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Sergei Makarov et ses nouveaux coéquipiers chez les Flames de Calgary commençaient seulement à se connaître durant une série de matchs amicaux en Tchécoslovaquie et en Union soviétique, en septembre 1989, quand il a invité ses compagnons de trio Gary Roberts et Joe Nieuwendyk à souper à son logement à Moscou.
Après avoir pris un minuscule ascenseur qui ne pouvait accueillir que deux personnes pour se rendre au dernier étage, Roberts et Nieuwendyk ont été frappés par deux choses : à quel point le logement de Makarov était petit, et à quel point sa collection de trophées était vaste.

« La première chose dont je me souviens, c'est d'être entré dans son logement et il y avait cette petite pièce d'environ 100 pieds carrés qui était un endroit pour s'asseoir et qui était remplie de trophées en cristal qu'il avait remportés, a indiqué Roberts. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé à quel point c'était un bon joueur. »
Makarov, qui a maintenant 58 ans, sera intronisé au Temple de la renommée du hockey lundi prochain pour l'ensemble des exploits qu'il a réalisés au cours de sa carrière, notamment à l'occasion de ses sept saisons dans la LNH avec les Flames, les Sharks de San Jose et les Stars de Dallas. Mais il en a probablement assez fait durant ses 11 années avec l'équipe nationale soviétique et ses 13 saisons avec l'équipe de l'Armée rouge pour mériter sa place au Panthéon même en faisant abstraction de son séjour en Amérique du Nord.
Sur la scène internationale, l'athlète originaire de Tcheliabinsk, en Russie, a remporté huit médailles d'or en Championnats du monde, deux médailles d'or olympiques et une autre d'argent, deux médailles d'or au Championnat du monde junior ainsi que le tournoi de la Coupe Canada en 1981. Il a été le meilleur pointeur du Championnat soviétique neuf fois et le meilleur buteur à trois reprises, il a été proclamé Joueur soviétique de l'année trois fois et il a nommé au sein de l'équipe d'étoiles de la ligue soviétique à 10 reprises.
Au sein du célèbre trio KLM qu'il composait avec Vladimir Krutov et Igor Larionov, Makarov a inscrit 322 buts et 710 points en 519 matchs avec l'Armée rouge. En trois Jeux olympiques, il a totalisé 11 buts et 28 points en 21 rencontres, et au fil de trois tournois de la Coupe Canada, il a marqué 16 buts et récolté 31 points en 22 affrontements.
En 11 participations au Championnat du monde, il a trouvé le fond du filet 56 fois et amassé 123 points en 101 matchs.
« Ce sont des statistiques de première classe, sans aucun doute, a souligné Larionov, qui a été intronisé au Temple de la renommée en 2008. Mais il y a aussi le fait qu'en tant qu'un des meilleurs joueurs du monde du hockey quand il s'alignait avec l'équipe nationale soviétique aux Jeux olympiques et au Championnat du monde, puis quand il est allé en Amérique du Nord et dans la LNH en 1989, il a affiché une constance remarquable. »
Makarov avait 31 ans quand les instances soviétiques lui ont donné la permission de jouer dans la LNH en 1989-90. Il a remporté le trophée Calder cette saison-là après avoir inscrit 24 buts et 86 points en 80 matchs.
Makarov rit encore quand on lui parle de la controverse que cela avait provoquée ; ç'avait mené à la « règle Makarov », stipulant qu'un joueur doit avoir 26 ans ou moins pour être admissible au trophée remis à la recrue de l'année. Homme de peu de mots, surtout quand c'est de lui qu'on parle, Makarov n'a pas voulu dire où se classe ce trophée dans la hiérarchie de ses nombreuses réalisations.
« Il n'y a pas une chose qui était plus importante que les autres parce que j'ai connu une longue carrière et j'ai vécu beaucoup de belles choses », a-t-il dit.
Et que signifie pour lui le fait d'avoir été élu au Temple de la renommée du hockey ?
« Évidemment, je suis content comme tout le monde », a-t-il déclaré.
