Dans l'épisode 4 de Rendez-vous CH, le préparateur physique des Canadiens Pierre Allard parle de son rôle dans l'entraînement des joueurs, les retours des blessés et ce qui est nécessaire pour être dans une forme optimale.

Marc Denis : En compagnie du préparateur physique des Canadiens de Montréal, Pierre Allard. On est dans son enceinte, dans son temple, dans le gymnase. Pierre, tout d'abord, on va y aller un peu chronologiquement. Les gens veulent vraiment savoir ce qui se passe la première journée du camp d'entraînement. Tous les joueurs parlent de la pire journée de la saison. Quels sont les tests physiques et quel genre de collecte d'informations veut-on aller chercher?
Pierre Allard : Ç'a beaucoup changé depuis les dernières années, même depuis que je suis arrivé. On a énormément évolué dans la cueillette d'informations qu'on va chercher avec les joueurs. Je dirais que maintenant, on trace un profil de l'athlète. Ce qu'on aime, c'est recueillir des informations qui vont nous être utiles durant la saison. Que ce soit pour des retours de blessures ou pour un suivi au cours de la saison. Avec les joueurs, on y va avec des profils de force, de vitesse, de puissance. On cherche à déterminer quelle est la puissance des joueurs, pour le haut du corps, le bas du corps et le corps au complet, avec des mouvements spécifiques. On essaie de déterminer leur puissance maximale. Et on fait des tests de cardio, de flexibilité et de mouvement. On recueille donc toute l'information et on trace un profil. J'aime dire aux joueurs que c'est comme un tableau de bord d'une voiture. On essaie de voir s'il y a des lumières qui allument à certains endroits et savoir si on doit s'en préoccuper ou juste faire de la maintenance.

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MD : Donc, c'est une information qui sert beaucoup plus à relever des inquiétudes que d'évaluer si un joueur s'est entraîné pendant la saison morte?
PA : Oui, parce que ce qu'on voit depuis quelques années, c'est que les joueurs arrivent de plus en plus prêts. Les jeunes ont un bagage d'entraînement qui est de plus en plus important, donc les joueurs arrivent avec une forme physique qui est assez bonne. Ce qu'on veut voir, oui c'est leur forme physique, mais on veut utiliser l'information pour que pendant la saison, on puisse faire le suivi du joueur.
MD :On sait que pendant l'été, les joueurs y vont d'améliorations, d'entraînement. Ils arrivent plus prêts que jamais. Pendant la saison, comment est-ce qu'on gère un horaire chargé dans la Ligue nationale de hockey avec les déplacements? Comment est-ce que ça se traduit pour le préparateur physique lors des entraînements?
PA :C'est de plus en plus individualisé, parce que chaque joueur a des besoins spécifiques. On doit prendre en considération les blessures passées, l'âge, le temps de glace. Il y en a qui vont jouer plus que d'autres. Il y en a aussi qui seront rayés de la formation. Il faut s'adapter à la réalité du joueur. Il y en a certains qu'on doit pousser beaucoup plus pour qu'ils aient un volume de travail qui représente les matchs ou durant des périodes de jeu de 16 à 18 minutes, tandis que pour d'autres, on doit plus gérer pour la récupération. C'est mon travail d'avertir les joueurs et de sélectionner ceux qui doivent en faire plus et d'autres qui doivent en faire moins.
MD :Donc l'époque des entraînements de groupe, c'est presque révolu dans le monde du hockey pendant la saison?
PA : Oui. C'est difficile de gérer un entraînement de groupe parce qu'on fait plutôt de la gestion de temps, tandis que lorsqu'on travaille vraiment des spécificités du joueur, on est plus sur des petits détails.

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MD :Tu as parlé d'une partie de ton rôle qui consiste à ramener des joueurs au jeu à la suite d'une blessure, qu'ils soient en forme et prêts à revenir le plus rapidement et efficacement possible. Parle-moi un peu de cette partie de ton rôle, qui diffère de la préparation physique.
PA : C'est un rôle où le travail d'équipe est vraiment important. Graham (Rynbend, thérapeute sportif en chef), Vincent (Roof-Racine, thérapeute sportif adjoint) et moi nous réunissons dès qu'il y a une blessure et on travaille avec un scénario potentiel de retour au jeu. Puis Graham et Vincent vont travailler avec la blessure, alors que moi, si c'est une blessure au bas du corps, je vais travailler avec le haut du corps pour maintenir la performance. Tranquillement, le joueur revient dans mes mains et là, mon travail est de le ramener au jeu. On va utiliser les données qu'on recueille avec les joueurs pendant les entraînements et les matchs. On utilise ces données pour savoir quel est le meilleur moment pour son retour au jeu. Donc mon travail, c'est de le ramener à un niveau de performance où il est capable de passer à travers un entraînement complet avec l'équipe et des scénarios de matchs.
MD : Tu m'as dit que ton rôle avait changé depuis ton arrivée. Depuis que j'ai arrêté de jouer, ç'a évolué énormément et j'ai remarqué cette saison un équipement que les joueurs portent pendant les entraînements. J'ai ici une petite boîte noire et une camisole de sport que les joueurs portent. À quoi ça sert exactement?
PA : Ce qui est difficile de calculer au hockey, contrairement à d'autres sports comme le rugby ou le soccer, c'est le volume d'entraînement que les joueurs font, que ce soit en situation de match ou d'entraînement. Récemment, le système Catapult est arrivé avec un algorithme utilisé au rugby. Ils ont été capables de le modifier pour pouvoir détecter les mouvements de patinage sur la glace. Ce qui rend le calcul du volume difficile, c'est le fait que c'est un sport de glisse. L'algorithme de Catapult arrive même à calculer de poussées, d'enjambées que les joueurs font au total, à droite versus à gauche. C'est un accéléromètre triaxial : avant, arrière, côté et au niveau des rotations. Tout ça fait en sorte qu'on connaît le volume, la charge de travail du joueur. On va l'utiliser dans les retours de blessures. On connaît le volume qu'un peut faire durant un match, un entraînement, et on utilise ce volume-là pour le réentraîner, savoir quand il est prêt à revenir au jeu. On l'utilise aussi pour un suivi durant la saison, pour voir si la fatigue évolue durant la saison. Si un joueur est plus fatigué, est-ce qu'on doit le reposer ou on doit le pousser un peu plus? Ce sont beaucoup de données à gérer, mais je pense que ça vaut la peine. Chaque équipe tend vers la science du sport, qui remonte à plusieurs années de recherches. On utilise ces recherches pour nous aider dans notre prise de décision.
MD :Que représente le plus grand défi d'un préparateur physique dans la LNH en 2016? Est-ce que ce sont les déplacements, le décalage horaire, le sommeil?
PA : C'est de gérer la fatigue des joueurs, parce qu'on part vraiment pour un marathon qui dure toute une saison. Il y a des moments forts, d'autres où on doit réfléchir et dire «est-ce qu'on doit pousser plus ou reposer les joueurs?» Ce sont des prises de décision qui se font d'une part par le feeling et l'expérience, et d'autre part avec toutes les nouvelles technologies. Il faut les utiliser, les comprendre et savoir les analyser. Il faut détecter ce qui est un signal par rapport au bruit qu'on voit dans les données. C'est de trouver la bonne information pour la gérer.
MD :Pierre Allard, merci beaucoup. Bon marathon!
PA : Parfait, merci!