Jakub Voracek et un choix de première ronde qui deviendra Sean Couturier seront obtenus des Blue Jackets en échange de Carter. Ces quatre joueurs sont aujourd'hui des membres établis du top-6 de l'équipe.
Carter est malheureux comme les pierres à Columbus, où il performe tout de même à la hauteur de son talent. Si les mentions d'aide ne viennent pas, il y obtient 15 buts en 39 matchs, un rythme de 0,38 par partie jouée qui s'aligne exactement sur sa moyenne en carrière. Mais sa contribution au jeu de possession est douteuse (le taux de tirs obtenu, selon hockey-reference, chute de 3 pour cent en sa présence) et les gardiens n'arrêtent que 90 pour cent des rondelles derrière lui. Il semble que son pote Mike Richards convainc alors les Kings de faire son acquisition, et Carter va, en compagnie de Richards et l'entraîneur Darryl Sutter, constituer une des dernières pièces du puzzle contribuant à faire passer les Kings d'équipe en reconstruction à puissance de la LNH, qui remporte la Coupe Stanley à deux occasions.
L'acquisition de Mike Richards aura en fin de compte été extrêmement coûteuse pour les Kings. Sa production offensive décline rapidement et l'homme à tout faire, marqueur de 60 points qu'il était à Philadelphie devient un marqueur de 40, puis 15 points, avant de se voir exilé, disgracié, son contrat racheté. Aujourd'hui âgé de 31 ans, Richards a disparu de la planète hockey.
Carter, lui, est un des rares joueurs à n'avoir connu aucune baisse de régime en passant le cap de la trentaine. Il obtenait 0,74 point et 0,38 but par match avec les Flyers? Il en obtient 0,76 et 0,4 avec les Kings. Sa production de tirs a légèrement décliné (3, plutôt que 3,6 par match), mais elle demeure dans le premier tiers de la LNH. Et, après s'être classé 45e meilleur marqueur de la période 2005-2011, il s'est depuis classé… 43e au cours des six saisons écoulées depuis 2011. Cette constance et cette longévité en font donc, depuis 2005, le 26e meilleur pointeur de la LNH et le septième meilleur buteur.
Carter ne ralentit guère et il y a lieu de se demander s'il ne sera pas capable de faire au cours des prochaines années ce que bien peu de gens auraient pu croire possible : donner à ses équipes un rendement largement supérieur à la valeur du contrat de 11 ans qu'il a signé en 2010.
Selon Cap Friendly, Carter représente aujourd'hui pour son équipe le 71e salaire le plus imposant de la LNH, entendu comme valeur comptabilisée sous le plafond salarial, parmi les attaquants de la ligue. En 2014, première saison où ce site compile ces données, il est 53e.
Ce contrat, dont la structure est aujourd'hui illégale, diluait doublement l'impact salarial des meilleures années de la carrière de Carter en lui garantissant un salaire jusqu'à l'âge de 37 ans, mais aussi en concentrant ses meilleures payes dans la première moitié de l'entente. En salaire réel, Carter ne recevra que 3, puis 2 millions $ au cours de ses trois dernières saisons. Si on devait l'échanger pour libérer de l'espace (les Kings ont quelques albatros qui traînent sur le pont), et sachant qu'il vieillit jusqu'à présent comme Joe Thornton, une équipe ayant un budget inférieur au plafond peut obtenir un joueur de premier plan pour un salaire dérisoire.
Mais à voir les performances affichées par Carter, il n'est pas dit que la manœuvre vaille la peine pour les Kings. Pourquoi échanger un joueur de 5,2 millions $ qui offre des performances dignes d'un joueur de 7 millions $ si on peut, par exemple, encaisser une pénalité de 2 millions $ pour racheter le contrat d'un autre joueur (allô, Dustin Brown!). Pour un DG qui sait se résigner à encaisser des coûts perdus, la capacité qu'a un joueur comme Carter de faire mentir les prévisions est un véritable don du ciel.