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MONTRÉAL - Jacques Demers se démarque en étant le plus récent entraîneur à avoir réussi quelque chose de notable pour deux des concessions-phares de la LNH.
Il aimerait bien se défaire d'une des distinctions. Et il n'aurait pas le cœur brisé s'il devrait garder l'autre.

Demers a mené les Canadiens de Montréal vers leur 24e et plus récente conquête de la Coupe Stanley contre les Kings de Los Angeles en 1993. C'est là la dernière fois qu'une équipe canadienne a remporté le championnat.
« J'ai hâte que les Canadiens en gagnent une autre pour faire en sorte qu'on ne dise plus que je suis le dernier entraîneur à Montréal à avoir remporté la Coupe », a-t-il lancé en riant en provenance de Hallendale, en Floride.
Trois ans plus tôt, Demers devenait le dernier entraîneur des Red Wings de Detroit à rater les séries éliminatoires de la Coupe Stanley, alors que l'édition 1989-90 de l'équipe avait terminé au cinquième et dernier rang dans la section Norris.
Les Red Wings se sont qualifiés pour le tournoi printanier à chacune des 24 saisons qui ont suivi depuis ce temps. Ils ont décroché la Coupe Stanley quatre fois durant cette séquence, en plus d'atteindre la finale à deux autres reprises.
Les Red Wings affronteront les Canadiens, mardi soir, après avoir signé la veille une victoire serrée de 3-2 à domicile contre les Sabres de Buffalo. Detroit se trouve à égalité avec les Flyers de Philadelphie dans la bataille pour l'obtention de la deuxième et dernière place de quatrième as donnant accès aux séries dans l'Association de l'Est. Les deux équipes ont 87 points au classement.
Les Flyers, qui ont défait les Jets de Winnipeg 3-2 en prolongation, lundi, ont encore sept matchs à disputer, un de plus que les Red Wings. Les Islanders de New York ont deux points d'avance sur les deux équipes avec huit rencontres à disputer tandis que les Bruins de Boston ont un point d'avance avec huit affrontements à faire.
La séquence de 24 saisons d'affilée en séries des Red Wings est donc en danger. Mais pourillustrer à quel point celle-ci est exceptionnelle, il suffit de mentionner que neuf membres de la formation actuelle de 23 joueurs n'étaient pas nés la dernière fois où Detroit avait été exclu du portrait des séries.
« C'est un record incroyable, a souligné Demers. C'est tellement une grande organisation. Je suis content d'en avoir fait partie, d'être parti de zéro avec la pire équipe du hockey pour ensuite l'améliorer dans une certaine mesure. Tu voudrais que ça ne s'arrête jamais. »
En 1985-86, Demers avait mené les Blues de St. Louis en finale de l'Association de l'Ouest face aux Flames de Calgary. Ceux-ci avaient remporté la série quatre-de-sept avant de s'incliner en cinq matchs contre les Canadiens en finale de la Coupe Stanley. De leur côté, les Red Wings avaient terminé au dernier rang de la Ligue avec une fiche de 17-57-6.
Demers n'avait plus d'emploi en 1986-87; le propriétaire des Red Wings Mike Illitch s'est amené et lui a accordé un contrat de cinq ans au montant de 1,1 million $, ce qui avait fait de lui l'entraîneur le plus riche dans le monde du hockey à l'époque - mais aussi le 17e entraîneur en 18 saisons à s'amener à la barre de l'équipe.
À Detroit, Demers a obtenu des résultats immédiats et s'est rendu jusqu'en finale de l'Association de l'Ouest en 1987. Les Red Wings ont alors obtenu 78 points, presque le double de leur récolte de la saison précédente. Demers a remporté le trophée Jack-Adams remis à l'entraîneur de l'année, se voyant ainsi récompensé pour avoir orchestré ce dramatique revirement de situation.
Demers est devenu très populaire auprès de ses joueurs et des partisans de l'équipe, alors qu'il était allé jusqu'à inviter les épouses des joueurs à dîner afin de les remercier pour « toutes les petites choses qu'elles font pour aider ».
L'entraîneur connaissait ses forces et, ce qui est tout aussi important, ses limites.
« Je ne suis pas un gars de 'X' et de 'O', a-t-il souligné. Je le savais et je l'ai dit aux joueurs. Mais je leur ai dit, 'Je peux vous donner du leadership, de la communication et m'assurer que tout le monde travaille ensemble et joue en équipe afin qu'on connaisse du succès ensemble'. Un entraîneur, c'est un vendeur. J'ai vendu le concept à l'équipe, je l'ai vendu à mon capitaine, Steve Yzerman, et on s'est mis en route à partir de là. Évidemment, on a bien fait. »
Demers a ensuite mené les Red Wings en finale de l'Association de l'Ouest au printemps 1988, remportant de nouveau le Jack-Adams, ainsi qu'en demi-finales de la section Norris en 1989 avant de rater les séries à l'issue de la saison 1989-90.
Illitch a surpris le monde du hockey en congédiant Demers alors qu'il restait trois ans à faire à son contrat. Son successeur, Bryan Murray, est donc celui qui a lancé la séquence actuelle de 24 présences d'affilée en séries dès la saison suivante, en 1990-91.
« Ç'a fait mal quand j'ai été congédié,mais je n'ai jamais dit quelque chose de négatif sur ces gens-là, a noté Demers. Ça m'a fait mal mais c'est la vie. Ils m'ont payé tout ce qu'ils me devaient. J'ai le plus grand respect pour ces gens-là. »
Demers porte encore les Red Wings dans son coeur et il aime bien leur entraîneur actuel, Jeff Blashill, qui a succédé à Mike Babcock après que celui-ci eut été à la barre de l'équipe pendant une décennie.
« Je me sens mal pour Jeff, a dit Demers. Je me souviens que, peu importe que ce soit avec les Canadiens ou Detroit ou St. Louis, je ne voulais jamais rater les séries. Je suis certain que Jeff est un bon entraîneur, il a remporté (la Coupe Calder) dans la Ligue américaine de hockey. Mais certain de ses joueurs n'ont pas affiché le niveau nécessaire et des vétérans plus âgés comme Henrik Zetterberg et Pavel Datsyuk … ils sont parmi les meilleurs joueurs au monde, mais ils ne peuvent plus transporter une équipe sur leurs épaules comme ils le faisaient avant. »
Selon Demers, un parcours remarquable comme celui de Detroit n'arrivera plus en raison de la parité qui existe dans la Ligue et de la présence d'un plafond salarial. Les Penguins de Pittsburgh occupent une lointaine deuxième place à ce chapitre avec neuf participations consécutives dans les séries.
« Los Angeles a remporté la Coupe Stanley en 2014 et a raté les séries l'an dernier, a fait remarquer Demers. Tu ne peux plus bâtir une équipe comme tu pouvais le faire avant.
« Si la séquence des Red Wings se termine cette saison, c'est la vie. Mais honnêtement, j'aimerais qu'elle continue et ne s'arrête jamais. Je suis prêt à vivre avec le fait que les gens vont continuer de dire que 'Jacques Demers a été le dernier entraîneur à avoir raté les séries à Detroit'. »