TBL-PIT_SJS-STL

Les quatre formations restantes en finales d'association ont, plus que tout, su gagner la guerre d'attrition que représente le tournoi des séries éliminatoires de la Coupe Stanley. À mon sens, les Sharks de San Jose et les Penguins de Pittsburgh représentent les deux formations les plus susceptibles d'accéder à la grande finale. Mais, bien franchement, il n'y a plus de bataille injuste, d'adversaire affaibli.

Blues de St. Louis contre Sharks de San Jose
Partons d'un constat, qui sonne désormais un peu comme un souhait : c'est l'année des Sharks. Lorsqu'on parle de guerre d'attrition à gagner, il y a quelque chose de symbolique dans la présence des requins en finale d'association. Éternels seconds derrière les Red Wings de Detroit, les Blackhawks de Chicago et les Kings de Los Angeles, les Sharks sont, depuis l'arrêt de travail de 2004-05,
la seule équipe à avoir franchi la barre des 500 victoires
en saison régulière (Detroit est deuxième, avec 499, Pittsburgh 3e avec 486). Ayant, enfin, battu les Kings en première ronde, ils ont maintenant à faire face aux Blues, eux-mêmes tombeurs des Blackhawks en première ronde.
Les Sharks ont, à 5 contre 4, obtenu 9 buts et dirigé 142 tentatives de tirs par tranche de 60 minutes jouées. C'est l'arme atomique qu'ils vont continuer à brandir contre les Blues, qui n'ont pas été des parangons de discipline jusqu'ici.
Les Blues, eux, s'amènent dans cette série forts d'un léger avantage à forces égales (+16/-12 buts, contre +13/-10 pour les Sharks), mais on doit se demander jusqu'à quel point la chose peut durer. Sur deux rondes, ils ont cumulé un avantage net aux buts marqués à 5 contre 5, +29 contre -22. Mais la formule de buts « attendus », développée à partir des informations données sur chaque tir par la LNH par Emmanuel Perry, responsable du site
Corsica.Hockey
, nous indique que les Blues ont jusqu'ici un score théorique de +29/-30 buts marqués dans cette situation. Toutes situations confondues, ils sont à +38/-40 en théorie, +44/-34 en pratique. Les Blues, bref, ont été portés par une excellente séquence de leur gardien Brian Elliott.
Les Sharks ont eux aussi bénéficié d'un apport exceptionnel de leur gardien, Martin Jones. Contre un score théorique de +35/-34 buts marqués, ils ont dans les faits affiché, toutes situations confondues, un différentiel de +41/-28 buts marqués.
Ces deux équipes ont jusqu'ici affiché une capacité similaire à contrôler le jeu à forces égales et, si les Sharks ont l'avantage sur le jeu de puissance, il semble bien que la série se jour d'abord et avant tout devant les filets. Ni Jones, ni Elliott ne nous ont habitués à ce genre de performances de manière systématique. Il semble donc que l'enjeu premier, avant le début des hostilités, est de savoir si l'un des deux cerbères finira par craquer.
Lightning de Tampa Bay contre Penguins de Pittsburgh
Malgré la performance plus que convaincante dans la victoire de 3-1 au match no 1 du Lightning (que je m'acharne, depuis le début des séries, à voir perdants à chaque ronde), je persiste à voir les Penguins comme favoris.
Je reviens à ces indices de buts accordés, parce qu'ils nous parlent de ce qui, dans les résultats obtenus, distingue les séquences heureuses de ce que chaque équipe peut accomplir indépendamment du hasard. Le Lightning a jusqu'ici bénéficié des faveurs de dame chance : leur différentiel réel de buts de +33/-20 est franchement à la marge de leur score théorique, soit +26/-29 buts marqués, toutes situations confondues. L'extrême performance aux buts accordés n'est pas en soi; Ben Bishop ne fait peut-être pas partie de l'élite de la LNH, mais il a été, toujours selon les scores attendus de Corsica.hockey, le 6e gardien le plus efficace de la ligue parmi ceux qui ont cumulé au moins 3000 minutes de jeu (soit environ 50 matchs joués). Peut-être jouait-il un peu au-dessus de ses moyens, mais on ne parle pas non plus d'une performance inattendue. Quand bien même Andrei Vasilievsky se montrerait dans la bonne moyenne, la perte de Bishop en raison d'une blessure lors du premier match reste donc, à première vue, extrêmement lourde à porter pour le Lightning.
Les Penguins, eux, ne partent pas d'aussi profond. Leur différentiel de but de +38/-28 est lui aussi supérieur aux sommets attendus de +37/-33. Mais la régression à attendre n'est pas la même.
J'en profite pour souligner un aspect somme toute évident, mais trop souvent outrepassé : les équipes qui se rendent à ce stade du tournoi de fin de saison sont toutes portées, à un degré plus ou moins accentué, par des séquences heureuses aux pourcentages. On préfère souvent ne pas trop souligner la chose parce qu'on a, semble-t-il, accepté qu'une certaine dose de chance réduisît, en quelque sorte, les mérites des équipes qui en bénéficient.
C'est regrettable. La chance, concrètement, ne se manifeste pas tant par des rondelles qui bondissent de toute part et des jeux invraisemblables, mais bien par des taux de succès plus élevés que la moyenne. La chance, bref, se manifeste aux yeux du spectateur sous forme d'arrêts spectaculaires et de buts sensationnels. On ne le dit pas assez.
Mais revenons, un dernier instant, aux Penguins. Ils ont su, depuis la blessure subie par Evgeni Malkin en février, construire une attaque redoutable autour de deux trios, l'un propulsé par Sidney Crosby, l'autre par Phil Kessel. Le retour de Malkin leur a donné trois formidables unités offensives qui les ont, jusqu'ici, propulsés malgré une défensive parfois défaillante. Il est évident que le groupe d'attaquants du Lightning, versatile, rapide et dénudé de quatrième trio « d'énergie » (entendre par là : peu habiles avec la rondelle) représente un défi d'une ampleur différente. Mais la force de frappe de ces trois unités reste, à mon sens, inégalée et, au bout du compte, difficile à contenir pour une équipe comptant sur un seul défenseur d'élite en Victor Hedman.
Le retour possible d'Anton Stralman
en défensive complexifie les choses pour les Penguins, mais je ne crois pas que ça va suffire.