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Il y a 25 ans, les Canadiens de Montréal ont remporté la Coupe Stanley pour la dernière fois de leur histoire. Il s'agit également du dernier championnat de la LNH de la part d'une équipe canadienne. Les membres de l'édition championne de 1993 seront honorés avant le match d'ouverture locale de l'équipe jeudi soir. Dans un dossier publié en juin, LNH.com est revenu sur cette conquête dans le cadre d'une série d'articles réalisés à la suite d'entrevues avec des membres de cette édition championne et d'intervenants du milieu sportif.
Les séries éliminatoires 1993 s'étaient mal amorcées pour le Tricolore, qui avait subi deux revers d'affilée contre ses grands rivaux, les Nordiques de Québec.
Une convocation de Patrick Roy au bureau de l'entraîneur Jacques Demers avant le match no 3 au Forum allait faire basculer les choses. Roy s'en souvient très bien.
« Je craignais le pire avant d'aller rencontrer "coach" Demers », relate l'ancien gardien vedette en entrevue à LNH.com. « Je pensais peut-être qu'il m'annoncerait qu'il me remplacerait par André Racicot parce que je n'avais pas bien joué dans les deux matchs au Colisée de Québec.
« J'entre dans son bureau et il me lance : "Je vais survivre ou mourir avec toi devant le but, ça fait qu'embraye". C'est le message qui allait me relancer. Ça m'a redonné la confiance dont j'avais besoin. Partant de là, je me suis dit : "OK c'est à moi de faire le travail". »

On avait grandement fait état à l'époque de la déclaration de l'entraîneur des gardiens des Nordiques Daniel Bouchard, selon laquelle on avait identifié une faille dans son style, qui l'aurait piqué au vif.
« Pas tant que ça », précise le principal intéressé un quart de siècle plus tard. « J'en avais déjà plein les bras à essayer de retrouver mes repères. »
La victoire en prolongation dans le match no 3 au Forum allait marquer un tournant.
« Soudainement, la ferveur était de retour en ville, évoque l'attaquant Kirk Muller. Nous avions gagné le match no 4 et c'était maintenant 2-2 dans la série. Nous avons commencé à croire en nous et la ville s'est enflammée en raison de la forte rivalité qui existait avec les Nordiques. Cette rivalité nous a aidés et le fait que c'était la première ronde a fait embarquer tout le monde. Vous savez ce qui peut arriver à Montréal quand tout se met à bien aller. Ça peut être contagieux. »
Pour Roy, le match pivot a été le cinquième de la série, remporté en surtemps au Colisée.
« Nous étions revenus au Forum crinqués après avoir remporté trois victoires de suite. Puis, Paul DiPietro a fait trois buts et nous avons éliminé les Nordiques. Ça n'a pas dérougi par la suite. Il y a eu un héros différent à chacun des matchs ou presque de notre parcours. Un soir, c'était John LeClair, un autre c'était Gary Leeman ou Guy Carbonneau, Vincent Damphousse, Kirk Muller ou Stephan Lebeau. »
L'effet boule de neige a plongé les Canadiens dans un état de grâce. À preuve, les 10 victoires remportées en prolongation. Ajoutez à ça que les équipes pressenties pour aller jusqu'au bout, incluant les Penguins de Pittsburgh de Mario Lemieux, sont tombées au combat en cours de route. La voie était grande ouverte.
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« Le fameux "momentum" des séries, ça existe vraiment, souligne Lebeau. De bonnes équipes peuvent devenir moins bonnes tandis que d'autres peuvent devenir meilleures. Nous pouvions être considérés comme une équipe aspirante, mais pas favorite.
« D'être venu de l'arrière dans la série contre les Nordiques a fait de nous une meilleure équipe. À chacune des étapes que nous franchissions, nous gagnions du "momentum" pour finalement se retrouver en état de grâce. Vers la fin, nous pouvions toucher à l'invincibilité. Lors du dernier match de la Finale contre les Kings de Los Angeles, nous savions que Wayne Gretzky et sa bande n'avaient aucune chance. Nous n'étions pas habités par ce sentiment d'invincibilité au début des séries. Ça s'est créé au fur et à mesure. »
Roy dit qu'à un moment donné, il est entré dans la zone, sa zone, comme les athlètes de haut niveau définissent souvent des performances hors du commun.
Au sommet de son art, il s'est même permis de narguer Tomas Sandstrom des Kings dans le quatrième match de la Finale, en lui faisant un clin d'œil après avoir immobilisé la rondelle.
« Ce n'était absolument pas un geste prémédité de ma part, mentionne-t-il aujourd'hui. Quand on y repense, c'est incroyable qu'on ait capté la scène. Il n'y avait pas autant de caméras de télévision que de nos jours.
« J'avais le sentiment de jouer dans la tête des Kings. Ils m'accrochaient au passage et ils essayaient de me déconcentrer. Je ne voulais pas embarquer là-dedans. Sur la séquence en question, Sandstrom m'avait donné un petit coup de bâton sur une jambière avant de faire le tour du but. En repassant devant moi, je lui ai fait un clin d'œil. C'était ma façon de dire aux Kings : "je suis en contrôle, rien ne rentrera dans le but". J'ai fait ça du tac au tac. »
C'est au cours de ce match que Roy, sentant ses coéquipiers agités face à une situation tendue, avait pris la parole avant la troisième période.
« Allez chercher un but, je vais m'occuper du reste et tout va aller », leur avait-il lancé.
« Entre le dire et le faire, y'a un monde, mais je voulais juste calmer les gars », raconte-t-il aujourd'hui.
Avant le clin d'œil, il y avait eu le mesurage de bâton Marty McSorley dans le match no 2 qui avait eu un effet déstabilisant sur les Kings. Les Canadiens avaient créé l'égalité pendant la pénalité mineure qu'on a imposée à McSorley vers la fin du troisième tiers, avant de l'emporter en prolongation.
« Il n'y a aucun doute pour moi que ç'a été un moment crucial, admet Roy. Peut-être aurions quand même créé l'égalité, nous ne le saurons jamais. Pensez-y, ce n'aurait pas été une mince affaire que de se rendre à Los Angeles en recul 0-2 dans la série. Nous avions tout intérêt à trouver une façon de gagner et Jacques (Demers) l'a trouvée. »
On connaît le reste de l'histoire. Les Canadiens allaient remporter les trois matchs suivants, incluant deux autres en prolongation.