Ceux qui ont joué avec et contre Makarov estiment que son style de jeu lui permettrait de bien paraître dans la LNH actuelle. Un ailier droit de cinq pieds 11 pouces et 195 livres, il réussissait à garder la rondelle loin de ses opposants en raison de son solide bas du corps, mais il avait aussi la vitesse pour les contourner et se faufiler derrière eux pour aller marquer ou alimenter un coéquipier.
« C'était un grand joueur », a affirmé Pavel Bure, un membre du Temple de la renommée depuis 2012 qui a joué aux côtés de Makarov avec l'Armée rouge. « Il pouvait battre l'équipe adverse à lui seul. Il pouvait déjouer chacun des cinq joueurs sur la glace et aller marquer. J'ai eu un coup de chance. J'ai pu jouer avec lui quand j'avais seulement 16 ans et j'ai eu l'occasion de jouer au sein du même trio que lui quand j'avais 17 ans, ce qui était incroyable. »
Larionov voit des similitudes entre Makarov et l'attaquant des Blues de St. Louis Vladimir Tarasenko, et aussi avec Patrick Kane des Blackhawks de Chicago. Roberts le compare à Jaromir Jagr, des Panthers de la Floride.
« Jaromir Jagr est costaud et il protège la rondelle aussi bien que Sergei Makarov le faisait, a noté Roberts. Sergei Makarov faisait comme lui. Il contrôlait la rondelle et faisait ressortir son gros derrière, il écartait les pieds et tu n'étais pas capable de soulever son bâton pour lui faire perdre la rondelle. »
Bien qu'on l'associe d'emblée au trio KLM, Makarov explique ses succès par le fait qu'il ait pu jouer au sein du même groupe de cinq joueurs. Surnommé « l'unité verte » en raison de la couleur des chandails qu'ils portaient à l'entraînement, le quintette en question était composé de Krutov, Larionov et Makarov ainsi que des défenseurs Viacheslav Fetisov et Alexei Kasatonov.
« Ce n'est pas correct de parler de trois joueurs parce que nous étions cinq, a souligné Makarov. Nous jouions ensemble avec l'Armée rouge et nous jouions ensemble avec l'équipe nationale. Ce qui était bien, c'est que nous passions beaucoup de temps ensemble et nous nous connaissions bien. Chacun d'entre nous savait quels rôles les autres allaient jouer, comment patiner et comment relayer la rondelle avec efficacité. Quand vous jouez toujours avec les mêmes joueurs et que ce sont tous d'excellents joueurs, c'est facile de bien jouer. »
Bien au fait des joueurs talentueux qui évoluaient au sein du hockey soviétique, les équipes de la LNH ont commencé à les réclamer dans les rondes tardives du repêchage. Les Flames ont sélectionné Makarov, qui avait 24 ans à l'époque, au 12e tour (231e au total) en 1983.
« On disait à l'époque qu'il était le Wayne Gretzky de la Russie », a indiqué le directeur général des Flames à l'époque, Cliff Fletcher, qui a été intronisé au Temple de la renommée du hockey en 2004. « Il a joué avec cette puissante équipe de l'Armée rouge, qui a été une des meilleures équipes de hockey de l'histoire, et il était le joueur-clé au sein du premier trio. Tout partisan de hockey qui le voyait jouer savait qu'il était un grand joueur. Le seul problème, évidemment, c'était de savoir si le gouvernement soviétique allait un jour donner la permission à certains de ces joueurs de partir »
Alors que la guerre froide tirait à sa fin en 1989, c'est finalement arrivé. Séparé de Krutov et Larionov, dont les droits dans la LNH appartenaient aux Canucks de Vancouver, Makarov a immédiatement été jumelé à Roberts et Nieuwendyk chez les Flames. Ce poste était disponible parce que Hakan Loob avait décidé de retourner chez lui en Suède après avoir aidé les Flames à décrocher la Coupe Stanley au printemps 1989.
