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Alex Ovechkin et les Capitals de Washington ont mérité leurs célébrations. Mais, avant de tourner la page sur cette saison, j'aimerais jeter un dernier regard sur cette série finale enlevante. Ce duel aura été le théâtre d'une multitude de petites parties d'échecs enchevêtrées les unes aux autres. La plus complexe à décortiquer, mais aussi la plus intéressante, reste selon moi celle de l'évolution du jeu des confrontations souhaitées par les deux entraîneurs.
J'ai souvent, au fil de mes articles, fait référence à la distribution des mises en jeu selon la zone dans laquelle elles sont disputées comme un indice important du rôle qu'un entraîneur souhaite donner à un joueur. En effet, l'immense majorité de ces arrêts de jeu est une occasion d'envoyer un joueur sur la glace ou encore de le ramener au banc.

Mais, à l'image d'autres sites de statistiques, j'utilise habituellement la totalité des mises en jeu disputées par un joueur donné. Or, de plus en plus d'analystes, à la suite notamment de Tyler Dellow, du site The Athletic, ou encore de Micah Blake McCurdy, de hockeyviz.com, ont modifié la perspective utilisée pour regarder les mises en jeu. Ces analystes partent plutôt des présences de chaque joueur pour regarder, de celles-ci, quelles sont celles qui commencent avec une mise en jeu disputée.
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On présume ainsi (correctement, selon moi) qu'un entraîneur ne va que rarement ramener un joueur au banc après une mise en jeu, ce qui fait qu'une part non négligeable des mises en jeu considérées dans les indicateurs habituels ne sont, en fait, que le résultat de séquences ordinaires de jeu.
Lorsqu'on cible seulement les débuts de présence, soudainement, la division des tâches apparait encore plus clairement.
Le graphique suivant illustre la distribution des mises en jeu par présences commencées selon la zone pour les Capitals. Fruit d'une série au cours de laquelle ils ont souvent eu l'avance, les Capitals ont eu peu de duels disputés en zone ennemie. De même, la division des tâches en zone défensive n'est pas aussi impressionnante qu'on pourrait le croire. Ce qui frappe, dans ce graphique, c'est de voir à quel point on a insisté pour donner des mises en jeu en zone neutre au trio de Nicklas Backstrom et aux quatre premiers défenseurs de l'équipe.

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Du côté des Golden Knights de Vegas, la distribution des tâches est plus symétrique : à William Karlsson, Jonathan Marchessault et Reilly Smith de s'occuper du gros des mises en jeu. Les trois autres trios se succèdent ensuite en ordre d'importance. Seule asymétrie : on a concentré les actions du trio d'Erik Haula en zone offensive et celles du trio de Cody Eakin en zone défensive. Rien d'inattendu.
Par contre, lorsqu'on fait le total des présences commencées dans une des trois zones, une différence flagrante apparait. Le quatrième trio des deux équipes a obtenu un temps de jeu similaire lors de cette finale, environ neuf minutes par matchs par joueur. Mais, alors que le quatrième trio des Golden Knights n'a commencé que relativement peu de ses présences sur des mises en jeu (entre 15 et 18), celui des Capitals a été envoyé pour disputer un peu plus de duels que le troisième trio de l'équipe (entre 35 et 50, contre 20 à 35 pour le troisième trio).

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Je soupçonne que cette tactique, utilisée à dessein par l'entraîneur de Vegas Gerard Gallant pour tirer le maximum de ses meilleurs éléments défensifs, a fini par se retourner contre lui. Les Capitals n'ont pas cherché outre mesure à favoriser leurs attaquants de pointe avec les mises au jeu en zone offensive, ce qui a donné plus de flexibilité à l'entraîneur des Capitals Barry Trotz dans la gestion des confrontations ailleurs.
Ainsi, on a donné une mission claire à Backstrom, celle de coller aux patins de Karlsson lors des moments critiques. Résultat, même si trois des cinq matchs de la série ont été disputés à Vegas et que Gallant avait intérêt à garder Karlsson dans les patins d'Ovechkin, il a disputé beaucoup plus de mises en jeu contre Backstrom, surtout en zone neutre. Le dernier changement n'a donc pas autant joué en faveur de Vegas qu'on pourrait le croire. Le tableau ci-dessous montre les affrontements en zone neutre.

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Trotz a donné, dans ces mises en jeu, la possibilité à ses meilleurs éléments de produire plusieurs entrées en zone ennemie, situations au cours desquelles ils ont pu réussir des passes vers l'enclave que la défensive de Vegas n'était pas en position de contrer. Les Capitals n'ont pas que produit depuis la zone neutre à cause de leur capacité à jouer la trappe, ils l'ont aussi fait parce qu'ils ont systématiquement utilisé le levier des mises en jeu pour donner des chances supplémentaires à leurs meilleurs éléments d'aller chercher l'adversaire grâce à leur meilleur atout : le contrôle de la rondelle en entrée de zone ennemie.
Et c'est contre les meilleurs éléments de Vegas que, dans ces situations, ils ont su tirer les marrons du feu.