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Les séries éliminatoires ont commencé sur une fausse note à Montréal. Les Canadiens n'ont pas su trouver la clé de l'énigme posée par la structure défensive des Rangers de New York. Et c'est ainsi que les hommes d'Alain Vigneault ont renversé leurs adversaires dans la situation où, précisément, les statistiques les donnaient perdants : à 5-contre-5. À l'aube du deuxième match de la série, je me permets de vous suggérer une clé de lecture importante pour la suite des choses.

On a fait beaucoup de cas des problèmes du tandem défensif composé de Nikita Nesterov et Nathan Beaulieu, mais ils ne sont pas les seuls responsables du dérapage. Les Rangers ont en effet réussi à contrôler le jeu à 5-contre-5 de manière générale en se concentrant sur leur propre ligne bleue.
La recette a fonctionné. Les Rangers ont plus que doublé leurs adversaires aux chances de marquer à forces égales (11 contre 5) et ont su gommer pour l'essentiel les menaces vers l'enclave. Les Canadiens n'ont réussi que 6 de leurs 12 passes tentées vers l'enclave, la première réussite arrivant en deuxième période.
La base de ce succès se trouve dans un repli défensif extrême, que j'hésite à qualifier de trappe tellement il laisse la zone neutre à l'adversaire. Les Rangers ont constamment dégagé la rondelle (50 contre 24), peu importe le score, et n'ont pas outre mesure cherché à contester la sortie de zone des Canadiens, ceux-ci complétant le total astronomique de 61 sorties de zone en contrôle de la rondelle, sur 75 tentatives. Les Rangers, eux, en ont effectué 35 en 46 tentatives.

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Par contre, comme on le voit dans le graphique ci-dessus, les Rangers ont continuellement mis en échec les entrées de zone dans leur territoire. Pas moins de 17 des 43 tentatives des Canadiens se sont soldées par un échec, alors que les Rangers ont réussi 18 de leurs 22 tentatives.

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Mais, dans les données représentées dans les graphiques ci-dessus (il s'agit de mes propres compilations), un élément en apparence identique nous permet de mieux comprendre là où le match s'est joué.
Les Canadiens ont effectué 28 rejets en zone offensive, contre 31 pour les Rangers. Dans le détail, on constate une profonde différence d'approche. Les Canadiens utilisent énormément leurs défenseurs pour renvoyer la rondelle en fond de zone ennemie, permettant ainsi à leurs attaquants de se lancer en échec avant. Les Rangers, au contraire, confient presque exclusivement les rejets en zone adverse à leurs attaquants, les défenseurs étant sur ce point étonnamment passifs.

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Ces données m'ont surpris parce que les défenseurs des Rangers, justement, sont très agressifs dans leur moitié de zone neutre, notamment pour confronter les attaquants des Canadiens désireux de transporter le disque dans leur zone. Seulement voilà. La clé du bouclage défensif des Rangers se trouve dans l'accent extrêmement prononcé mis sur le rôle des attaquants lors des situations de transition vers leur zone défensive. On le voit bien lorsqu'on regarde la position du joueur qui récupère la rondelle lorsque l'autre équipe rejette la rondelle dans sa zone.
Chez les Canadiens, les défenseurs travaillent sur ce point en tandem, alors que les Rangers divisent ici les tâches entre attaquants et défenseurs.

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En fait, il est saisissant de voir à quel point les attaquants des Rangers sont impliqués dans cette phase du jeu défensif. Cette implication permet à leurs défenseurs de rester bien plus longtemps en zone neutre lorsque l'adversaire approche. Cette tactique est utilisée pour forcer les adversaires à entrer en zone défensive par la bande et à les y garder en s'assurant de les faire suivre par un attaquant qui arrive lui aussi de la zone neutre. La perte de vitesse associée au pivot ou encore au patinage à reculons du défenseur qui se replie est donc minimisée par le fait qu'on ne lui demande pas absolument de garder la ligne, mais plutôt d'empêcher l'adversaire de couper au centre avant de la franchir, donnant ainsi le temps aux attaquants de faire leur part.
Cette tactique n'est pas sans rappeler celle utilisée par les Penguns de Pittsburgh, qui ont un groupe d'attaquants rapides et talentueux appuyé par une brigade défensive plutôt ordinaire hormis Kristopher Letang.
Ça fonctionne pour les Rangers, du moins pour l'instant. Mais Ryan McDonagh n'est pas Letang, et si les meilleurs attaquants des Rangers excellent en défensive, on n'y trouve pas de talent du calibre de Sidney Crosby ou Evgeny Malkin. Il est donc peu probable que l'on voit les Blue Shirts faire cette saison le coup des Penguins de 2016. Mais le système est bien implanté et les Canadiens ont été complètement paralysés par son application. Claude Julien refuse de paniquer (grand bien lui fasse) et de chambouler son alignement, et on le comprend. Le problème des Canadiens n'est peut-être pas tant du côté du personnel en place que sur le plan tactique : on va devoir trouver une parade.