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Ça sort un peu du champ gauche, mais nous y voilà. En ce début de saison, les Devils du New Jersey sont invaincus en trois matchs, et surtout, ils sont excitants à regarder jouer.
Qu'est-ce qui se passe?

La saison avait pourtant bien mal commencé pour les Devils. Après la blessure inattendue de Travis Zajac au mois d'août, c'est Brian Boyle à qui on diagnostiquait une forme de leucémie au cours du camp d'entraînement. La troupe de John Hynes se trouvait ainsi amputée de deux vétérans importants qui ouvraient une sérieuse brèche dans le groupe d'attaquants du club.
On n'attendait pas nécessairement beaucoup d'attaque de la part de cette équipe, il faut le dire. Outre Boyle, reconnu d'abord pour sa contribution défensive, Zajac n'a pas franchi le cap des 50 points depuis huit ans et le reste du top-6 est à l'avenant. Pavel Zacha est talentueux, mais ses 24 points l'an dernier laissent entendre qu'il a encore des croûtes à manger. Adam Henrique? Un autre marqueur de 40 points qui a connu une saison de 50 points, il y a deux ans.
Seuls Taylor Hall, Kyle Palmieri et Marcus Johansson (une fameuse trouvaille, arrachée à aux Capitals de Washington sur une question de plafond salarial) ont démontré un potentiel offensif supérieur à 50 points. Et pourtant, depuis trois matchs, les Devils ont marqué 16 buts (troisième meilleur total de la ligue) et n'en ont accordé que six!
Il y a bien sûr une part d'air chaud dans ce résultat : les séquences de début de saison sont fameusement influencées par les variations de pourcentage à court terme. Les données publiées par le site Corsica.Hockey nous le rappellent.
Si les Devils ont jusqu'ici marqué 16 buts contre six concédés, le type de tirs qu'ils ont obtenus et accordés nous indique un bilan plus modeste. Ajusté aux taux normaux de la ligue, le bilan calculé des buts (les fameux expected goals) donne plutôt
un score de 12-12
aux Devils depuis le début de la saison.
C'est quand même un bilan encourageant. Si on réussit à faire jeu égal aux buts cette saison, ce sera déjà un immense progrès sur l'an dernier, alors qu'on avait obtenu 180 buts contre 241 accordés!
Il n'est pas surprenant de voir les Devils accorder moins de buts que prévu, ne serait-ce que par la force de Cory Schneider. Celui-ci vieillit tranquillement (31 ans désormais), mais semble encore au sommet de sa forme. Depuis son arrivée avec les Devils en 2013-14, il « sauve »
en moyenne un but par tranche de 150 tirs
, environ une dizaine de buts en moyenne, une vingtaine dans ses bonnes saisons. Schneider a « coûté »
six buts l'an dernier
, une contre-performance qui semble un passage à vide plus qu'une régression brutale.
Mais c'est du côté de l'offensive que les choses les plus intéressantes se passent. À défaut de vétérans, on a décidé de faire de la place aux jeunes. Zacha, d'abord, a été catapulté dans le haut de la formation en compagnie d'un autre jeune de 19 ans, Jesper Bratt, un obscur choix de 6e ronde en 2016, ainsi que Marcus Johansson. Bratt ne convertira pas éternellement 75 pour cent de ses tirs en buts (trois sur quatre tirs!), mais je note que, à l'image de Zacha, on l'utilise à toutes les sauces, en avantage comme en désavantage numérique.
De même, Nico Hischier joue entouré des vétérans Hall et Palmieri, position enviable s'il en est une. Et en défensive, ce sont deux recrues qui se sont taillé un poste, Will Butcher (qui lui aussi transforme tout ce qu'il touche en or ces jours-ci) et Steven Santini.
Bref, on a choisi de faire confiance aux jeunes de l'organisation. C'est une stratégie qui, à court terme, risque de valoir des séquences difficiles à cette équipe, mais, à l'image des Maple Leafs de Toronto il y a trois ans, pourrait payer plus rapidement qu'on ne le pense.
Hischier n'est pas Auston Matthews, mais c'est un joueur de premier plan, déjà capable de tenir son bout dans la ligue à 18 ans. Il est inutile d'attendre qu'il se mérite un salaire faramineux pour essayer de profiter de ses talents pour monter une équipe gagnante, surtout lorsqu'on garde à l'esprit que Cory Schneider et Taylor Hall ne rajeunissent pas.
En donnant à ces jeunes prometteurs de l'expérience dès maintenant, on prépare le terrain pour les deux prochaines saisons. Reste à réussir la manœuvre.