Centre Videotron badge Lepage

Après deux saisons chamboulées de différentes façons par la pandémie, la fatigue mentale commence drôlement à se faire sentir chez les joueurs de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ).

Et elle entraîne des conséquences flagrantes et facilement observables : les consultations d'ordre psychologique au programme d'aide aux joueurs de la LHJMQ sont passées de 34, en 2019-20, à 194, en 2020-21, une saison disputée en environnements protégés et dans une bulle. C'est près de six fois plus.
À LIRE AUSSI : Dupuis : Le monde du hockey chamboulé à tous les niveaux | LHJMQ : Élizabeth Mantha brise une autre barrière
Ce nombre inclut les joueurs de quatre équipes complètes qui ont été rencontrés individuellement lorsque leur formation a été placée en isolement en raison de la COVID-19. Certains d'entre eux n'ont eu besoin que d'une consultation, mais d'autres ont nécessité des suivis pendant leur quarantaine de 14 jours, à l'époque.
« Ce sont les années les plus occupées que j'ai vécues, sans aucun doute, a laissé tomber Natacha Llorens, qui gère ce programme depuis 13 ans. Le nombre de consultations était revenu à la normale avec le début de saison que nous avons eu, mais j'appréhende les impacts en deuxième moitié.
« On est de nouveau placés devant l'inconnu. On ne sait pas du tout ce qui va arriver. »
Pour la première fois en près de deux ans, ces joueurs âgés de 16 à 20 ans voyaient la lumière au bout du tunnel. Avec un certain retour à la normalité, ils pouvaient enfin rêver d'un dernier droit intense et de séries éliminatoires devant des salles combles.
Mais les voilà replongés dans ce mauvais rêve qu'ils connaissent déjà trop bien. Le circuit a mis ses activités sur pause en décembre, et ses dirigeants ont laissé entendre que la saison ne reprendrait pas avant que les autorités acceptent une capacité d'au moins 50 pour cent dans les arénas.
« Comme joueur, j'ai l'impression que je continue ma progression et que je prends une coche de plus à chaque reprise, a amorcé l'attaquant des Cataractes de Shawinigan et espoir des Stars de Dallas, Mavrik Bourque. Mais mentalement, je suis complètement épuisé.
« On ne peut plus se projeter dans l'avenir et penser à des séries. On ne sait plus si ça va se produire. Tout ça fait en sorte que je n'ai tout simplement plus aucune attente. Je ne sais plus trop quoi penser pour vrai. »

Mavrik Bourque

« Pour moi, il n'y a rien de pire que l'incertitude, et c'est de ça dont nos joueurs souffrent, a renchéri l'entraîneur et directeur général des Saguenéens de Chicoutimi, Yanick Jean. C'est brûlant. La première moitié s'est bien déroulée, mais là on sent l'incertitude revenir, et c'est ça qui est difficile à vivre. »
Difficile pour ces jeunes de garder le moral quand ils sont privés d'à peu près tout ce que représente l'expérience d'un parcours au hockey junior. Ils sont bien sûr conscients de la chance qu'ils ont eue de jouer, la saison dernière, et de celle qu'ils ont de pouvoir continuer à s'entraîner en ce moment.
Reste que ce n'est pas exactement ce qu'ils avaient envisagé quand ils ont amorcé ce qui, pour plusieurs, devait représenter certaines des meilleures années de leur carrière de hockeyeur.
« Je suis en maudit, il n'y a pas d'autres mots, a confié Xavier Simoneau, un choix des Canadiens qui évolue avec les Islanders de Charlottetown. N'importe quel joueur de hockey veut jouer présentement. C'est le funde pratiquer, mais on veut jouer des matchs, avoir de vraies séries avec des gens dans les estrades.
« En début d'année, on y croyait. Mais encore une fois, on se fait frapper en pleine face. […] On dirait que c'est un autre choc. Tout allait bien et on n'a pas vu le temps passer en première moitié de saison parce qu'on ne faisait que jouer. Et là, boum, ça arrête encore. C'est une autre claque au visage. »
Rien à l'horizon
Plus cette pause durera, plus les chances de voir certains jeunes éprouver de la détresse psychologique seront grandes. À cet âge, il peut être difficile de jongler adéquatement entre l'isolement social, l'école à distance et la perte de la source de motivation - et de bonheur - que représente le hockey.
« J'ai remarqué que les gars avaient besoin de parler l'année dernière, a relaté Bourque. C'est la première fois de ma vie que je voyais autant ça dans une équipe. Je les comprenais, c'était très dur pour tout le monde. Beaucoup de gars étaient démoralisés. Cette année, par contre, tout le monde avait l'air heureux. »
Il faut rappeler que le privilège de jouer venait avec des conditions strictes, il y a quelques mois. Les joueurs étaient limités dans leurs déplacements et dans leurs sorties pour éviter que le virus s'invite dans l'un des environnements protégés. Ils étaient alors confinés à leur hôtel et n'en sortaient que pour aller à l'aréna.
« Il y a quelques gars qui ont trouvé ça difficile d'être enfermés dans une chambre, a concédé Simoneau. Moi-même j'ai trouvé ça dur, mais je me disais qu'au moins j'avais la chance de jouer des matchs. Ce n'était pas évident de passer neuf ou dix jours à l'hôtel, mais on n'aurait rien eu de mieux à faire à la maison. »
Ils avaient le hockey pour se changer les idées. Cette fois, la LHJMQ n'a pas l'intention de reproduire cette expérience coûteuse, qui requière des moyens logistiques exceptionnels. Elle est tributaire des décisions gouvernementales et n'a d'autre choix que d'attendre le feu vert.
Même si cela signifie de laisser ces jeunes hommes dans le flou, comme c'est le cas pour les dizaines de milliers de jeunes hockeyeurs qui n'ont plus accès aux arénas de la province, avec les risques que l'on connaît désormais pour leur santé mentale.
« Les jeunes restaient accrochés au fait qu'ils allaient pouvoir continuer à jouer, l'an dernier, a conclu Llorens. Je trouve ça difficile présentement parce que tout est arrêté et qu'ils ne savent pas quand ça va recommencer. Pour un jeune c'est difficile. Je trouve qu'on leur en demande beaucoup. »