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Le nouveau format de la prochaine Coupe du monde de hockey, qui aura lieu au mois de septembre 2016, s'annonce des plus intrigants. En plus des principales puissances (Canada, Finlande, Suède, Russie, République tchèque et États-Unis), on y annonce en effet deux autres formations, soit celles de l'Europe et une équipe de jeunes espoirs nord-américains. Les annonces, faites cette semaine, des alignements préliminaires ont ainsi réservé quelques surprises. L'une des grosses fut sans doute l'absence du défenseur vedette des Canadiens de Montréal, P.K. Subban, de l'alignement annoncé d'Équipe Canada.
Il est bien évident que Subban fera partie de l'équipe canadienne finale, mais il est tout de même intéressant de voir jusqu'à quel point le fait qu'on ne l'ait pas annoncé d'emblée représente en quelque sorte une anomalie. Lorsqu'on regarde les défenseurs appelés sous les drapeaux jusqu'à présent, on ne peut pas exactement dire qu'il soit à la traîne.

Lors des deux dernières saisons, Subban est, d'abord et avant tout, un des défenseurs les plus utilisés, peu importe les situations, seul Drew Doughty se démarquant de lui au sein de la formation canadienne. De même, Subban est un des défenseurs les plus prolifiques, l'un des deux seuls avec Erik Karlsson à avoir franchi le cap des 100 points au cours de cette période.

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Cette remarquable polyvalence constitue à mon sens une des raisons pour lesquelles Subban est, parfois, curieusement, sous-estimé. Personne ne marque autant en jouant dans autant de situations et en ne manquant, au bout du compte, si peu de matchs.
Subban traîne, encore aujourd'hui à tort, une réputation de joueur à risque. On lui reproche (les propos de son entraîneur n'aident pas sur ce point) d'être parfois trop téméraire avec la rondelle en omettant commodément qu'il est, dans les faits, appelé à prendre charge de l'attaque d'un club autrement souvent lymphatique en zone adverse.
J'utilise souvent les taux de mises obtenues en zone offensive comme une marque de protection, entendre par là que des joueurs moins fiables en défensive prennent des mises en zone neutre, en zone ennemie, mais pas en zone défensive. Dans le cas de défenseurs de premier plan, les mises en zone offensive sont plutôt la marque de joueurs à qui on demande de provoquer des choses. Subban, sur ce point, est un de ceux qu'on déploie le plus agressivement en zone ennemie.

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Ce qui ne veut pas dire qu'on l'utilise moins en défensive. Sur les 33 défenseurs identifiés dans ces graphiques, il est tout de même le 12e plus utilisé sur des mises en zone défensive.

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Je me répète, mais : c'est cette disponibilité à toutes les opportunités qui fait en grande partie la valeur de ce joueur. Avec les quatre graphiques précédents, on voit bien qu'aucun de ses futurs coéquipiers ne s'approche systématiquement de lui. Doughty et Duncan Keith flirtent parfois avec lui dans les catégories offensives, Marc-Édouard Vlasic et Shea Weber sont plus lourdement chargés sur le plan défensif, mais seul Subban joue sur tous les plans.
Tout ça, Subban l'accomplit sans être aussi systématiquement associé à des joueurs de premier plan. Lorsqu'on utilise le temps de glace des coéquipiers et des adversaires de Subban, on constate en effet que l'adversité qu'il a à affronter est bien celle des grands leveurs de fonte de la LNH (j'attire, au passage, votre regard vers Ryan McDonagh et Niklas Hjalmarsson dans le graphique ci-dessous).
Subban n'est pas, surtout lorsqu'on le compare à ses collègues canadiens, aussi méthodiquement associé aux meilleurs de son équipe. Seul Doughty et Keith présentent sur ce point un profil d'utilisation similaire.

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Quand même, les taux de possession relatifs de Subban ont diminué cette saison, alors que son club a amélioré son jeu de possession. Malgré ce recul, les taux calculés par War-on-ice, tant par les tirs que les chances de marquer, demeurent parmi les meilleurs des défenseurs sélectionnés.

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La sélection de ces équipes nationales est toujours un exercice périlleux et on le soupçonne, un peu politique. On ne peut vraiment laisser de côté Shea Weber, même s'il semble désormais tirer un peu de l'arrière par rapport aux autres défenseurs d'élite canadiens. De même, l'exceptionnelle qualité de la sélection suédoise fait que Niklas Kronwall détonne franchement dans le paysage. Et que dire d'Esa Lindell, verte recrue de 21 ans, qu'on a décidé d'inclure quand même dans la défensive finnoise? Ces anomalies font partie du plaisir de l'exercice.
Dans le cas de Subban il est pour ainsi dire certain impensable qu'on se prive de ses services. Si on pouvait encore se donner des airs d'hésiter avant la sélection menant aux jeux de Sotchi, sa montée en stature et la confirmation de ses performances depuis le rendent bel et bien incontournable. Un des meilleurs au monde, que seul Erik Karlsson peut prétendre éclipser.