Kevin Shattenkirk defenseman

Les Blues de St. Louis sont reconnus pour leur capacité à empêcher l'adversaire de marquer. Sous la gouverne de l'entraîneur Ken Hitchcock, l'équipe n'a jamais franchi la barre des 200 buts accordés dans une saison, alors que la moyenne de la LNH se situe autour de 220. Au cœur de ce dispositif se trouve, évidemment, la brigade défensive. Les trois piliers de l'ère Hitchcock ont été Alex Pietrangelo, Jay Bouwmeester et Kevin Shattenkirk. Or, il semble bien que la prochaine saison annonce un changement de garde.
Pietrangelo et Bouwmeester sont pour ainsi dire inséparables, jumelés depuis la saison 2012-13, jouant même ensemble avec Équipe Canada aux Jeux olympiques de Sotchi en 2014. On s'attend évidemment à ce que le tandem favori de Hitchcock soit encore au cœur de toutes les situations critiques jouées par les Blues cette saison.

La chose s'annonce un peu différente pour la deuxième paire défensive. Shattenkirk s'est blessé au tout début de la saison dernière, ce qui a ouvert la porte à Colton Parayko, à qui on a fait signer un contrat en 2014 à la fin de son stage universitaire. Le grand Parayko (6 pieds 6 pouces, 226 livres) n'a pas tardé à s'imposer, marquant sept points à ses 10 premiers matchs. En l'absence de Shattenkirk, il n'a pas du tout eu l'air embêté par la tâche de défenseur droitier de deuxième paire. Et si Shattenkirk a repris son poste à son retour, Parayko n'a pas vraiment pris du recul pour autant.
Lorsqu'on observe les courbes de temps de jeu des deux joueurs selon la situation de jeu au fil de la dernière saison, on voit bien que le temps de jeu de Parayko, une fois Shattenkirk revenu, ne régresse pas au niveau d'un défenseur de troisième paire, soit une douzaine de minutes par match. Non, Parayko reste dans la tranche de 15 à 16 minutes.

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Sur les unités spéciales, le rôle de Shattenkirk reste plus affirmé en avantage numérique, mais en désavantage, la recrue Parayko prend manifestement du gallon au fil des matchs. Ce développement est intéressant dans la mesure où Hitchcock, un vieux de la vieille, avait été accusé lors des séries éliminatoires de la Coupe Stanley de ne pas donner suffisamment de temps de glace à Vladimir Tarasenko parce qu'il ne fait pas confiance aux jeunes. Or, Parayko, on ne peut plus vert, l'a pourtant rapidement convaincu de sa valeur.

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Il faut quand même apporter quelques nuances. Parayko et Shattenkirk ont eu des rôles similaires, mais on continue à demander au vétéran de fournir un peu plus à l'attaque. Par rapport au reste de l'équipe, Shattenkirk est en effet celui qui reçoit le plus grand nombre de mises en jeu en zone offensive et, si l'on en croit
les mesures du statisticien Micah Blake McCurdy sur hockeyviz.com
, il est aussi le défenseur sur qui les Blues ont mis le plus de pression offensive. Bref, lorsque les Blues avaient besoin d'un but, Shattenkirk restait celui dont le nom sortait le plus souvent. Parayko n'était pas écarté de ces situations pour autant, bien au contraire, mais on doit bien comprendre qu'il n'a pas supplanté Shattenkirk. On semble plutôt avoir moulé son rôle à celui de l'autre.
Un dernier élément, au passage : si Bouwmeester et Pietrangelo sont légèrement moins sollicités sur le plan offensif, l'écart demeure faible et semble, à vue de nez, s'expliquer par le fait qu'on avait besoin d'eux pour lever de la fonte en défensive.

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Ces éléments de contexte permettent de jeter un regard plus informé sur la production de chances de marquer (telles que calculées par le site Corsica.hockey) des Blues en présence des principaux défenseurs de l'équipe.
Pietrangelo et Bouwmeester accordent plus de chances que la moyenne de leurs coéquipiers, un fait qui ne doit pas étonner outre mesure vu l'importance défensive de leurs tâches. Il est par contre intéressant de voir qu'ils réussissent, malgré tout, à aider l'équipe à produire plus de chances de marquer. Un premier duo défensif au profil pas tout à fait parfait, mais diablement impressionnant malgré tout.
Parayko a, sur ce plan, une fiche exemplaire. Lorsqu'il est sur la glace, les Blues accordent moins de chances et en produisent plus. Shattenkirk n'apporte pas cette prime aux chances produites et accorde plus de chances à l'adversaire.

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Ce regard rapide nous indique donc que Shattenkirk a, dans un rôle similaire (mais plus exigeant) à celui de Parayko, obtenu de moins bons résultats. C'est certainement une des raisons pour lesquelles on s'interroge depuis le début de l'été à St. Louis. Doit-on échanger Shattenkirk avant le début de la saison? Le directeur général Doug Armstrong
ne semblait pas pressé de le faire au début de l'été
. Si quelqu'un est prêt à payer un prix de fou, pourquoi pas? Mais autrement, Shattenkirk a montré qu'il peut, au pis aller, jouer à gauche et Hitchcock a montré être capable de donner beaucoup de glace à tous ses défenseurs importants. Le feu n'est donc pas pris.
Une autre raison peut expliquer la circonspection des Blues. Parayko a certes connu une saison impressionnante lorsqu'on regarde le détail des données, mais il a aussi été chanceux.
À forces égales, il est entendu qu'un joueur, surtout un défenseur, n'a qu'un faible impact sur le pourcentage d'arrêts de son gardien ainsi que sur le taux de réussite des tireurs de son équipe. Lorsque cet impact est réel, on a souvent besoin de plusieurs milliers de tirs (lire : plusieurs saisons) pour le confirmer. Or, Parayko a, la saison dernière, bénéficié d'un pourcentage d'arrêts et d'un taux de réussite lorsqu'il était sur la glace supérieurs à la moyenne de son équipe.

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Peut-être Parayko est-il une de ces perles rares qui a un impact positif sur ces pourcentages, mais il est trop tôt pour le dire. On doit donc commencer par lui donner une chance de poursuivre son apprentissage pour valider quels sont les progrès réels qu'il a accomplis à sa première saison.
En attendant, Shattenkirk risque de demeurer avec le club. Mais, à 27 ans et écoulant la dernière saison de son contrat, il pourrait devenir joueur autonome sans compensation l'été prochain. Avec sa feuille de route, il y signera certainement une entente des plus lucratives, ce qui rend peu probable son retour avec les Blues. Sa valeur d'échange pourrait rapidement monter à l'approche de la date limite des transactions, alors que son salaire fort raisonnable sera presque entièrement payé.