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Martin Biron a connu une carrière de 15 saisons dans la LNH et il a signé 230 victoires en 508 matchs, connaissant notamment deux saisons de 30 gains et plus. Il a également atteint la finale de l'Association de l'Est avec les Flyers de Philadelphie en 2008. Le gardien natif de Lac-St-Charles a été sélectionné au 16e rang au total du repêchage 1995 par les Sabres de Buffalo. Il a évolué avec les Sabres, les Flyers, les Islanders de New York et les Rangers de New York. Martin a accepté de collaborer avec l'équipe de LNH.com chaque semaine afin de discuter de l'univers des gardiens et d'analyser l'actualité de la LNH.
Si on doit résumer la situation devant le filet depuis le début de la Finale de la Coupe Stanley entre les Bruins de Boston et les Blues de St. Louis, on peut dire que Tuukka Rask a le dessus sur Jordan Binnington. Ça ne veut toutefois pas dire que la recrue des Blues ne sera pas capable de mener son équipe aux grands honneurs.

Binnington est un gardien qui a confiance en lui. Il ne semble pas nerveux, rien ne semble le déranger, mais cette confiance frise parfois l'arrogance. On l'a vu défier le banc des Bruins lorsqu'il a été retiré du match no 3, ou encore bousculer légèrement Tuukka Rask dans cette rencontre au cours d'une pause publicitaire.
Les matchs no 1 et 3 étaient très émotifs pour les Blues et pour Binnington, et je pense qu'ils ont appris de ces rencontres. Il s'agissait d'abord d'un premier match en Finale pour presque tous les joueurs de l'équipe, et l'énergie était à son comble au TD Garden. Ensuite, le premier match à St. Louis était aussi très chargé en émotions, et on a vu que les Blues ont eu de la difficulté à gérer la situation. Je m'attends à ce qu'ils corrigent le tir pour les prochaines rencontres.
Pour Binnington, le match no 3 en est évidemment un à oublier. Rien ne fonctionnait pour lui, ce n'était pas sa soirée. Cependant, c'est bien souvent plus facile pour un gardien de se remettre d'un match comme celui-là que d'une défaite dans un match serré. Un gardien qui a le sentiment d'avoir tout fait ce qu'il était capable de faire dans une défaite comme ça, ou encore pire, qui accorde un seul mauvais but dans un revers de 2-1, peut avoir plus de difficulté à laisser ce match derrière lui.

BOS@STL, #3: Kuraly bat Binnington et fait 3-0

Binnington a pu immédiatement tourner son attention vers le match no 4, mais ce qu'on voit de plus en plus du côté de St. Louis, c'est que le gardien n'a plus besoin d'être dominant à outrance pour que l'équipe gagne des matchs. Il doit être capable d'effectuer les arrêts de routine et réaliser un ou deux arrêts-clés, mais il n'a pas à être la première étoile pour que son équipe gagne.
À l'autre bout de la patinoire, on a encore pu voir l'importance de Rask pour les Bruins au cours du match no 3. Il a été sensationnel dans les cinq premières minutes de la rencontre. S'il n'est pas là, Boston aurait probablement tiré de l'arrière très tôt, et le match aurait pu prendre une autre tournure.
Il faudra maintenant voir de quelle manière l'absence potentielle de Zdeno Chara va nuire à Rask. Le gardien va continuer de jouer de la même manière, peu importe qui sont les défenseurs devant lui. Cependant, la perte d'un défenseur comme Chara, qui bloque des tirs, qui utilise bien son long bâton et qui libère l'avant du filet, procure un sentiment de confort au gardien. C'est comme un bébé avec sa suce : sa présence est réconfortante.
L'étude des tendances
Dans le match no 4, le défenseur des Bruins Brandon Carlo a marqué un but en infériorité numérique sur un retour de lancer de Patrice Bergeron.

BOS@STL, #4: Carlo fait 2-2 en infériorité numérique

On voit souvent les joueurs pratiquer ce jeu précis dans les entraînements; le joueur qui s'amène sur l'aile et décoche un tir au ras la glace sur la jambière du côté éloigné afin de provoquer un retour dans l'enclave.
Bergeron n'avait peut-être pas en tête ce résultat précis quand il a décoché son tir, c'est tellement devenu un automatisme pour les attaquants qu'il a pris la bonne décision, puisqu'il se doute probablement qu'il ne va pas marquer d'un tir des poignets de cette distance.
Sur ce jeu qui se déroule en quelques secondes, il y a un énorme travail de préparation, autant du côté du gardien que du tireur. Si le gardien étudie les tendances des différents tireurs qu'il affronte, l'attaquant va faire la même chose, et certains vont même plus loin. Par exemple, le type de jambières utilisées par le gardien peut entrer en ligne de compte. Certaines jambières, comme celles utilisées par Henrik Lundqvist, sont construites avec des matériaux plus rigides, ce qui donne de plus longs retours. Ce sont des petits détails, qui peuvent toutefois faire une différence si l'information est diffusée et bien assimilée.
Pour donner un autre exemple de ça, mais du côté des gardiens, j'aimerais attirer votre attention vers la courbe particulière de la palette de l'attaquant des Blues Ryan O'Reilly. On voit plusieurs courbes spéciales dans la ligue, mais celle-ci est vraiment unique. La palette est pratiquement droite, avec un petit crochet tout au bout.

Ryan O'Reilly stick

Une telle courbe lui permet de manier la rondelle lorsqu'elle se trouve près de ses patins. Elle lui permet aussi de conserver le contrôle de la rondelle sur le bout de son bâton lorsqu'il tente de marquer en contournant le filet, comme sur son premier but dans le match no 4.
Certaines palettes sont vraiment ressorties du lot au fil des ans. Celles de John LeClair, l'ancien attaquant des Canadiens de Montréal, et de Claude Lapointe, un ancien des Nordiques de Québec, ont vraiment frappé l'imaginaire.

Comme gardien, la lecture d'un lancer de la part d'un joueur qui est doté d'une palette hors norme est unique et spéciale. Ça fait partie du travail d'étude des gardiens qui doivent connaître les tendances des joueurs, et de savoir qui est doté d'un bâton un peu plus spécial.
Le meilleur gardien que j'ai croisé à ce chapitre est de loin Martin Brodeur. Les recrues devaient profiter de leurs premiers matchs en carrière pour marquer contre Martin, parce qu'après l'avoir affronté à quelques reprises, ça devenait beaucoup plus difficile. C'était unique sa connaissance poussée de tous les joueurs de la ligue.
Je me souviens d'un match en séries contre les Devils du New Jersey alors que j'étais avec les Rangers. Chris Kreider venait de se joindre à l'équipe après sa carrière universitaire, et nous avions affronté le New Jersey en finale d'association. Kreider avait marqué et était revenu au banc fier de son tir. Je lui ai dit d'en profiter, parce qu'il n'aurait probablement plus la chance de marquer souvent avec ce genre de tir contre Martin dans le futur… et j'ai eu raison. Il en a seulement réussi deux autres contre lui avant qu'il ne prenne sa retraite.
\ Propos recueillis par Sébastien Deschambault, directeur de la rédaction LNH.com*