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La jeune mère a pris son fils de trois ans, le soulevant pour qu'il puisse voir facilement de l'autre côté de la baie vitrée le va-et-vient des joueurs. Clayton Keller était petit à l'époque - il l'est encore aujourd'hui d'ailleurs - et il ne pouvait pas regarder le jeu sans un peu d'aide. Ils étaient à l'écart, regardant la patinoire, et elle a décidé de le soulever afin qu'il ait une meilleure vue.
Ses yeux se sont écarquillés.

« Il entendait toute l'action, les bruits, et à partir du moment où il les a vus jouer, il était incapable d'arrêter de les regarder, a décrit Kelley Keller. Je ne pouvais pas le tirer vers le bas. J'ai dû l'avertir, mais il est monté sur le rebord de la baie vitrée et est resté là, debout, à admirer et à poser des questions. Il a dit "c'est ce que je veux faire. Je veux juste jouer." »
Elle ne pouvait pas répondre à la plupart de ses questions. Elle ne s'y connaissait pas beaucoup en hockey à l'époque. Maintenant oui, avec Clayton, 19 ans, un attaquant recrue s'alignant pour les Coyotes de l'Arizona, et son frère Jake, 15 ans, jouant pour les Blues de St. Louis U15 AAA.
Tout a commencé ce jour-là. C'était une activité comme une autre : un match de hockey d'une école secondaire au désormais fermé U.S. Ice Sports Complex de Fairview Heights en Illinois. C'était après une leçon de patin et Kelley s'est dit que ce serait peut-être un bon moyen d'occuper son fils turbulent.
« C'était un petit garçon plutôt actif, a dit Kelley. Nous essayions toujours de trouver des façons pour lui faire passer le temps, l'occuper et le garder actif. »
Ce n'était pas censé être mémorable. Ce n'était pas censé être plus qu'un peu de divertissement. Ce n'était pas censé être quelque chose de très important.
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Quand Bryan Keller a grandi au Texas, il n'y avait pas beaucoup de patinoires, pas de Stars de Dallas, pas de hockey. Il n'avait jamais appris à patiner et, lorsqu'il a déménagé dans le coin de St. Louis en 1976 alors qu'il était au secondaire, il était beaucoup trop tard. Il ne voulait pas que la même chose arrive à son fils.
Quand Bryan, un comptable, travaillait la fin de semaine durant l'hiver, Kelley et Clayton se rendaient à la patinoire locale pour que Clayton puisse apprendre ce que son père avait raté, un manque que ce dernier a ressenti profondément lorsque le jeune couple a déménagé dans une maison près d'un étang, tôt après le mariage.
Clayton, une petite boule d'énergie, a commencé tranquillement et avec confiance.
« C'était un naturel dès le départ, a mentionné Bryan Keller. Je pense qu'il a patiné dès sa première leçon. »

