McDavid-Kesler

C'était une des confrontations les plus attendues de la deuxième ronde. Ryan Kesler, qui forme avec Jakob Silfverberg et Andrew Cogliano l'un des meilleurs trios défensifs du circuit, menant un duel match par match avec l'attaquant le plus explosif de la ligue.
Jusqu'ici, Connor McDavid n'a obtenu « que » trois points en quatre matchs, alors que Kesler en a obtenu quatre. Surtout, on sent bien que, outre d'inévitables poussées sensationnelles (on ne peut éternellement empêcher la foudre de frapper), la jeune merveille peine à traverser les maillages défensifs tricotés par le vétéran des Ducks. McDavid, il faut le dire, a beaucoup de pain sur la planche.

Un premier élément doit être tiré au clair : les séries éliminatoires sont habituellement le théâtre de confrontations serrées. Au fil d'une ronde, les deux équipes s'étudient et en viennent à privilégier ou encore fuir certaines confrontations.
La série Ducks-Oilers ne fait pas exception, mais n'est pas tout à fait dans les normes non plus. On assiste habituellement à des confrontations entre défenseurs et attaquants, les entraîneurs utilisant le temps de glace plus généreux des arrières pour s'assurer de les envoyer dans les pattes des bons joueurs. Or, on a ici affaire à un phénomène désormais rarissime dans la LNH. Les deux entraîneurs ont délaissé la gestion serrée des confrontations défenseurs-attaquants, pour se concentrer sur les affrontements entre trios. Plus rare encore : ils semblent s'entendre parfaitement sur les confrontations en question.
On a donc affaire à deux chocs : McDavid contre Kesler, et Ryan Nugent-Hopkins contre Ryan Getzlaf. Notez comment les défenseurs, eux, se partagent les adversaires au prorata de leur temps de glace.

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Une partie des difficultés de McDavid, dans ce contexte, ne s'explique pas tant par l'identité de ses adversaires que par la nature des tâches qu'on lui assigne. Pour comprendre ce qu'un entraîneur attend d'un joueur, j'aime bien voir dans quelles zones on lui demande de participer à des mises en jeu. Les graphiques ci-dessous comptabilisent ces zones du point de vue des Oilers. Un différentiel de moins-7, pour prendre celui de McDavid contre Kesler, n'exprime pas les mises en jeu gagnées et perdues, mais plutôt à quelle extrémité de la glace ces mises en jeu ont eu lieu (je laisse de côté les mises en zone neutre).
Dans le cas qui nous intéresse, McDavid a disputé, en présence de Kesler, 14 mises en jeu en zone défensive contre sept mises en jeu en zone offensive, donc un déficit de moins-7. C'est un autre renversement, pour moi inattendu, que l'on peut constater jusqu'ici dans cette série. McDavid prend beaucoup de tâches défensives, alors que le centre défensif de premier plan des Oilers, Nugent-Hopkins, en prend beaucoup en zone offensive, en raison de Ryan Getzlaf.

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Cette inversion ne se retrouve pas chez les défenseurs. Les arrières des Ducks ont des assignations parfaitement en phase avec leurs rôles respectifs : Hampus Lindholm, l'homme à tout faire, a de faibles différentiels alors que Cam Fowler, dont le rôle est plus défensif, prend plus de mises près de son gardien. Shea Theodore, doué offensivement, mais peu expérimenté, est protégé autant que faire se peut : il n'a disputé que 11 mises en jeu près de son gardien contre 23 en zone des Oilers.

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Même patron d'utilisation chez les Oilers. On donne aux défenseurs des rôles défensifs ou offensifs, sans appuyer outre mesure sur l'identité des adversaires affrontés.

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Si on reprend la même logique, mais en regardant maintenant les différentiels de tirs, on constate que ce rôle défensif (du moins, c'est l'interprétation que je fais de cette surcharge imposée) pèse à McDavid, qui creuse son trou contre Kesler. Je souligne aussi que le quatrième trio des Ducks, à identité variable, mais articulé jusqu'ici autour de Corey Perry, a donné passablement de fil à retordre à Nugent-Hopkins.
Et si, par malheur, on échappe le troisième trio contre Kesler, c'est la catastrophe.

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Les Oilers s'en sont jusqu'ici bien tiré, en grande partie grâce aux prouesses de Cam Talbot. Les pessimistes peuvent regarder ce tableau et tirer leur conclusion : cette jeune équipe n'est pas encore suffisamment aguerrie pour faire la barbe aux formations de pointe du circuit. Ces séries sont donc un apprentissage qui sera assimilé au cours de l'été et mis en pratique l'an prochain.
Mais les optimistes ne sont pas sans avoir eux aussi quelque chose à méditer. Il est rare que Connor McDavid demeure si longtemps à mi-régime et on ne peut soupçonner que ce surdoué est en train d'apprendre à trouver son chemin dans la jungle des séries éliminatoires. Les Ducks, dans ce contexte, sont probablement bien conscients de l'orage qui gronde à l'horizon. Et ce contre-emploi, qui les sert bien contre McDavid, pourrait finir par les desservir avec Getzlaf. Leur capitaine n'est pas né de la dernière pluie, mais il n'est pas exactement un centre défensif et les Oilers pourraient bien finir par exposer ses faiblesses.