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Il régnait une atmosphère de fête, mais aussi un climat d'appréhension dans la salle de presse du Centre Videotron de Québec, le 28 octobre dernier.

La fête, d'abord, parce que les Remparts de Québec célébraient, ce soir-là, l'illustre carrière de Guy Lafleur en lui organisant une grande cérémonie pour le retrait de son chandail numéro 4 à travers la Ligue de hockey junior majeur du Québec. On allait se remémorer ses deux grandes saisons avec les Diables rouges.
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Une poignée de ses anciens coéquipiers étaient réunis dans un coin de la salle et ressassaient des souvenirs de ces deux années passées aux côtés du Démon blond dans la capitale nationale. Ils riaient à gorge déployée, comme si on était revenus 50 ans en arrière.
Puis, il y avait l'appréhension.
Un mois plus tôt lors d'une cérémonie du même genre à Gatineau, Lafleur avait révélé qu'il entreprendrait sous peu une phase plus agressive de son traitement expérimental contre sa récidive du cancer du poumon.
Les rumeurs voulaient qu'il soit très affaibli et on ne savait même pas s'il allait accepter de rencontrer les médias avant la cérémonie. On aurait tous dû se douter qu'il le ferait quand même parce que Guy Lafleur - du peu que je l'ai côtoyé comme journaliste - a toujours été disponible.
Quand il s'est mis à répondre aux questions, on a tous constaté qu'il avait le souffle beaucoup plus court que quelques semaines auparavant. Il était assez clair que ce point de presse de dix minutes lui avait demandé un grand effort. Mais il tenait à y être, comme s'il savait que ce serait sa dernière apparition publique.
« Dans la vie, il ne faut rien laisser passer, avait-il dit. Chaque opportunité, chaque évènement auquel on peut assister, c'est important d'y être si on est capable. Il faut savourer chaque moment. »
Quelques minutes plus tard, après une longue ovation des amateurs de Québec et des témoignages venus de tous les horizons, il s'est dressé droit comme un pic derrière le lutrin au centre de la glace. Il s'est alors mis à livrer un discours ponctué de blagues avec une énergie complètement renouvelée.
Quand on sait qu'il avait dû prendre une longue pause pour récupérer après son point de presse et que les organisateurs ignoraient jusqu'à la dernière seconde si le Démon blond allait avoir la force de prendre la parole pour remercier ses partisans, ç'avait de quoi impressionner.
Il ne fallait pas s'en surprendre, parce que comme le collègue Robert Laflamme me l'avait écrit après la cérémonie : « Le gars est une force de la nature ». Il avait puisé dans l'énergie que lui avait fournie la foule, comme il l'a fait tout au long de sa carrière.
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Et il aura grandement profité de cet amour pendant qu'il le pouvait. C'est ce qu'il voulait avant tout.
« Normalement, les honneurs tu les reçois quand tu meurs, calvasse », avait-il rigolé lors de l'annonce du retrait de son numéro à travers la LHJMQ. « J'ai l'opportunité de recevoir tous ces honneurs de mon vivant. Il n'y a pas de mots qui existent pour exprimer comment j'apprécie ça.
« J'ai la chance de vivre le moment présent et de pouvoir en profiter. »
Le grand numéro 10 ne voulait pas rater sa sortie. Ce soir-là, à quelques centaines de mètres du Colisée où tout a commencé, il a réussi ses adieux au public qui l'a admiré pendant tant d'années.
Crédit photo: Jonathan Roy/Remparts de Québec