Pirri_Florida

Certains observateurs ont déploré le faible nombre d'échanges à la date limite des transactions de la LNH 2016. Dans un contexte de stagnation du plafond salarial, la chose ne doit pourtant pas surprendre. Les équipes sont prudentes et seuls les agents libres en devenir sont une denrée facile à déplacer.
De plus, si un nombre important d'équipes sont présentement exclues des séries éliminatoires de la Coupe Stanley, il n'y a pas tant de candidats à la reconstruction complète. Aussi, les mouvements ont commencé très tôt cette saison, notamment avec l'échange de Dion Phaneuf aux Sénateurs d'Ottawa le 9 février.

On avait donc un marché de joueurs de soutien. Ça n'est pas inintéressant, mais il faut regarder de plus près pour comprendre où tout ça s'en va. Je ne m'attarderai pas à tous les clubs, parce qu'il n'y a pas toujours tant à dire, surtout lorsqu'une équipe a simplement sorti des vétérans contre des choix au repêchage, mais on a quand même eu droit à beaucoup de mouvements des plus intrigants.
Section Pacifique
C'est dans cette section qu'on a vu les mouvements les plus intéressants.
On sentait les Canucks de Vancouver désireux de vendre, mais la proposition demeure risquée pour cette organisation tant et aussi longtemps que les jumeaux Sedin continueront à exceller. Or, rien n'a abouti et les Canucks restent tels quels, entre deux eaux.
On aura, dans les prochains mois, l'occasion de voir plus précisément où s'en vont les Oilers d'Edmonton. Leur meilleur coup de la journée a probablement été la signature du défenseur Brandon Davidson.
Les Flames de Calgary ont réussi un coup des plus intéressants. Le défenseur Kris Russell s'en va aux Stars de Dallas en retour d'un choix conditionnel de deuxième ronde en 2016 et de deux joueurs. Brett Pollock,
un jeune attaquant bien vu des dépisteurs
, mais qui, à un point par match à sa quatrième saison dans les rangs juniors, s'annonce comme un espoir lointain. C'est surtout l'inclusion de Jyrki Jokipakka, un défenseur de 24 ans
installé à demeure sur la 3e paire à Dallas
, qui a fait sursauter les observateurs. Jokipakka a été victime, depuis une vingtaine de matchs, d'une
inefficacité monstrueuse de ses gardiens
, qui ont régulièrement laissé passé plus de 20 pour cent des tirs dirigés vers eux en sa présence. Mais lorsqu'on regarde son impact sur les performances de ses coéquipiers, on constate (
ce sont les numéros encerclés de noir dans ce graphique
) qu'il a généralement un impact positif, les tirants « vers le haut », signe qu'il influe à la baisse sur le nombre de tirs accordés à l'adversaire. La défensive des Flames vieillit rapidement. Jokipakka y est le bienvenu.
Les Coyotes de l'Arizona continuent à jouer avec un budget limité en tentant de trouver des joueurs utiles parmi les rebuts de leurs adversaires. Après avoir réclamé Jiri Sekac au ballottage, ils ont obtenu Sergei Plotnikov des Penguins de Pittsburgh. Plotnikov n'a jamais eu l'occasion de se faire valoir à Pittsburgh, mais représente probablement une franche amélioration par rapport à Mikkel Boedker, que les Coyotes ont envoyé à l'Avalanche du Colorado. Les graphiques « WARRIOR » de Dominic Galamini,
qui permettent de comparer deux joueurs en fonction des niveaux de performances typiques de la LNH
, nous indiquent en effet que Plotnikov, s'il n'a pas beaucoup marqué, a eu un impact positif clair sur le jeu défensif comme offensif de son équipe, et ce malgré qu'on l'ait confiné au 4e trio. Boedker, lui, malgré un déploiement digne d'un joueur de premier trio, n'a jamais fait bien mieux qu'un joueur de 3e trio typique. Qu'on ait obtenu en plus Conner Bleackley, un centre repêché en première ronde, mais sans grand potentiel offensif, et Kyle Wood, un défenseur droitier format géant de 19 ans, et Alex Tanguay en échange d'un joueur qu'on n'allait pas remettre sous contrat relève de l'exploit. Les Coyotes ont, discrètement, accompli un boulot remarquable au cours des derniers jours.
Les Sharks de San Jose avaient payé le gros prix pour Roman Polak et Nick Spaling (deux choix de deuxième ronde!), mais ont fait une bien meilleure affaire en allant chercher James Reimer et Jeremy Morin. Morin est, à ce stade-ci, un peu dans les limbes, mais Reimer répond à un véritable besoin. Reimer est le 23e meilleur gardien de la ligue depuis le début de la saison 2012-13 selon
les calculs de taux d'arrêts ajustés de war-on-ice
(minimum 1000 minutes jouées). Reimer vient, pour un prix dérisoire, donner un vrai second pour Martin Jones (9e à ce même classement). Sur 63 gardiens qualifiés, Alex Stalock, que Reimer remplace, était 47e. On va pouvoir reposer Jones et on se donne une vraie garantie en cas de blessure en séries.
