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TORONTO -Guy Carbonneau qui raconte une savoureuse anecdote au sujet de sa première présence au camp d'entraînement des Canadiens de Montréal, Sergei Zubov qui doit revenir sur ses relations supposément tendues avec Mario Lemieux, Hayley Wickenheiser qui fait l'éloge de France St-Louis à ses débuts dans l'équipe féminine canadienne et Vaclav Nedomansky qui confie qu'il a déjà été déclaré comme mort par le régime communiste.

Les amateurs qui se sont prêtés au jeu des questions-réponses avec quatre des six nouveaux immortels du hockey n'ont pas vu l'heure passer au Temple de la renommée, samedi.
L'exercice est toujours un terreau fertile d'historiettes loufoques et de confidences étonnantes, au grand plaisir des quelques centaines de personnes qui achètent le droit d'y participer.
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La générosité de la cuvée 2019 a été l'égal des cuvées précédentes. Les deux membres-bâtisseurs Jim Rutherford et Jerry York ont été exemptés de la séance.
Ç'a commencé très fort. Le premier intervenant a demandé à Zubov, qui n'est déjà pas à l'aise de parler en public, si les rumeurs de mésentente avec Lemieux, au cours de l'unique saison qu'il a passée chez les Penguins de Pittsburgh en 1995-96, étaient fondées.
À défaut d'être en l'aise au micro, l'ancien défenseur russe a montré d'habiles aptitudes de politicien.
« Ç'a été une belle expérience, a-t-il répondu. Mario Lemieux est possiblement le meilleur joueur de l'histoire des Penguins, Ç'a été le 'fun', des choses se produisent, des joueurs changent d'équipe et c'est ce qui s'est passé dans mon cas. »
Zubov n'a pas été en reste parce qu'un autre amateur lui a demandé comment c'était d'avoir Mike Keenan comme entraîneur chez les Rangers de New York.
« Avant mon arrivée à New York, j'ai eu Victor Tikhonov pendant cinq ans comme entraîneur dans mon pays », a-t-il fourni en guise de réponse.
Si Keenan était réputé être un entraîneur intransigeant, Tikhonov, avec son air sévère devant le banc des joueurs, donnait l'impression d'être un tyran.
« C'était un grand entraîneur, sa fiche parle d'elle-même. Il est l'entraîneur le plus titré en Europe », a ajouté Zubov au sujet de Tikhonov qui est décédé en 2014.
Carbonneau a pimenté les échanges d'une anecdote désopilante, en réponse à une question en lien avec son premier camp avec les Canadiens en 1979.
« À ma première journée, j'ai figé sur place en voyant que j'avais Steve Shutt et Guy Lafleur comme ailiers. Je ne pense pas avoir touché à la rondelle pendant toute la séance d'entraînement », a-t-il mentionné.
« Guy Lafleur était un athlète tellement fantastique. Il ne s'entraînait presque pas, mais il arrivait au camp et il faisait la barbe à tout le monde dans les exercices de patinage. Il fumait la cigarette dans ce temps-là. Je me souviens qu'après quelques journées du camp, on nous avait emmenés à la piste d'athlétisme de l'Université de Montréal pour faire un test de course à pied. Le but était de courir de plus en plus vite et jusqu'à épuisement. Après seulement quelques tours, Guy s'est arrêté, s'est assis sur un banc et il s'est allumé une cigarette. Nous n'en revenions pas. Il nous a expliqué par après que ça devait faire 10 ans qu'il faisait le test et qu'il n'avait pas encore vu un gagnant jouer dans la Ligue nationale. »
Voici en rafales les autres moments marquants de l'heure qu'on aurait voulu voir s'étirer beaucoup plus longtemps.

Question pour Carbonneau et Zubov. Vous avez gagné la Coupe Stanley avec les Stars de Dallas en 1999. Je suis un 'fan' des Sabres de Buffalo et j'étais détenteur d'un abonnement cette saison-là. J'aimerais avoir vos impressions de la Finale contre les Sabres et du « pas de but » de Brett Hull en prolongation du match no 6?

