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Luke Henman a mis du temps à comprendre ce qu'avait voulu dire son entraîneur Bruce Richardson en tentant de lui remonter le moral quand les Hurricanes de la Caroline l'ont informé qu'ils ne lui offriraient pas de contrat, deux ans après l'avoir repêché en 2018.

« Tant pis pour eux, tant mieux pour toi », lui avait lancé le pilote de l'Armada de Blainville-Boisbriand.
Difficile à saisir pour un jeune qui avait espoir de faire le saut chez les professionnels, mais qui se retrouve à la place devant un désaveu d'une équipe de la LNH et la perspective de demeurer dans la LHJMQ en tant que joueur de 20 ans. Mais mercredi, l'attaquant néo-écossais a tout compris.
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De retour sur le marché des joueurs autonomes, Henman a su charmer l'une des 31 autres équipes de la LNH, et est devenu le premier joueur de l'histoire à s'entendre avec le Kraken de Seattle, l'équipe d'expansion qui disputera sa saison inaugurale l'an prochain.
« C'est une journée très cool pour moi, a-t-il lancé en visioconférence. Quand tu grandis en jouant au hockey, ton rêve est de signer un contrat dans la LNH. Aujourd'hui est l'un des plus beaux jours de ma vie et je vais m'en souvenir pour le reste de mes jours. »
Une journée qu'il a d'ailleurs amorcée en payant une petite visite à son entraîneur, à l'hôtel où loge l'Armada à Québec pour les séries éliminatoires. La discussion qui s'en est suivie était complètement à l'opposé de celle que les deux hommes avaient eue quand Henman a appris la mauvaise nouvelle, il y a quelques mois.
« Il a cogné à ma porte pour me parler, a raconté Richardson. Il était à peine 9 h, je trouvais ça surprenant. Il m'a dit de m'asseoir, alors j'ai tout de suite pensé qu'il allait m'annoncer que quelque chose n'allait pas avec un autre joueur ou dans sa famille.
« Quand il m'a dit qu'il signait avec le Kraken, je me suis levé, j'ai sauté de joie et je l'ai pris dans mes bras. J'avais des frissons. Comme entraîneur, tu veux gagner des matchs de hockey et des trophées, mais tu veux voir tes gars avoir du succès. De voir ça, c'est incroyable. »
Malgré le premier échec - si on peut l'appeler ainsi - Henman s'est retroussé les manches et s'est servi de l'étrange campagne qui vient de passer pour démontrer son savoir-faire. Il a non seulement récolté 43 points, dont 16 buts, en 32 rencontres, mais il a affiché davantage de constance dans toutes les facettes du jeu.
En fait, il a simplement poursuivi sur la lancée qu'il s'était donnée l'an dernier, alors qu'il avait amassé 25 buts et 74 points en 63 matchs. C'est au terme de cette saison que les Hurricanes ont décidé de faire l'impasse sur lui et de le rendre à nouveau disponible à tous leurs rivaux.
« C'était décevant, mais dans la vie, il y a des hauts et des bas et tu dois faire face à de l'adversité, a philosophé le capitaine de la formation laurentienne. Je crois l'avoir assez bien gérée, et je me suis mis à travailler encore plus fort.
« Je crois avoir connu une bonne saison l'an dernier, mais j'ai foncé cette année et je me suis mis au travail. Je suis arrivé au camp avec la bonne attitude et l'objectif de prouver à tous qu'ils avaient pris la mauvaise décision. C'est une journée très excitante pour ma famille et moi. Je ne pourrais être plus heureux. »
Le visage de la concession
Pour encore quelque temps, donc, Henman sera le visage de la 32e formation de la LNH et son nom sera à jamais lié à l'histoire du Kraken. Et ça, Ron Francis y avait pensé. On peut croire qu'il s'agit d'une signature plutôt anodine, mais le directeur général voulait démarrer l'aventure sur des bases solides.
Il voulait un joueur qui incarnait bien la philosophie de l'équipe, et son personnel de recrutement l'a déniché pour lui.
« On a beaucoup pensé à l'aspect historique de la signature, a-t-il révélé. Le caractère est important et joue un grand rôle dans une organisation. C'est toujours facile quand tout va bien, mais quand ça se complique, ce sont les joueurs de caractère qui vont t'aider à t'en sortir.
« J'ai discuté à beaucoup de gens qui connaissent Luke, et son caractère revenait souvent dans les discussions. Le fait qu'il est le capitaine de son équipe depuis deux ans en dit aussi beaucoup sur ses qualités de leader. Tout ça a pesé dans la balance au cours du processus décisionnel. »
Richardson n'apprendra rien en écoutant Francis vanter les mérites de son nouveau joueur. Il le dirige depuis maintenant trois ans, et l'a vu faire des pas de géant autant sur la glace qu'à l'extérieur au fil du temps.
« C'est un professionnel, a conclu le pilote québécois. C'est un gars calme et extrêmement réceptif. Il ne trouve pas d'excuses. Il voulait passer à l'action et s'améliorer. Il a été capable de se regarder dans le miroir et de se prendre en main sans jamais blâmer les autres.
« Je dis toujours à mes joueurs que dans la vie, tu récoltes ce que tu sèmes. Le succès ne te sera pas donné; il faut que tu ailles le chercher. C'est ce que Luke a fait. »
Photo : Olivier Croteau / LHJMQ