Les Ducks d'Anaheim ont eux aussi procédé à quelques ajustements de plus intéressants. Premièrement, l'attaquant Pat Maroon sort, poussé hors du top-6 par Rickard Rakell et rendu redondant par l'arrivée de Brandon Pirri, dont les Panthers de la Floride se sont débarrassés pour une bouchée de pain : un choix de 6e ronde! Pirri est un bon buteur, qui a vu cette saison
son taux de conversion individuel
chuter sans pourtant que sa production de chances de marquer diminue. Il est peu probable qu'à 24 ans Pirri ait régressé. Reconnu comme un patineur moyen, il semble avoir perdu sa place dans le top-6 floridien. Les Ducks, justement, ont un style de jeu qui convient bien à des joueurs lents, mais habiles. Les Ducks ont aussi acquis Jamie McGinn des Sabres de Buffalo, un plombier qui a connu cette saison de beaux moments aux côtés de Ryan O'Reilly. Mais c'est bien parce qu'il joue lourd et dans toutes les situations qu'on l'a acquis, pas pour ses talents de marqueur.
Les Kings de Los Angeles ont acquis quelques joueurs de soutien. Rob Scuderi est probablement au bout du rouleau, mais on le connaît bien à Los Angeles et il connaît bien le système de l'entraîneur Darryl Sutter. On avait besoin d'un joueur comme ça pour enlever quelques minutes plus faciles au défenseur Drew Doughty, qui joue une quantité astronomique de minutes depuis un bon moment déjà (
le 2e histogramme sur cette page
montre qu'il tape régulièrement le seuil des 30 minutes depuis un bon moment déjà). De même, on est allé chercher Kris Versteeg des Hurricanes de la Caroline. Je soupçonne qu'on cherche ici à ramener Dustin Brown vers le 3e trio et associer Versteeg à Anze Kopitar pour permettre la réunion de Jeff Carter et Tyler Toffoli, un tandem qui a fait un malheur l'an dernier.
Section Centrale
Je ne reviendrai pas sur les Blackhawks de Chicago,
que j'ai analysés en profondeur
dimanche dernier.
Les Stars de Dallas n'ont fait qu'un échange, des plus intrigants, en allant chercher Russell des Flames. Ce dernier n'est guère apprécié des amateurs d'analyse statistique, mais on peut comprendre ce qui le rend intéressant pour Dallas. D'une part, Russell, selon ce que nous en disent les analyses « WARRIOR », est effroyable en défensive, mais se démarque par une capacité certaine à créer offensivement. De même, la firme Sportlogiq, qui publie parfois des analyses à partir de ses données propres, soulignait lundi que

. Or, les Stars ont un système basé sur la longue passe faite à des attaquants en pleine accélération, un style qui détonne dans la LNH s'aujourd'hui. Il semble qu'on ait décidé de sacrifier un peu de jeunesse et de stabilité défensive pour rempiler sur cette force de l'équipe. J'ajoute au passage que l'excellente saison que connaît la recrue Esa Lindell dans la LAH rendait probablement Jokipakka plus facile à sacrifier.
Les Blues de St. Louis n'ont que peu bougé. J'ai été surpris de les voir se contenter du gardien Anders Nillsson alors que James Reimer était encore disponible. Idem pour les Predators de Nashville, qui sont demeurés bien tranquilles.
L'Avalanche du Colorado en a surpris plus d'un. En lutte pour une place en séries, on a ajouté le défenseur Éric Gélinas, tombé en défaveur au New Jersey, et Mikkel Boedker. J'ai déjà parlé de Boedker. Je me demande pourquoi on l'a acquis contre Alex Tanguay, un vétéran imparfait,
mais qui tire ses coéquipiers du bon côté de la glace
, alors que Boedker n'a pas vraiment cet impact. Gélinas est un cas plus intéressant : il a de toute évidence un impact positif sur le jeu de possession de son équipe (
regardez les nombres encerclés de noir sur ce graphique
). Je suppose que David Schlemko avait dépassé Gélinas au New Jersey, mais je ne m'explique pas qu'on l'ait laissé partir pour si peu. La défensive de l'Avalanche est un problème récurrent depuis un bon moment déjà et j'ai l'impression qu'on vient, d'un coup de cuiller à pot, d'y boucher un gros trou.
Le Wild du Minnesota et les Jets de Winnipeg se sont tenus tranquilles.
