En tout et pour tout, les formations à un défenseur amassent 6,8 buts par heure jouée, contre 5,3 pour celles à deux défenseurs. Pour une équipe moyenne, on parle d'un gain potentiel de 6 à 8 buts par année. Ça peut sembler négligeable, mais on estime que, d'une saison à l'autre, une différence de 6 buts marqués équivaut à une victoire.
Dans ce contexte, et sachant que les avantages numériques se font de plus en plus rares, il est tout à fait normal de voir les entraîneurs se convertir graduellement à des formations plus majoritairement constituées d'attaquants.
Sur le plan tactique, on ne peut s'empêcher de tracer un lien entre les formations à quatre attaquants et le déploiement de plus en plus systématique des formations « 1-3-1 », où on retrouve un attaquant devant le filet, un défenseur à la ligne bleue et trois attaquants répartis au centre de la zone offensive, soit un de chaque côté de la « boîte » formée par les quatre joueurs adverses et un autre planté en plein milieu de cette boîte.
Ça n'est pas une tactique sans risques, loin de là. Si on gagne 1,5 but par heure jouée avec une formation à un défenseur, on passe aussi de 0,7 à 1 but accordé par heure jouée. Cette exposition accrue au risque rend certainement les entraîneurs de la LNH (groupe conservateur s'il en est un) plus frileux.
Mais les formations à quatre attaquants continuent à se répandre, parce qu'elles rendent plus faciles les mouvements de rondelle « est-ouest » et, par conséquent, donnent des chances de marquer de meilleure qualité. Une par une, les formations de la LNH s'y essayent, trouvent des combinaisons qui fonctionnent et y consacrent une part de plus en plus grande de leur temps en avantage numérique.
Les gardiens, par leurs progrès manifestes, ont certainement contribué à ces avancées graduelles vers des schémas plus risqués, mais plus payants. Mais la diminution du temps passé à 5-contre-4 joue aussi : les occasions de ramasser des buts supplémentaires sont de plus en plus rares, on est de moins en moins enclin à les laisser passer, quitte à se brûler un peu plus souvent.
Dans ce contexte, comment peut-on faire remonter le nombre de buts marqués? Il n'est pas évident de resserrer l'étau de l'arbitrage sur les joueurs. Le dernier grand tour de vis, donné au retour du lock-out de 2004, a soulevé un immense tollé et on a dû lâcher prise. Les modifications apportées aux équipements des gardiens peuvent peut-être donner de petits changements à court terme, mais je doute qu'on puisse les altérer significativement sans compromettre la sécurité des cerbères. Restent les buts, qu'on pourrait agrandir. Ce changement ouvrirait alors une modification complète de l'offensive dans la LNH. Le résultat à court terme serait peut-être plus offensif, mais il faut se demander si, au bout du compte, on ne pousserait pas les entraîneurs à insister encore plus sur des systèmes de jeu conservateurs, destinés à protéger coûte que coûte une enclave qui grandirait avec les buts.
Les entraîneurs de la LNH sont conservateurs, certes. Mais on voit bien que, lorsqu'ils ont à aller chercher des buts, ils sont capables de se retourner vers des tactiques aux prises de risques plus grandes. Devrait-on donner trois points pour une victoire en temps réglementaire? Desserrer l'étau en zone neutre en travaillant le règlement des hors-jeu? Cibler, par l'arbitrage, certaines formes précises d'obstruction? Dans ce dernier cas, je pense à ces situations spécifiques où un joueur plus rapide peut, en rejetant la rondelle derrière un adversaire, forcer celui-ci à le ralentir alors qu'il n'a pas la rondelle. On semble encore aujourd'hui répugner à accepter que la vitesse, dans ce cas, ait préséance sur la force. C'est en remettant en question ce genre de convention non écrite qu'on arrivera, selon moi, à faire remonter les niveaux de production offensive. À voir les combats et autres vendettas graduellement éradiquées de la ligue depuis quelques saisons, il y a lieu de croire que la ligue est effectivement capable de ce genre de réforme.