Carbonneau : « La LNH a réalisé que le règlement (de la présence d'un rival dans l'espace réservé au gardien) ne tenait pas la route et elle l'a modifié. Je demeure convaincu que le but était bon. Ç'aurait pu aller d'un bord ou l'autre, de la façon que le règlement était rédigé. C'est malheureux que ça se soit terminé comme ça, même si je suis convaincu que nous aurions tout de même remporté le septième match, au besoin. Le champagne coulait à flots quand, environ une heure après la fin du match, on a eu vent que les Sabres pensaient à contester le but. C'était trop tard, nous étions trop saouls de toute façon pour retourner sur la patinoire. »

Question pour Wickenheiser. Y'a-t-il un ou des athlètes qui ont été une grande source d'inspiration ou un modèle pour toi?

« J'étais à peine âgé de 15 ans quand j'ai joint l'équipe nationale. J'étais avec des femmes qui auraient pu être ma mère. La leader de l'équipe était France St-Louis. C'était une enseignante de profession. Je me souviens qu'elle avait eu à faire un choix très déchirant pour pouvoir vivre son rêve de participer aux Jeux olympiques. C'était soit qu'elle quitte son emploi ou qu'elle aille aux JO. Elle a choisi de quitter son emploi. On aurait peine à imaginer pareil scénario en 2019. France était un modèle, c'était une athlète qui prenait un soin jaloux de sa forme et qui était très dédiée. Angela James et Danielle Goyette ont été d'autres sources d'inspiration. Danielle a été ma coéquipière de trio pendant 100 ans, on dirait (rires). Elle était également une adepte de la cigarette, avant de mettre plus de sérieux à l'entraînement. Ces filles ont eu une influence positive sur ma carrière. Elles m'ont enseigné comment être une professionnelle. »

Question pour Nedomansky. Vous possédiez le statut de héros dans votre pays, votre avenir et celui de votre famille étaient assurés. Pourquoi était-ce si important pour vous de venir jouer en Amérique?

« Vous avez une idée du salaire que je faisais comme joueur de hockey dans mon pays? Ç'a longtemps piqué ma curiosité de venir jouer en Amérique. Je réalisais que nous étions bien entraînés parce que nos entraîneurs étaient issus du régime soviétique. Au fil des années, j'en ai eu assez du régime et j'ai pris la décision de déserter. Nous sommes partis en vacances en famille pour traverser la frontière et nous ne sommes jamais revenus. »

Intervention du modérateur. Racontez-nous l'anecdote du match hors-concours que les Red Wings de Detroit ont joué contre les Ailes du Soviet.

« Quand les Soviétiques ont réalisé que j'étais dans l'équipe, ils ont voulu m'empêcher de jouer. C'est que je ne devais plus exister, le régime m'avait déclaré mort dans un accident d'auto quand j'ai déserté la Tchécoslovaquie. J'ai finalement pu jouer, mais les commentateurs soviétiques évitaient de prononcer mon nom à la radio. Ils disaient mon numéro à la place.
« Sur la glace, j'ai été très dur avec les Soviétiques. J'ai écopé de quatre pénalités juste en première période, je crois. Je portais mon bâton très haut, à la hauteur des têtes. Nous avons gagné le match 6-4 et j'ai marqué un but. »

Question pour Wickenheiser. Hayley, je n'aurais jamais pensé dire ça à une femme parce que je suis né dans les années 1960, mais vous êtes mon joueur de hockey préféré. J'adore le hockey féminin et je suis un grand 'fan' du Canada, mais je crains que les Américaines nous aient surpassés sur les plans de la combativité et de la vitesse. Serons-nous capables de tenir le rythme avec elles?

« La question se pose, surtout après le dernier résultat de l'équipe nationale qui a été médaillée de bronze aux Championnats du monde. On a du pain sur la planche. Personnellement, je n'estime pas que l'écart se soit creusé individuellement. C'est collectivement qu'il y a une réflexion à faire. Comment voulons-nous jouer? J'ai été influencé par le style des Russes à mes débuts, qui consiste à jouer en unité de cinq et à faire circuler la rondelle rapidement. C'est le style que je voulais toujours privilégier, c'est le style auquel l'équipe canadienne doit revenir, en mettant l'accent sur la possession de la rondelle et du jeu intelligent. Les Américaines sont meilleures, mais les Canadiennes peuvent les battre n'importe quand. On a perdu un peu de terrain et c'est dur à voir. C'est à espérer qu'on redresse la barre. »

Question pour Carbonneau. Tu étais un prolifique marqueur dans la LHJMQ, avant d'accepter de jouer un rôle différent dans la LNH. Est-ce que tu as déjà pensé quelle carrière tu aurais pu connaître en ne changeant pas de style?

