Ratelle

NEW YORK -Considéré depuis longtemps comme un des joueurs les plus gentilhommes et généreux dans l'histoire du hockey, Jean Ratelle a été égal à lui-même en prenant une partie d'une des plus belles soirées dans sa vie professionnelle pour la dédier à un compagnon de trio.
Quelques instants avant que le numéro 19 de Ratelle soit hissé au plafond du Madison Square Garden, dimanche, les Rangers l'ayant retiré afin de le placer aux côtés de huit autres joueurs de l'équipe, l'ancien compagnon de trio de Ratelle, Rod Gilbert, a annoncé une grande nouvelle.

La saison prochaine, a révélé Gilbert, les Rangers vont retirer le chandail de Vic Hadfield, qui a joué à l'aile gauche au sein du réputé trio « GAG » que la formation new-yorkaise alignait dans les années 1970. Cela donnera lieu à des retrouvailles au-dessus de la patinoire du Garden, alors que le numéro 19 de Ratelle sera flanqué du numéro 7 de Gilbert et, bientôt, du numéro 11 de Hadfield.
Lors de la cérémonie de 45 minutes intitulée « Un gentilhomme depuis toujours, un Ranger pour toujours », les joueurs légendaires et favoris des Rangers ont rendu hommage à Ratelle, qui a brillé pour les Blueshirts de Broadway de 1961 à 1975 et a connu une carrière qui l'a mené au Temple de la renommée du hockey.
De formidables images d'archives ont défilé sur l'écran géant de l'aréna au début de la cérémonie. On a ensuite présenté à Ratelle une montre commémorative, un chandail qu'il a déjà porté qu'on a encadré et des bâtons de golf faits sur mesure placés dans un sac de golf à l'effigie des Rangers. Ce dernier cadeau a été transporté sur la glace dans une voiturette de golf conduite par son ancien entraîneur et directeur général, Emile « Le Chat » Francis.

Au cours d'un discours d'une durée de sept minutes, Ratelle a fait preuve d'une grande modestie tout en donnant crédit à un grand nombre de personnes qui lui ont permis de vivre son rêve dans le monde du hockey. En tête de liste, il y avait Nancy, son épouse depuis 54 ans, qu'il a remerciée pour son amour, son soutien et ce qu'elle a sacrifié pour lui. Ratelle a louangé Hadfield et Gilbert, ce dernier étant un ami d'enfance, et il a aussi remercié ses anciens coéquipiers, les dirigeants de la LNH, l'organisation des Rangers et surtout les partisans new-yorkais, qu'il a qualifiés de meilleurs dans le monde du hockey.
Ratelle a auparavant eu droit aux louanges de Francis, Gilbert et Hadfield. Six des huit hommes dont les numéros ont déjà été retirés étaient présents - Gilbert, Ed Giacomin, Mike Richter, Mark Messier, Brian Leetch et Adam Graves. Harry Howell, qui n'a pu assister à la cérémonie, et le regretté Andy Bathgate étaient représentés par la fille de Howell, Cheryl. Huit autres anciens membres des Rangers se trouvaient sur l'estrade: Rod Seiling, Gilles Villemure, Ted Irvine, Pete Stemkowski, Bob Plager, Steve Vickers, Bob Nevin et Brad Park.
C'est juste avant que la bannière de Ratelle soit soulevée au plafond, autour de 19 h, et que les larmes apparaissent aux yeux du distingué joueur vedette alors que celui-ci était entouré de ses trois filles, de leurs maris et de huit petits-enfants, que Gilbert a fait part de la nouvelle concernant Hadfield. Ce dernier a été pris complètement par surprise.

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Plusieurs spectateurs dans les gradins du Garden portaient un chandail identifié au nom de Ratelle, alors qu'ils se sont levés pour applaudir au moment où on hissait la bannière.
Ratelle, Gilbert et Hadfield avaient rencontré les représentants des médias pendant une vingtaine de minutes fort mouvementées, une heure environ avant la cérémonie. À la façon dont ils se sont moqués l'un de l'autre, qu'ils ont terminé les phrases de leur voisin et qu'ils ont corrigé l'anecdote qu'un autre s'était mis à raconter, ils pourraient très bien en faire un spectacle d'humoristes.
« Ceci est le trio des beignes, et vous savez pourquoi?, a demandé Gilbert, placé à la droite de Ratelle comme c'était le cas sur la glace, avec Hadfield à gauche. « Pas de centre! »
Mais Gilbert y est rapidement allé d'une autre taquinerie: « Ou vous pouvez nous appeler le trio hélicoptère. Pas d'ailes. »
En corrigeant une histoire que racontait Ratelle, Gilbert a lancé: « J'ai une meilleure mémoire parce que je suis plus jeune ».
« De neuf mois », a rétorqué Ratelle en levant les yeux au ciel.
Hadfield a refusé de reconnaître que c'est le travail de Ratelle et Gilbert qui lui a permis en grande partie de connaître sa saison de 50 buts en 1971-72. C'était alors la première fois qu'un joueur des Rangers atteignait le cap des 50 filets.
« Ils auraient probablement pu rappeler deux joueurs du junior et j'aurais eu les mêmes résultats, a-t-il dit en souriant. Non, nous travaillions bien ensemble. Nous avions chacun notre rôle. J'étais incapable de transporter la rondelle, alors je devais être combatif. J'allais dans les coins, j'allais chercher la rondelle et je la relayais à Jean, qui réalisait le jeu et Rod marquait les buts. Nous savions où les deux autres se trouvaient sur la glace. Nous savions ce que nous voulions et où il fallait se placer. »
Ratelle écoutait tout ça et il secouait la tête.
« Dis la vérité, a-t-il lancé à Hadfield. C'est quand tu as changé ton bâton pour utiliser un bâton (très courbé) à la Bobby Hull, c'est à ce moment-là que c'est arrivé. »
Ce à quoi Gilbert a vite ajouté une anecdote relatant la fois où Hadfield avait marqué un but du centre de la patinoire aux dépens du gardien des Blackhawks de Chicago Glenn Hall, alors que le tir effectué avec la « lame banane » semblait se diriger au-dessus de la baie vitrée quand il est soudainement retombé pour se faufiler au-dessus de l'épaule de Hall.
« C'est à ce moment-là que j'ai arrêté de passer la rondelle à Vic », a affirmé Gilbert.

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Les compagnons de trio, les membres de sa famille, les anciens coéquipiers et les amis de longue date de Ratelle ont quitté la patinoire après la cérémonie et se sont dirigés vers les loges du Garden afin de regarder le match. Ratelle a reconnu, plus tôt dans la journée alors qu'il assistait à l'entraînement matinal des Rangers en compagnie de Seiling et de l'ancien attaquant des Rangers Ron Duguay, qu'il vivait une fin de semaine épuisante, émotive et ô combien gratifiante.
Même s'il a passé les 26 dernières années de sa carrière dans le hockey avec les Bruins, en tant que joueur, entraîneur adjoint et dépisteur, Ratelle s'est senti parfaitement à l'aise à son retour au Madison Square Garden, où il a enchanté les partisans avec son coup de patin élégant et ses gestes tout en douceur autour du filet adverse, et aussi par sa façon de faire des passes au profit de ses coéquipiers.
« Bienvenue à la maison, Jean », a dit Gilbert à Ratelle, déclaration que la foule a accueillie en rugissant.
Peu de temps après, Ratelle enlaçait un Hadfield quasi stupéfait, alors que le point d'exclamation de cette formidable soirée n'avait rien à voir avec Ratelle.
Et c'est exactement comme ça que le fêté voulait que ça se passe.