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La situation s'est envenimée cette semaine chez les Jets de Winnipeg. L'agent du défenseur Jacob Trouba a affirmé publiquement que son client, un joueur autonome avec compensation qui n'a toujours pas signé de contrat,
ne se présenterait pas au camp d'entrainement de son équipe
. Les Jets doivent être pragmatiques. Trouba n'est pas que prometteur, il est déjà très bon. Reste à voir comment on peut le faire cadrer dans la structure salariale de l'équipe. Les Jets, en effet, font partie de ces clubs qui préfèrent dépenser environ 65 ou 66 millions $ en salaires par saison au lieu de pousser jusqu'au plafond salarial.

Un groupe de pairs restreints
On dit souvent des jeunes défenseurs qu'ils prennent plus de temps à se développer. Je me demande depuis longtemps si ce n'est pas plutôt que les entraîneurs de la LNH, groupe conservateur qui n'aime pas être blâmé pour ses sélections de personnel, préfèrent donner du temps de jeu à des vétérans moins efficaces. Lorsqu'un joueur d'expérience fait une erreur, parce qu'il a démontré par le passé ne pas en faire trop souvent, on tend à passer l'éponge et accepter que ça fait partie du jeu. Lorsqu'un jeune joueur fait une erreur, on pose immédiatement la question : est-il prêt? Peut-être devrait-on attendre encore un peu avant de lui confier des responsabilités?
Peu importe la raison, le fait est que les défenseurs qui, comme Trouba, accumulent plus de 200 matchs dans la LNH avant l'âge de 23 ans sont extrêmement rares. De ceux qui ont commencé leur carrière depuis 10 ans, on en recense (selon Hockey-reference.com), exactement 27.
De ces 27 joueurs, deux sont présentement sans contrat : Hampus Lindholm et Jacob Trouba. Voici ce que les autres ont obtenu comme entente à la fin de leur contrat de recrue.

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Le contrat de six ans est, on le constate, fort populaire dans ce groupe d'âge. Et plus le contrat est long, plus le montant annuel calculé sous le plafond est élevé, cela va de soi. Parce qu'il n'a pas encore joué 200 matchs, Aaron Ekblad n'est pas de ce graphique, mais son salaire de 7,5 millions $ sur huit ans lors de son prochain contrat le place évidemment à l'extrême droite de ce groupe.
Fait intéressant à noter dans le cas de Trouba, même s'il n'a pas obtenu autant de temps de jeu en avantage numérique que d'autres sur cette liste, il se situe quand même au huitième rang pour ce qui est du nombre de tirs au but obtenus et au deuxième rang pour le nombre de buts obtenus par match à forces égales, derrière Erik Karlsson et à égalité avec Tyler Myers et Zach Bogosian.
Blogueur pour le site Jets Nation, Garret Hohl soulignait cette semaine que Trouba a progressé ces dernières saisons au point où on peut légitimement le considérer
comme étant le deuxième meilleur défenseur de l'équipe
, derrière Dustin Byfuglien, tant par son jeu à forces égales que par sa contribution sur le jeu de puissance (lorsqu'on daigne l'y utiliser).
L'analyse de Hohl est pertinente parce que l'agent de Trouba a spécifiquement affirmé, dans son communiqué, qu'il n'y a pas de place pour son client à Winnipeg, non pas pour des questions monétaires, mais parce qu'il y a déjà deux vétérans droitiers (Byfuglien et Myers) dans l'alignement. Bref, Trouba aspire à un rôle de top-4 et n'entend pas attendre que les contrats de Myers (encore 3 ans) ou Byfuglien (encore 5 ans) arrivent à terme avant d'accéder à ce rôle. Et, de toute évidence, le fait de jouer à gauche (il est droitier) ne lui sourit pas non plus.
Pourquoi les Jets s'acharneraient-ils à se priver ainsi de la contribution d'un jeune défenseur en pleine ascension ? À cette question, on ne peut répondre que par des suppositions. J'en retiens trois.
Premièrement, il se peut que les Jets souhaitent se débarrasser de Myers, que ce soit par un échange ou en ne le protégeant pas lors du repêchage d'expansion l'été prochain. Défenseur droitier qui joue dans un top-4 et peut contribuer dans toutes les situations, la valeur d'échange de Myers sera à son maximum à la date limite des transactions, au mois de mars. D'ici là, on le laisse jouer. Si le prix n'est pas convenable ou si l'équipe est en course pour les séries éliminatoires de la Coupe Stanley, on le garde et il part à Las Vegas l'été prochain. Si cette hypothèse est la bonne, l'heure de Trouba approche à grands pas, mais l'administration du club ne peut pas lui dévoiler ses plans (imaginez l'ambiance dans le vestiaire). On doit donc faire le dos rond en attendant.
Deuxièmement, il se peut que les Jets considèrent que les exigences salariales de Trouba sont tout simplement trop lourdes. Sachant que Byfuglien recevra 8 millions $ en salaire cette saison, on peut imaginer que l'équipe rechigne à donner 5, 6, voir 7 millions $ à un défenseur de deuxième paire. Myers, lui, recevra 4, 3,5 et 3 millions $ lors des trois prochaines saisons.
Troisièmement, les Jets peuvent considérer que Trouba vaut le salaire qu'il demande, mais qu'ils ont plus besoin d'aide sur le flanc gauche que de lui sur le flanc droit : Toby Enstrom ne rajeunit pas et, après lui, on retrouve Mark Stuart, Ben Chiarot et Brian Strait. Bref, c'est le désert. La question est de savoir ce qu'on peut obtenir en échange de Myers ou Trouba. On ne perd rien à laisser ce dernier sur le marché des transactions un moment, pour voir ce qui peut sortir comme opportunité.
Jacob Trouba demeure à ce stade-ci un des jeunes défenseurs les plus prometteurs de la LNH. À vue de nez, il me semble peu probable qu'on l'échange, quitte à le laisser végéter quelques semaines chez lui. En lui faisant parapher une entente à court ou moyen terme, on peut probablement garder son salaire annuel à un niveau raisonnable (en attendant la fin du contrat de Byfuglien) et trouver preneur pour Myers.
Du côté de Trouba, on semble simplement jouer une carte que peu de joueurs de son statut ose jouer, même si tous l'ont dans leur jeu. On fait savoir que ce joueur est capable de prendre maintenant un rôle plus important. Partant de là, on cherche à passer à une équipe qui sera disposée à lui donner ce rôle d'emblée et, du même coup, lui donner immédiatement un contrat plus lucratif.
Il est toujours possible que ce genre de situation dégénère sur le plan personnel, mais on ne doit pas oublier que c'est aussi, d'abord et avant tout, ainsi que sont menées les affaires à ce niveau.