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J'expliquais
dans ma dernière chronique
comment P.K. Subban et Shea Weber ont, en changeant d'équipe, changé de rôle. Tous deux employés comme défenseurs à vocation offensive dans leur première équipe, ils sont passés, dans leur deuxième formation, à un rôle plus défensif.
Ce curieux hasard s'explique en partie, je le crois, par le fait que, si Weber et Subban ont des styles aux antipodes, ils n'en sont pas moins tous deux d'excellents défenseurs défensifs. Il est en ce sens plus facile de réaménager une brigade défensive en priorisant le recours à cette facette de leur jeu.

Subban et Weber ont connu des sorts passablement différents dans leurs nouvelles équipes sur un point précis et extrêmement important. Ce que j'appelle le pourcentage cumulé, statistique que l'on a depuis un moment désigné par le terme « PDO » (un faux acronyme, qui ne veut rien dire), a grandement varié pour les deux joueurs au cours des deux dernières saisons.
Le pourcentage cumulé est une simple addition, du pourcentage d'arrêts du gardien et du taux de réussite des tireurs lorsqu'un joueur donné est sur la glace. À l'échelle de la ligue, il est évidemment à 100 pour cent, mais les variations de ce taux aident à comprendre les variations, souvent importantes, du différentiel d'un joueur d'une saison à l'autre.
Shea Weber a particulièrement bénéficié, depuis son arrivée à Montréal, de la présence de Carey Price dans les filets. Dans l'ensemble, les gardiens des Predators de Nashville ont un pourcentage d'arrêts de ,914 en sa présence en 2015-16, un taux qui monte à ,925 lorsqu'il entre au banc.
Est-ce dû au fait qu'on lui demande de jouer contre les meilleurs? J'en doute, je pense qu'il y a une part plutôt importante de hasard qui est ici à l'œuvre. Les pourcentages d'arrêts à Montréal me le suggèrent d'ailleurs : lorsque Weber n'est pas sur la glace en 2016-17, les gardiens des Canadiens de Montréal ont un pourcentage d'arrêts de ,919. En sa présence? Un taux d'efficacité de ,949, un taux mirobolant, même pour Price!

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Pour Subban, les variations de pourcentage d'arrêts sont moins importantes d'une saison à l'autre, mais ce sont plutôt les taux de conversion qui changent complètement de bord. Alors que les Canadiens peinent à convertir des tirs en buts sans lui en 2015-16, c'est tout le contraire qui arrive en 2016-17 à Nashville, alors que les joueurs des Predators voient leur taux de conversion chuter de près de 2 points de pourcentage en sa présence.

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C'est pourquoi, lorsqu'on cherche à voir quel impact ces deux défenseurs ont eu, on ne peut s'en tenir au différentiel. On doit aussi regarder du côté des taux de possession de rondelle, un découpage qui bénéficie d'une nuance importante : que se passe-t-il, selon qu'on joue, ou non, dans les 30 secondes qui suivent une mise en jeu (c'est là où je trace la limite de l'impact moyen d'une mise en jeu sur le déroulement du jeu)?
Je vous rappelle le changement de rôle des deux défenseurs : le passage vers des tâches plus défensives s'est traduit par une plus faible de part de temps passé à prendre des mises en jeu en zone offensive. C'est dire que dans les situations suivant une mise en jeu, on peut s'attendre pour les deux joueurs à des résultats supérieurs à leur équipe en 2015-16 et inférieurs en 2016-17. Dans les deux cas, ça ne prend pas tout à fait cette direction.
C'est dans l'espace de jeu suivant les mises en jeu que Shea Weber connaît sa plus grande amélioration lors de son passage à Montréal. La chose mérite d'être soulignée parce que Weber a passé l'essentiel de la saison avec Alexei Emelin, qui n'est pas exactement le plus doué pour faire circuler la rondelle, ce qui a passablement augmenté la pression sur Weber, habitué à jouer avec Roman Josi.
Je pense que le score beaucoup plus difficile de Weber en jeu ouvert à Montréal est aussi un reflet de la faiblesse relative de son partenaire de jeu. Mais on peut quand même voir qu'à Nashville, avec Josi, les choses ne tournaient pas tout à fait rond. À voir comment Weber a rebondi défensivement à Montréal, je soupçonne que Josi n'était peut-être pas (peut-être plus?) le partenaire idéal pour lui. Avis à ceux qui, comme moi, considéraient que Nathan Beaulieu était celui qu'on devait associer au gros numéro 6 à Montréal… Emelin n'est pas le plus habile, mais il joue un style conservateur et prévisible qui permet manifestement à Weber de se concentrer sur ce qu'il fait de mieux, soit protéger « la boîte » et épuiser ses adversaires le long des bandes dans le territoire défensif.

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Subban fait toujours belle figure sur les statistiques de taux de tirs obtenus. Mais je note que le mouvement est, de son côté, plus cohérent avec son changement de rôle. L'avantage relatif qu'il donne à son équipe sur les mises en jeu s'étiole avec son passage à Nashville, mais le jeu ouvert est vraiment, vraiment là où il se distingue le plus.

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Encore ici, je ne trouve pas la chose si surprenante. La grande qualité de Subban demeure sa capacité à marauder à la grandeur de la patinoire pour récolter des rondelles libres. À Montréal, cela permettait de lui associer Andrei Markov, un joueur lent, mais un excellent passeur, alors qu'à Nashville, on lui a associé un défenseur plus jeune, plus mobile aussi, Mattias Ekholm, qui permet manifestement à Subban de prendre plus de place lorsque le déroulement du jeu devient plus fluide.
Au-delà des statistiques, il est fascinant de voir l'impact que l'échange de deux défenseurs de cette envergure peut avoir sur l'organisation d'une équipe. Dans les deux cas, on les a recentrés sur leurs missions défensives et, dans les deux cas, ils ont répondu en améliorant drastiquement leurs performances dans des facettes du jeu qui correspondent directement à leurs forces respectives.