Bien que Makarov n'aimait pas du tout l'approche de jeu qu'adoptaient parfois les équipes de la LNH, notamment en dégageant la rondelle en fond de zone pour ensuite la pourchasser, il a réussi à mettre son talent en évidence. À sa première saison, il a établi un record de concession en récoltant sept points au cours d'un match (deux buts, cinq aides), à l'occasion d'une victoire de 10-4 contre les Oilers d'Edmonton, le 25 février 1990.
La production de Roberts est passée de 22 buts et 38 points en 1988-89 à 39 buts et 72 points en 1989-90. Cette saison-là, l'épouse de Roberts à l'époque, Tamra, était enceinte et il avait lancé à la blague qu'il promettait d'appeler son premier-né Sergei si c'était un garçon « parce qu'il était tellement bon à me fournir un si grand nombre de chances de marquer ».
Roberts était un peu soulagé quand est née leur fille, qu'ils ont prénommée Jordan, mais Makarov n'a pas cessé d'être son meilleur complice sur la patinoire. En 1991-92, il a aidé Roberts à inscrire un sommet en carrière de 53 buts.
« Il a fait de moi un meilleur joueur de hockey, a déclaré Roberts. Il se mettait en colère contre moi quand je dégageais la rondelle au fond de la zone adverse. En traversant la ligne rouge, je m'apprêtais à dégager la rondelle dans son coin et il me regardait en hochant la tête. Nous revenions au banc et il me disait dans son anglais rudimentaire, 'Robs, pourquoi as-tu dégagé la rondelle ? Donne-moi la rondelle. Va au filet.' »
Makarov a reconnu qu'il a parfois eu de la difficulté à s'adapter à la LNH « parce que nous ne parlions pas la même langue ».
« Sur la glace, ce n'était pas un problème, a-t-il dit. Il a juste fallu un certain temps pour apprendre à jouer ensemble. C'était à l'extérieur de la patinoire que ça représentait un problème, à cause de la langue. J'ai joué avec d'excellents joueurs. Ils m'ont beaucoup aidé, ils ont appris à me connaître et ça n'a pas été un problème. »
Après quatre saisons avec les Flames, Makarov a été échangé aux Whalers de Hartford. Ceux-ci l'ont vite envoyé chez les Sharks, où il a retrouvé Larionov.
À l'âge de 35 ans, Makarov a égalé sa marque personnelle dans la LNH en inscrivant 30 buts en 1993-94 et il a ajouté huit filets en 14 matchs durant les séries éliminatoires de la Coupe Stanley pour aider les Sharks à venir à une victoire près d'atteindre la Finale de l'Association de l'Ouest. Il a conclu son passage dans la LNH avec un séjour de quatre rencontres avec les Stars de Dallas en 1996-97 et par la suite il a joué brièvement en Suisse avant de prendre sa retraite.
« Sa carrière avait peut-être commencé à décliner légèrement au moment où il s'est amené dans la LNH, mais il a connu deux ou trois très bonnes saisons avec nous et ses habiletés individuelles ne faisaient aucun doute, a affirmé Fletcher. C'était un joueur de hockey incroyablement talentueux. »
Makarov a préféré ne pas spéculer sur ce qu'il aurait pu accomplir dans la LNH s'il était arrivé 10 ans plus tôt, mais c'est peut-être parce qu'il ne veut pas minimiser les années qu'il a passées dans son pays.
« Vous ne pouvez pas effacer ces années où nous avons évolué ensemble et mis au point cette façon de jouer, tous les cinq, a déclaré Larionov. C'est un élément très important dans l'histoire du hockey soviétique et du hockey international, et dans l'évolution de la façon dont le hockey doit être joué. »
Bure ne voit pas l'utilité d'évoquer des scénarios hypothétiques lui non plus.
« Au moment où il est arrivé dans la LNH, il était une superstar partout dans le monde, a-t-il dit de Makarov. Il aurait probablement adoré jouer dans la LNH avant l'âge de 31 ans, mais il était déjà une superstar. »