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ST-PÉTERSBOURG, Russie - Tout juste débarqué de la KHL et parlant un anglais encore approximatif, Artemi Panarin a connu une première saison du tonnerre avec les Blackhawks de Chicago, terminant au sommet du classement des recrues de la LNH avec 30 buts et 77 points en 80 matchs.
Connor McDavid, le jeune prodige des Oilers d'Edmonton, a brillé cette année même s'il n'a disputé qu'une moitié de saison en raison d'une blessure. Après avoir été sélectionné au tout premier rang du repêchage 2015 de la LNH, McDavid a récolté 48 points en 45 matchs, lui valant - tout comme Panarin - une nomination pour le titre de recrue de l'année.

Le défenseur étoile des Flyers de Philadelphie Shayne Gostisbehere, qui n'est plus jamais retourné dans la Ligue américaine de hockey après avoir été rappelé par le grand club en novembre, complète le trio en lice pour le trophée Calder grâce à ses performances étincelantes sur le jeu de puissance et à sa moyenne impressionnante de 0,72 point par match.
Tous de très bons choix, cela ne fait aucun doute.
Mais qu'est-ce que ça dit sur une ligue lorsque les Jack Eichel, Max Domi et Sam Reinhart ne figurent même pas parmi les trois finalistes pour remporter ce prix?
Que c'est une « ligue de jeunes », comme l'a si bien dit le directeur général des Blue Jackets de Columbus, Jarmo Kekalainen, lors d'une conversation impromptue entre deux gorgées de café dans les coulisses de l'aréna Yubileiny.
« C'est la nouvelle Ligue nationale », a quant à lui déclaré Derick Brassard, l'attaquant québécois du Canada au Championnat du monde 2016 de la FIHG.
Et ils n'auraient tous les deux pas su mieux dire.
Parmi les 20 meilleurs pointeurs de la saison 2015-16 dans la LNH, 17 sont âgés de 30 ans ou moins, incluant sept de 25 ans ou moins, et sept ont fait le saut dans la Ligue nationale de hockey immédiatement après leur repêchage (huit, si l'on suppose qu'Alex Ovechkin aurait lui aussi joué dans la LNH dès sa première année d'admissibilité n'eût été le lock-out de 2004-05). Et de ces 20 joueurs, de Patrick Kane à Claude Giroux en passant par Sidney Crosby et Johnny Gaudreau, la grande majorité ont eu un impact instantané dans leur équipe respective dès leur arrivée.
« Les jeunes s'amènent maintenant dans la LNH plus gros, plus forts, plus rapides », a évoqué Bill Peters, l'entraîneur d'Équipe Canada et des Hurricanes de la Caroline. « Ils ont été bien dirigés, que ce soit à l'université ou dans la Ligue canadienne. Et lorsqu'ils amorcent leur carrière, ils ont immédiatement un impact. Le concept qui veut qu'un jeune joueur doive faire ses classes longtemps avant de faire le saut dans la LNH n'existe plus, on a besoin de ces jeunes tout de suite. Et ils sont capables de le faire grâce à leur sens du hockey incroyable et à leurs habiletés. Je ne crois pas que ça va changer dans un futur rapproché. »
« Ce qui m'impressionne le plus, c'est leur maturité autant en tant qu'individus que dans la salle d'entraînement, avec la manière dont ils prennent soin de leur corps », a quant à lui rétorqué Matt Hendricks, capitaine de la formation américaine et vétéran des Oilers. « Ils deviennent des professionnels beaucoup plus jeunes. Et sans cela, je ne crois pas qu'ils pourraient passer à travers une éprouvante saison de 82 matchs dans la LNH, en plus des séries, alors qu'ils affrontent des joueurs qui ont parfois deux fois leur âge. C'est extraordinaire que notre ligue puisse compter sur des têtes d'affiche aussi jeunes et talentueuses. »
D'après Taylor Hall, l'ailier des Oilers qui s'est classé 23e au classement des pointeurs à 24 ans cette année, la tendance s'étend même au-delà de la LNH.
« Même dans les ligues juniors, on voit souvent que les meilleurs joueurs sont les plus jeunes, a-t-il fait remarquer. Ainsi va notre sport ces temps-ci, c'est un sport qui mise sur la rapidité et il n'y a plus autant de bagarres qu'avant. C'est certain que tu as toujours besoin de vétérans qui amènent du leadership au sein de ton équipe, mais tu as aussi besoin de jeunes jambes et de joueurs qui peuvent voler sur une patinoire. Je crois vraiment que c'est vers là qu'on s'en va. »
Si l'on ne fait que prendre le repêchage 2013 de la LNH comme exemple, 28 des 30 joueurs sélectionnés en première ronde ont disputé au moins un match dans la grande ligue jusqu'à présent. Et de ce nombre, plusieurs sont déjà considérés comme des joueurs vedettes seulement trois ans plus tard. Rappelez-vous, c'était l'année des Nathan MacKinnon, Aleksander Barkov, Jonathan Drouin, Seth Jones, Sean Monahan, Domi… ai-je besoin de continuer?
« Ça en dit long », a mentionné Ray Shero, directeur général des Devils du New Jersey et conseiller spécial pour l'équipe américaine au Championnat du monde, en entrevue avec LNH.com. « Il y a beaucoup d'équipes qui dépendent de leurs jeunes joueurs, d'abord parce qu'ils sont capables d'en prendre. Ces jeunes sont si bons de nos jours et à un très jeune âge. Ils s'entraînent à longueur d'année, ils ont des entraîneurs spéciaux… Mais c'est aussi une question de plafond salarial; les équipes sont plus enclines à leur donner des chances. »
Pas surprenant que l'aspect de la masse salariale soit mentionné par un directeur général, mais il n'est évidemment pas négligeable. Stan Bowman, le directeur général des Blackhawks de Chicago, abondait dans le même sens que Shero. Selon lui, ce sont les contrats plus abordables des jeunes joueurs qui permettent souvent aux équipes de leur donner la chance de faire le saut immédiatement, ce qui n'aurait pas été le cas il y a 10 ans.
Mais peu importe qui l'on interroge, que ce soit joueurs, entraîneurs ou directeurs généraux, et peu importe quelles raisons on évoque, que ce soit une meilleure préparation des joueurs ou les contraintes du plafond salarial, tous s'entendent pour dire que cette propension à faire confiance aux jeunes ne va qu'augmenter dans les années à venir.
« Je pense que c'est une tendance qui est là pour rester », a déclaré Bowman, lui aussi conseiller pour Équipe États-Unis en Russie, lors d'un entretien avec LNH.com. « J'imagine que ce genre de choses peuvent survenir par cycles et que c'est difficile de prédire avec certitude, mais ces jeunes qui s'amènent et qui ont un impact immédiat sur leur équipe sont tellement nombreux, c'en est indéniable. De la manière dont ces jeunes s'entraînent et avec le nombre de bons entraîneurs qu'ils côtoient depuis leur tout jeune âge, ils sont plus prêts que jamais à rivaliser avec les meilleurs dans la LNH. »