« Ça m'est arrivé, mais comme j'ai rapidement connu du succès en adaptant mon style, pas en le changeant nécessairement, ça ne m'a pas trop trotté dans la tête. J'ai également marqué plus ou moins 20 buts à chacune de mes 10 premières saisons, je n'ai pas eu la chance de revenir en arrière et de vouloir être un marqueur. Je ne me suis pas posé la question et quand je me vois ici 30 ans plus tard, en compagnie de toutes ces légendes, je me dis que j'ai bien fait. »

Question pour tous. Quel a été l'adversaire qui vous a le plus fait baver pendant votre carrière?

Carbonneau : « Quand vous affrontez tout le temps les meilleurs, les Gretzky, Lemieux, Mark Messier et Peter Stastny, vous ne pouvez toujours avoir le meilleur. Vous connaissez autant de bons que de mauvais moments. Un qui me donnait le plus de fil à retordre et que je détestais, c'est Ken Linseman. Je ne sais pas pourquoi, je ne pouvais jamais le battre sur les mises au jeu. »
Zubov : « Mario Lemieux a été celui qui m'en a fait voir le plus de toutes les couleurs. Quand j'étais avec les Rangers, la rivalité était forte avec les Penguins. Je me souviens d'un match que nous avions perdu quelque chose comme 10-5. Mario avait récolté sept points, je crois, et j'avais terminé le match avec une fiche de moins-5 en défense. »
Wickenheiser : « Ma plus grande rivale chez les Américaines était Angela Ruggiero. On ne s'aimait pas d'amour tendre. Il y avait également Cammy Granato parce qu'elle était un véritable poison près du but en supériorité numérique. Quand j'ai joué avec les hommes chez les professionnels en Finlande, mon entraîneur Matti Hagman venait nous dire avant chacun des matchs de surveiller tel ou tel joueur parce qu'ils allaient essayer de nous tuer. J'arrivais sur la glace et je regardais tout autour de moi. »
Nedomansky : « Quand j'étais avec les Red Wings de Detroit, les Canadiens ne faisaient qu'une bouchée de nous. Aux mises au jeu, je regardais autour et je voyais Larry Robinson en défense et Bob Gainey à mes côtés. C'étaient des adversaires difficiles à affronter. Les équipes avaient chacune plusieurs joueurs robustes dans leurs rangs. J'essayais de patiner le plus vite possible même si je n'ai jamais eu de problème avec le jeu physique. »
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Il y a finalement eu cet amateur slovaque qui a amusé le public en commençant par relater les exploits de Nedomansky en Tchécoslovaquie dans les années 1960.
« Il était si bon qu'il transportait la rondelle d'un bout à l'autre de la patinoire avant de tirer tellement fort que l'arbitre ne voyait pas la rondelle rentrer dans le but, a-t-il conté comme le ferait Fred Pellerin. Je me souviens d'une fois où les arbitres ont dû scruter le filet pour trouver un trou dedans. »
Ce qui a fait dire à Nedomansky, sourire en coin : « Oui, je me souviens… »
Le même amateur, un fervent des Rangers, a raconté comment il s'y était pris pour se faufiler en imposteur au Madison Square Garden le soir de la conquête de la Coupe Stanley des Rangers en 1994.
« Je n'avais évidemment pas de sièges, a-t-il dit. J'ai fêté la victoire en m'achetant une crème glacée. »
Le divertissant loustic a dit avoir également vécu sur place, au Centre Molson à l'époque, la mémorable remontée des Canadiens de l'entraîneur Guy Carbonneau face à « ses » Rangers, dans un match en saison régulière, le 19 février 2008.