Section Métropolitaine
Outre l'échange amenant Daniel Winnik des Maple Leafs de Toronto, les Capitals de Washington n'ont pas bougé. Les Devils du New Jersey ont vendu quelques morceaux (je ne m'explique toujours pas le départ de Gélinas) contre quelques choix. Les Blue Jackets de Columbus et les Flyers de Philadelphie sont aussi demeurés tranquilles. Les Hurricanes de la Caroline ont vendu quelques vétérans contre des choix et des espoirs, ce qui nous laisse les Islanders de New York, les Rangers de New York et les Penguins de Pittsburgh comme cas plus intéressants.
Les Islanders n'ont fait qu'un petit geste, eux aussi, mais un beau geste : ils ont mis la main sur l'attaquant Shane Prince, un joueur de soutien diablement efficace. Prince n'a que 12 points, mais
il tire tout le monde hors de l'eau
sur le plan de la possession de rondelle. Il est loin, le temps où John Tavares partait seul au combat.
Les Rangers, bien entendu, ont mis la main sur Eric Staal. L'ami Staal a connu
une baisse rapide de production ces dernières saisons, notamment à cause d'un taux de conversion personnel en chute libre
. Il sera deuxième, voire troisième centre à New York, derrière Derek Stepan et Derrick Brassard, on pourra donc peut-être y remettre en valeur ses talents de marqueurs. Mais c'est une location coûteuse pour un joueur qui va fort probablement retourner en Caroline à la fin de la saison.
Les Penguins ont aussi fait de petits gestes fort intéressants. Plotnikov, dont j'ai parlé plus haut, est une perte sèche que je ne m'explique pas (les chiffres ne disent pas tout). Justin Schultz, acquis des Oilers, est plus intrigant. Catapulté premier défenseur à Edmonton, il y a systématiquement croulé sous la pression. La défensive des Penguins est beaucoup plus stable et profonde. On aura le luxe de le laisser se faire la main sur la troisième paire et de voir s'il mérite un essai plus long l'an prochain. Pour un choix de 3e ronde, c'est plus que raisonnable.
Section Atlantique
Les Panthers ont acquis trois vétérans pour appuyer leur jeune noyau lors des séries. Jakub Kindl n'est pas terriblement connu, mais il a donné à Detroit des résultats dignes de
ces défenseurs effacés qui consolident les brigades défensives
. Pour tout dire, je me demande si les Red Wings ne l'ont pas sous-estimé. On verra. L'acquisition de Jiri Hudler me laisse dubitatif; oui, il a de belles statistiques de possession de rondelle et, à plus de 2 points par heure jouée à 5 contre 5,
il demeure franchement plus productif qu'un joueur comme Eric Staal
, mais il a pour l'essentiel joué avec Sean Monahan et Johnny Gaudreau au cours des deux dernières saisons. Faudra voir où on le case, mais je me demande si on n'aurait pas tout simplement dû garder Brandon Pirri. À la limite, Teddy Purcell est une acquisition plus intéressante et moins coûteuse. Polyvalent, il a profité de son passage aux côtés de Taylor Hall et Leon Draisaitl pour gonfler sa valeur d'échange, mais
il a tout de même été employé à toutes les sauces
. On n'aura pas de misère à lui trouver une chaise.
À part ça, ce fut le calme plat dans la section Atlantique. Les Sénateurs d'Ottawa, les Sabres de Buffalo, le Lightning de Tampa Bay, les Red Wings de Detroit et les Canadiens de Montréal sont demeurés relativement calmes en cette ultime journée.
Les Maple Leafs de Toronto ont procédé à une vente de feu sur laquelle je reviendrai dans mon prochain article. De l'échange de Phaneuf jusqu'au jeu de chaise musicale avec les Marlies de la LAH, il y a beaucoup à dire, trop pour expédier ça en 300 mots. On essaye des choses dans la Ville Reine.
Ce qui nous laisse les Bruins de Boston. Le défi, pour cette équipe, qui négocie un virage jeunesse, était de ne pas sacrifier l'avenir sans pour autant renoncer à faire belle figure en séries. Pour tout dire, le sabordage du présent au nom d'un éventuel avenir n'est pas exactement le style de la maison. On a donc gardé Loui Eriksson et acquis deux vétérans fort intéressants.
John-Michael Liles vient donner un vétéran capable de compléter le top-4 défensif.
Zach Trotman et Kevan Miller ont eu l'occasion de s'approprier ce poste, mais ne l'ont pas saisie
. Lee Stempniak est encore plus intrigant. L'aile droite du top-9 de Boston n'est pas extraordinaire. David Pastrnak revient de blessure et se débrouille présentement fort bien aux côtés de David Krejci, mais la compétition en séries devient féroce. Brett Connolly a beaucoup joué avec Brad Marchand et Patrice Bergeron et n'a récolté que 8 buts. Jimmy Hayes a un peu mieux fait (13 buts), mais on pourrait décider de donner un ailier droit plus stable en défensive au jeune Ryan Spooner. Stempniak ne manquera pas de boulot.