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Cinq équipes ont congédié leur entraîneur au cours de la saison. Ces gestes sont toujours posés dans l'espoir de réveiller une équipe qu'on considère comme capable d'accéder aux séries éliminatoires et de performer une fois qualifiée. On sait, depuis que le blogueur Benjamin Wendorf a examiné le sujet en détail, que ces changements sont habituellement payants à court terme, mais que les données indiquent que l'impact est essentiellement sur la fiche du club; les indicateurs sous-jacents, eux, ne tracent pas un portrait aussi contrasté.
Deux éléments expliquent, je le soupçonne, ce phénomène. D'une part, un nouvel entraîneur hérite de la même équipe que son prédécesseur. D'autre part, les entraîneurs le disent tous, toutes les équipes jouent aujourd'hui un style de jeu similaire, du moins à 5-contre-5. On ne doit donc pas se surprendre de voir les résultats ci-dessous. Je note un dernier élément : les différences me semblent plus appuyées sur les unités spéciales, une phase du jeu où les décisions des entraîneurs ont plus d'impact.

Pour ce genre de comparaison, j'aime bien utiliser les « buts prévus », tels que calculés sur le site corsica.hockey, qu'on peut en gros associer à une version améliorée des chances de marquer, qui tiennent compte de la totalité des tirs obtenus et non des seuls confinés à une zone de la glace.
À 5-contre-5, il est fascinant de voir qu'un seul des quatre nouveaux entraîneurs a eu jusqu'ici un impact positif, et encore de peu. Les Islanders de New York ont vu leur part de buts prévus augmenter d'un gros pour cent depuis l'arrivée de Doug Waite à leur tête. On est loin du changement majeur. Les autres entraîneurs ont vu leur arrivée coïncider avec une baisse plus ou moins marquée de cette même part.

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À 5-contre-4, c'est le contraire; trois des quatre nouveaux entraîneurs ont eu un impact positif! Encore plus comique, Bruce Cassidy, qui a remplacé Claude Julien avec les Bruins de Boston et… Claude Julien, qui a remplacé Michel Therrien avec les Canadiens de Montréal sont ceux qui ont eu le plus gros impact!

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Il est possible qu'on ait ici en partie affaire à un simple effet de petit échantillon. Cassidy et Julien ne sont pas à la tête de leurs clubs respectifs depuis très longtemps, les choses peuvent tout aussi bien régresser d'ici le début des séries éliminatoires.
À 4-contre-5, l'impact est encore plus net. Tous les entraîneurs semblent avoir joué un rôle positif, diminuant manifestement la part de buts prévus par heure jouée. Notons quand même que Mike Yeo, des Blues de St-Louis, a eu le plus faible impact.

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Je me demande si ce n'est pas en partie le reflet d'un entraîneur qui, plus que tous les autres, s'inscrit dans la continuité de son prédécesseur. Yeo, après tout, est arrivé à St-Louis l'été dernier comme assistant à Ken Hitchcock avec le mandat clair de se préparer à prendre la relève du vétéran à la fin de la présente saison. Dans son cas, on semble simplement avoir devancé l'échéance.
Reste que les entraîneurs sont la plupart du temps congédiés non pas parce que leur club performe mal, mais parce que la malchance frappe. C'est de moins en moins vrai, alors que l'analyse statistique se répand dans les bureaux de directions et qu'on distingue de manière de plus en plus rigoureuse ce qui dépend des façons de faire de ce qui est simplement attribuable aux variations parfois massives de la chance dans un sport excessivement chaotique.
Deux des cinq entraîneurs congédiés bénéficiaient de pourcentages favorables depuis le début de la saison. Michel Therrien et Jack Capuano avaient un pourcentage cumulé (PDO), (les taux additionnés de réussite des tireurs et d'arrêts des gardiens à 5-contre-5) supérieur à 100 pour cent. Dans les deux cas, donc, on a fait fi de ces pourcentages et, dans le cas de Therrien, on a même fait fi d'une première moitié de saison plus que satisfaisante sur les taux de possession.
Gerard Galant et Ken Hitchcock n'étaient pas excessivement malchanceux, mais dans le cas de Claude Julien (j'en ai parlé dans un article précédent), les taux étaient particulièrement cruels.

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En fait, Cassidy jouit ces jours-ci d'une faveur exactement inverse de dame chance par rapport à son successeur, avec un taux cumulé de 103 pour cent depuis son arrivée. Les Bruins sont une très bonne équipe, mais on doit garder à l'esprit qu'il y a un peu d'air chaud dans tout ça.
L'impact à attendre d'un changement d'entraîneur, au-delà de l'atmosphère du vestiaire (qui ne se mesure pas, on me le rappelle souvent!), aurait donc surtout un impact sur les unités spéciales, ou la réorganisation tactique d'effectifs réduits aurait un plus grand impact. Pour ce qui est du reste, les entraîneurs sont encore et toujours, surtout à court terme, à la merci des caprices de la chance. Tom Rowe, qui a vu son équipe perdre aux pourcentages cumulés depuis son arrivée alors qu'elle sous-performait déjà, l'apprend ces jours-ci à la dure, alors que son équipe semble condamnée à manquer le rendez-vous printanier.