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Il a également été chanceux. Une des filles dans sa classe avait abandonné rapidement après le début, délaissant la paire de patins pour le patinage artistique que ses parents lui avaient achetée. Ils ont été offerts à Clayton lorsque les parents de la jeune fille ont mentionné à ceux de Clayton qu'elle ne les utiliserait plus, car elle ne reviendrait pas.
Clayton ne demandait rien de moins.
Même avant de maîtriser le patinage, il voulait jouer au hockey, après ce premier aperçu du match de l'école secondaire. Avant chaque leçon, il demandait s'il pouvait prendre son bâton et sa rondelle et jouer comme les hockeyeurs de l'école. Il pleurait quand on lui disait qu'il était trop tôt, qu'il devait apprendre à patiner avant d'apprendre à jouer au hockey.
Il a eu son premier bâton à l'âge de quatre ans. Ça représentait tout pour lui.
« Il disait que ce bâton était magique, a dit Kelley. On l'a trouvé endormi dans son lit avec son bâton. Il croyait qu'il y avait de la magie dans son bâton et qu'il marquerait des buts. »
Il n'avait pas tort.
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Au cours de ses 16 premiers matchs en tant que recrue cette saison, Clayton Keller a marqué 11 buts, et il a amassé 25 points, 12 buts et 13 assistances en 35 matchs. Il s'est immergé, a déplacé des rondelles, pratiqué des feintes et agi comme quelqu'un de beaucoup plus vieux que 19 ans. Sa confiance est venue dès le moment où il a sauté sur la glace pour le camp d'entraînement des Coyotes.
« Il n'est pas peureux », a affirmé l'entraîneur-chef des Coyotes, Rick Tocchet.
Il ne l'était pas à l'époque. Il ne l'est pas maintenant.
Il a joué trois matchs la saison dernière, rejoignant l'alignement immédiatement après avoir signé un contrat avec les Coyotes au terme de sa saison à l'Université de Boston, et récolté deux assistances dans ces trois rencontres, donnant un aperçu à l'équipe de ce qui l'attendait.
« J'ai travaillé tout l'été pour atteindre ce but, celui de faire l'équipe cette saison, et quand j'étais au camp, je savais que j'étais prêt, que je devais et que j'allais faire partie de l'équipe, a mentionné Keller, sélectionné au septième rang total par les Coyotes au repêchage 2016 de la LNH. Il n'y avait aucun doute dans mon esprit que je ferais partie de cette formation. »
Cela dit, personne n'aurait pu prédire le début de saison qu'a connu Keller.
« Tu es tellement heureux et si fier de lui, mais de temps en temps, tu te demandes "est-ce que c'est réel?" », a avoué Kelley.
Ça l'est.
Après tout, beaucoup de gens dans le monde du hockey comparent Keller à l'attaquant des Blackhawks de Chicago Patrick Kane sans se soucier de mettre trop de pression sur les épaules d'un jeune qui n'est pas bien plus qu'un enfant.
« C'est un joueur tellement dynamique », a décrit son ancien coéquipier à l'Université de Boston et actuel défenseur des Bruins de Boston Charlie McAvoy. Il a les habiletés, les mains et la vision de Patrick Kane. Lorsqu'il tire, il dégaine rapidement, et il est vite. Presque comme Patrick Kane. »
« Tu penses à Clayton, à son potentiel et à ce qu'il pourrait devenir. Il pourrait être le Patrick Kane de la prochaine génération. »
Il a tout : les habiletés, le sens du hockey, l'intelligence, la vision, le lancer et il fait tout sans effort. Il peut batailler dans les coins de patinoire avec une férocité qui va à l'encontre de ses 5 pieds 10 pouces et 170 livres, une taille qui incite les comparaisons avec Kane.
« Il a les deux éléments nécessaires pour être spécial : il a un talent de niveau élite et il compétitionne à un niveau élite, a soumis l'entraîneur-chef de l'Université de Boston, David Quinn. Il n'arrête jamais et il est coriace. Quand tu combines son intelligence hockey et ses habiletés, qui sont de niveau élite, avec sa compétitivité et le fait qu'il est dur, tu te retrouves avec un joueur spécial et je me fous de sa grandeur. »
Particulièrement parce que dans la LNH d'aujourd'hui, comme l'a indiqué Quinn, les joueurs n'ont plus besoin d'être gros. Ils doivent être rapides, talentueux et féroces. Ils doivent batailler pour la rondelle. C'est ce qu'est Keller, un joueur assez bon pour être deuxième chez les recrues de la LNH au chapitre des buts, à égalité à 12 avec Alex DeBrincat des Blackhawks et cinq derrière l'attaquant des Canucks de Vancouver Brock Boeser.
« Évidemment, ce qu'il a été capable d'accomplir est remarquable. Son départ avec 11 buts, c'est du jamais vu, mais sa façon de contrôler la rondelle à un si jeune âge et le fait qu'il n'a pas peur de faire des jeux, je pense que ça joue un grand rôle », a expliqué son coéquipier Christian Fischer.
« Il n'est pas du tout arrogant, mais lorsqu'il a la rondelle, il est tellement confiant. C'est épeurant quand tu arrives au camp d'entraînement, car tu ne veux pas faire d'erreurs, mais lui, il fait quand même ces jeux à haut risque parce qu'il sait qu'il peut les réussir. »
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Il y a un monde dans lequel Clayton ne joue pas au hockey. Il apprend à patiner, bien entendu, mais ça ne va pas plus loin. Il gravite autour du golf, une discipline à laquelle il excelle, ou dans un autre sport, comme le reste de ses amis. Il n'apprend jamais de Jeff Brown ou de Keith Tkachuk, ne fait jamais partie d'une cuvée historique au repêchage de 2016, au sein de laquelle cinq joueurs de la région de St. Louis sont choisis en première ronde (Matthew Tkachuk, 6e au total par les Flames de Calgary, Logan Brown, 11e au total par les Sénateurs d'Ottawa, Luke Kunin, 15e au total par le Wild du Minnesota, Trent Frederic, 29e au total par les Bruins de Boston).

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« Ce n'était pas sur notre radar, a confié Kelley. Le hockey est quelque chose auquel nous n'aurions jamais pensé. Personne dans notre famille non plus. »
Mais il y a eu un aréna local, une leçon de patin et une occasion. Et Kelley a ensuite soulevé son fils pour lui permettre de voir son avenir.