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TORONTO -Le contexte n'était pas exactement tel qu'il l'avait imaginé, mais le gardien de but substitut Curtis McElhinney avait envisagé que son moment de gloire surviendrait à la suite d'une performance désastreuse, d'une mésaventure, d'une blessure ou de tout autre événement catastrophique.
C'est bel et bien ce qui s'est produit samedi soir, laissant la foule du Air Canada Centre pétrifiée, silencieuse et suppliante. Le gardien de but Frederik Andersen, élément stabilisateur des performances des Maple Leafs de Toronto durant toute la saison, est tombé au combat, quittant la patinoire avec l'aide d'un soigneur après avoir été atteint à la tête par un genou de Tom Sestito. Andersen, conduit au vestiaire des Maple Leafs, n'est pas revenu au jeu.

Dans un moment aussi crucial, alors que la destinée de son équipe pesait lourdement sur ses épaules, le membre le plus âgé d'une équipe essentiellement reconnue pour sa jeunesse a réussi à stabiliser la ville de Toronto et les Maple Leafs. Même si l'un de ses coéquipiers a marqué malencontreusement dans son propre filet, jeu qui aurait pu faire toute la différence, McElhinney s'est signalé au moment le plus crucial, étirant la jambière gauche pour frustrer le meilleur joueur de son sport, Sidney Crosby, avec 48,3 secondes à écouler pour préserver l'avance des siens dans les derniers instants de la rencontre.

Dans une équipe regorgeant de jeunes vedettes, c'est McElhinney, un « vieillard » de 33 ans, qui est venu à la rescousse des Maple Leafs, réalisant les souhaits de l'équipe dans un revirement des plus inattendus et permettant à Toronto de l'emporter 5-3 contre les Penguins de Pittsburgh et de décrocher une participation en séries de la Coupe Stanley.
« C'est terrible. Andersen a été l'âme de cette équipe. Il a pris part à tellement de matchs cette saison, a déclaré McElhinney. C'est un vrai leader. Personne n'aime voir un coéquipier se blesser comme ça, mais c'est aussi l'occasion qu'un gardien de but attend pour prouver sa valeur. »
Son vœu s'est exaucé. Mais pas seulement pour lui. Ses coéquipiers et toute la ville de Toronto ont également pu partager ce moment de rêve.
« L'émotion était palpable sur le banc et dans les estrades, a confié le défenseur Jake Gardiner. Nous sommes vraiment fébriles en ce moment... Je n'ai jamais vu une ambiance aussi électrisante au Air Canada Center. Ça me rappelle notre série contre Boston il y a quatre ans. »
« Ça veut tout dire », a enchaîné Auston Matthews.
La soirée de samedi fut si riche en événements qu'il serait facile d'oublier certains moments marquants de la rencontre. En fin de soirée, le premier but du match - marqué par l'ancien attaquant des Maple Leafs Phil Kessel - semblait déjà s'estomper des mémoires.
En résumé, après que Kessel eut ouvert la marque à 6:11 de la première période, James van Riemsdyk a créé l'égalité 29 secondes plus tard, avant que Tyler Bozak ne donne l'avance aux Maple Leafs sur une passe magnifique de William Nylander à 3:30 de la deuxième période lors d'un jeu de puissance. Crosby a ramené les deux équipes nez à nez au cours d'une supériorité numérique à 7:55 de la deuxième période, puis Jake Guentzel a marqué un but qui aurait pu briser l'élan des Maple Leafs.
Guentzel venait de rater un filet désert et la destinée a semblé vouloir lui sourire, alors qu'un but inusité à 6:51 de la troisième période lui a été attribué après qu'une rondelle déviée sur le patin de Nikita Zaitsev et sur celui de Gardiner se soit frayé un chemin derrière McElhinney.
À en juger par la réaction des partisans des Maple Leafs, l'histoire semblait se répéter.
Mais Kasperi Kapanen a réussi son premier but (et son premier point) en carrière dans la LNH à 14:30, déclenchant de bruyantes célébrations. « Quel moment extraordinaire! », a confié van Riemsdyk. Puis, moins de trois minutes plus tard, soit à 17:12, Connor Brown a redirigé un tir de Gardiner pour donner l'avance aux Maple. Enfin, après un arrêt miraculeux de McElhinney aux dépens de Crosby, Matthews a logé le disque dans un filet désert avec quatre secondes à écouler au cadran pour célébrer son 40e but de la saison, ce qui permettait aux Torontois de pousser un soupir de soulagement collectif.
À vrai dire, qui n'était pas époustouflé?
La foule semblait bien trop occupée à vociférer, à applaudir et à chanter. Trop occupée à célébrer une victoire et une participation en séries qui semblait glisser entre les doigts de l'équipe alors qu'elle paraissait être une simple formalité il y a quelque temps.
« C'est plutôt étrange : ce match représente assez bien notre saison, a analysé van Riemsdyk. Nous n'avons jamais abandonné. Bien entendu, nous avons pris du retard et nous avons trouvé le moyen de le combler. »
Et d'accéder aux séries éliminatoires.
« Je suis fier des joueurs de l'équipe et suis content pour eux, a déclaré l'entraîneur Mike Babcock. Ils ont vraiment bien travaillé. En début de saison, j'ai dit au groupe d'entraîneurs de l'équipe que pour parvenir à nous tailler une place en séries, il nous faudrait attendre jusqu'au match ultime de la saison. J'avais prédit que ce serait une lutte de longue haleine. En fin de compte, nous avons atteint notre objectif en avance sur l'échéance. »
« En toute honnêteté, je ne pensais pas que nos jeunes seraient si bons. »
Malheureusement, tout ne fut pas parfait pour les Maple Leafs. Après le match, Babcock n'avait toujours pas obtenu une mise à jour de l'état d'Andersen, bien qu'il a déclaré que le gardien de but serait « idéalement » devant le filet des Maple Leafs ce dimanche pour disputer un autre match d'une grande importance pour Toronto. En effet, dimanche, en obtenant au moins un point contre les Blue Jackets de Columbus, les Maple Leafs pourraient ravir le troisième rang de la section Métropolitaine, ce qui leur permettrait de croiser le fer avec les Sénateurs d'Ottawa en première ronde des séries plutôt que de se mesurer aux Capitals de Washington, lauréats du trophée des Présidents.
Ces questions peuvent toutefois attendre au lendemain.
Pour le moment, les Maple Leafs peuvent se réjouir de participer à nouveau aux séries éliminatoires, soit pour une première fois depuis la saison 2012-2013 et pour une deuxième fois depuis la saison 2003-2004, et ce, un an après avoir terminé bons derniers au classement général de la LNH. Ces succès qui dépassent toutes les attentes reposent sur les joueurs recrues de l'équipe tels que Matthews, Nylander, Marner, Brown et Kapanen, mais également sur un héros aussi obscur qu'inattendu : un gardien de but substitut réclamé au ballottage en janvier.
« Mac a vraiment eu à se signaler en fin de match, a commenté Babcock. Il n'a pas eu à réaliser plusieurs arrêts, mais il a effectué des arrêts difficiles au moment où cela comptait le plus, ce qui est un exploit dans un match d'une aussi grande importance pour nos joueurs, pour l'équipe et pour toute la ville. »
En remplacement d'Andersen, McElhinney a répondu à l'appel, ce qu'il a fait jusqu'au moment où la sirène a confirmé la fin du match et la participation de l'équipe aux séries éliminatoires.
« Quand nous avons marqué notre cinquième but, j'ai cru que le toit de l'amphithéâtre allait s'envoler, a confié McElhinney. J'en avais des frissons. »