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Au fil d'une saison qui n'en finit plus d'être misérable pour les Canadiens de Montréal, il est facile de passer outre les performances de joueurs plus effacés et pourtant efficaces. La campagne que connaît Jeff Petry en est un excellent exemple.
Petry, il faut le dire, n'est pas le genre de joueur qui excite les passions des amateurs et des commentateurs. Homme à tout faire, capable de faire de beaux jeux sans être constamment spectaculaire, Petry est aussi susceptible de se faire avoir par l'adversaire et passer, le temps d'un jeu, pour un joueur inconstant. Il est ce genre de joueur qui peut remplir le rôle de numéro un à sa position, mais dont la pleine contribution n'est vraiment reconnaissable que lorsqu'on cesse de regarder le détail des matchs pour prendre un regard plus large.

Un peu comme son coéquipier Tomas Plekanec l'a fait pendant de nombreuses saisons, c'est par sa capacité à contribuer dans toutes les facettes du jeu et, plus particulièrement par son excellence sur les unités spéciales que Petry se démarque cette saison.
Ce qui ne veut pas dire qu'il en arrache à forces égales, bien au contraire. En fait, il est le seul joueur de la brigade défensive montréalaise dont la contribution peut se mesurer à celle de Shea Weber. Depuis le début de la saison, il permet à son équipe de garder l'avantage dans toutes les facettes du jeu tout en affrontant les meilleurs éléments adverses.
Tant sur la part des chances de marquer que sur celle des tirs tentés, il est en effet au-delà de la barre symbolique des 50 pour cent. De même, il accomplit cette tâche tout en affrontant soir après soir les meilleurs éléments adverses.
Si on donne une valeur de 50 pour cent au temps de jeu moyen des adversaires affrontés par les Canadiens, la valeur du temps de jeu des adversaires affrontés par Petry se situe à 53 pour cent, un taux que seuls Shea Weber et Karl Alzner surpassent dans la défensive montréalaise.
Dans l'ensemble, la présence de Petry ou Weber sur la glace a permis aux Canadiens de se tenir à flots, alors qu'en leur absence, même si la qualité des adversaires diminue rapidement, l'équipe coule.

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C'est dire à quel point le manque de profondeur en défensive a nui à la troupe de Claude Julien depuis le début de la saison. Mais c'est aussi l'illustration, en l'absence de Weber, de la contribution de Petry à forces égales. Au-delà des jeux parfois spectaculaires et des erreurs parfois coûteuses, lorsqu'on fait le bilan dans cette situation, le numéro 26 fait son petit bonhomme de chemin, peu importe les circonstances.
Mais c'est sur les unités spéciales que Petry a vraiment laissé sa marque depuis le début de la saison.
En avantage numérique, il a grandement profité de la blessure à Shea Weber. Depuis le début de la saison, il y cumule un peu plus de 4,5 points primaires par heure jouée, ce qui le situe, selon le site Corsica.Hockey (dont je tire toutes les données citées dans cet article au sujet des unités spéciales), au neuvième rang des défenseurs de la LNH. Si on exclut les défenseurs n'ayant pas franchi le cap des 50 minutes de jeu dans cette situation, il y est troisième, derrière Tyler Myers et Mattias Ekholm.
Petry bénéficie grandement, sur ce point, d'une structure d'avantage numérique qui le met dans une position de premier plan. À la base, le numéro 26 est un passeur bien plus qu'un tireur, comme en atteste le fait qu'il tente 23 tirs par heure dans cette situation, contre 34 pour Shea Weber. Il se trouve plutôt à être celui qui, alimenté par Jonathan Drouin du mur droit, refile la rondelle à Alex Galchenyuk pour le tir sur réception du point de mise en jeu gauche. Entre ce rôle charnière et sa capacité à toucher le filet lorsqu'il lance, il s'est mis à accumuler les points lorsqu'on l'a mis sur la première vague d'avantage numérique.
Pour tout dire, la contribution de Petry dans cette situation devrait pousser la direction de l'équipe à se demander s'il est nécessaire de redonner le poste à Weber lorsque celui-ci reviendra au jeu. Le numéro 6 vieillit tranquillement et les minutes ainsi économisées pourraient être mises à profit à forces égales et en désavantage numérique.
Le désavantage numérique est, d'ailleurs, une autre dimension du jeu où Petry s'est démarqué depuis le début de la saison. Lorsque Petry est sur la glace en désavantage, le nombre et la qualité des tirs accordés s'additionnent au rythme de 5,9 buts attendus par heure jouée. Lorsqu'il n'y est pas, ce même taux augmente à 9,7 buts attendus cédés.
Cette différence de 3,9 buts attendus accordés situe Petry au deuxième rang de la LNH, tout juste derrière Trevor van Riemsdyk des Hurricanes de la Caroline, et devant Seth Jones des Blue Jackets de Columbus. En d'autres termes, devant un défenseur de premier plan et tout juste derrière un joueur qui, derrière Jaccob Slavin et Brett Pesce, n'affronte pas les premières vagues adverses.
Petry, aujourd'hui âgé de 30 ans, est au sommet de son art. Il est quelque peu regrettable de voir une de ses meilleures saisons se dérouler ainsi dans l'ombre d'une campagne qui ne mène à rien. Mais ses performances permettent aux amateurs et à l'administration de l'équipe de croire que cette défensive comporte encore en son sein des éléments susceptibles de rebâtir rapidement un club compétitif. Si les joueurs étoiles sont impossibles à acquérir, il est, après tout, plus facile de trouver des joueurs qui tirent leur épingle du jeu contre les fonds d'alignements adverses, ce qui manque cette saison cruellement aux Canadiens.